Les engins blindés rochelais
Légende :
Vues des quatre engins blindés conçus et assemblés clandestinement à La Rochelle en 1945.
Genre : Film
Type : Film
Source : © Institut national de l’audiovisuel Droits réservés
Détails techniques :
Rushes non utilisées
Durée totale : 8 minutes
Durée de l'extrait : 2 minutes
Date document : 1945
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Poitou-Charentes) - Charente-Maritime - La Rochelle
Contexte historique
Au sein de la poche rochelaise restée occupée jusqu’en mai 1945 par les Allemands, des résistants ont conçu et mis en œuvre, au nez et à la barbe des forces occupantes, la transformation de deux camions et deux voitures en automitrailleuses. Leur objectif était de disposer d’engins à même d’appuyer un éventuel soulèvement, qui aurait été lancé en cas d’assaut français contre la poche.
Le promoteur de ce projet est Raymond Seguin, directeur des chantiers navals Delmas-Vieljeux de La Pallice. Les camions utilisés sont de type Liberty, un modèle américain conçu en 1917. Les voitures sont de type Simca 5. Les deux camions ont chacun été armés de deux mitrailleuses, deux fusils-mitrailleurs et un lance-flamme, pour un équipage de six hommes. Les voitures ont chacune disposé d’un fusil-mitrailleur et un lance-flamme, avec un équipage de deux hommes.
Le matériel nécessaire, en particulier les ferrures et les plaques de tôle pour le blindage, a été réuni dans un atelier du quartier rochelais du Gabut. Il a ensuite été transporté en plein centre de La Rochelle en charrette à bras, sous le couvert d’une entreprise de pompes funèbres. Les deux camions ont été équipés et armés dans les chais d’un négociant en vin. Quant aux deux voitures, elles ont transformées dans les ateliers d’un chauffagiste. La prise de risque a été conséquente : les chais, où les camions étaient montés, servaient également de point de retrait de vin pour les forces allemandes. Deux femmes, occupées à laver des bouteilles, assuraient en conséquence le guet.
Dans l’après-midi du 7 mai, bien que non encore pleinement achevés, les véhicules sont apparus au grand jour tandis que les groupes résistants prenaient le contrôle des principaux bâtiments publics, sans heurt avec les forces allemandes. Le 8 mai, lors de l’entrée des forces françaises à La Rochelle, les engins rochelais ont attiré les objectifs des reporters accompagnant les troupes.
Les engins ont arboré les noms de trois personnalités rochelaises, arrêtés puis assassinées en 1944. La nouvelle de leurs décès était parvenue à La Rochelle en janvier 1945. Les deux camions ont ainsi été nommés Léonce Vieljeux et Franck Delmas. Les deux Simca ont été baptisées Joseph Camaret I et Joseph Camaret II. Léonce Vieljeux était le propriétaire de la compagnie maritime Delmas-Vieljeux et des chantiers navals du même nom à La Pallice. Maire de la ville de La Rochelle de 1930 à sa destitution le 22 septembre 1940, opposant farouche à l’occupant, il a été arrêté à La Rochelle le 14 mars 1944, ainsi que plusieurs membres et proches du réseau Alliance, dont son neveu Frank Delmas, directeur des chantiers Delmas-Vieljeux, et Joseph Camaret, ingénieur en chef des mêmes chantiers. Successivement transférés à Poitiers, à Fresnes puis au camp de concentration de Schirmeck, ils ont été assassinés au camp de de Natzwiller-Struthof dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, avec 104 autres détenus du réseau Alliance.
Le camion blindé Léonce Vieljeux est de nos jours exposé au Musée des Blindés de Saumur, tandis que la Simca Joseph Camaret II, restaurée en 2014, est visible depuis 2015 au Musée d'Art et d'Histoire de La Rochelle.
Stéphane Weiss
Sources :
Musée des Blindés de Saumur
Yves Tricaud et Agnès Boizumeau in CD-ROM La Résistance en Charente-Maritime, AERI, 2010