Jeruchem Kleszczelski
Légende :
Jeruchem Kleszczelski, commandant du bataillon 51/22 Liberté, fin 1944-début 1945
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Mémorial de la Shoah / Coll. UEVACJ Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique en noir et blanc
Lieu : France
Contexte historique
Né le 21 octobre 1915 à Bielsk (Pologne), Jeruchem est le fils de Gedalje Kleszczelski, menuisier, et de Szossy (Józefy) Rabinowicz, employée dans une boulangerie.
Alors qu’il est en dernière année au lycée hébreu de Bialystok, il vient en aide à un camarade juif frappé par un groupe de jeunes Polonais. Arrêté par la police, il passe trois mois en prison avant d’être relâché grâce au dessous-de-table laissé par son père aux policiers. Il doit cependant quitter le pays. Etant mineur, Jeruchem modifie son année de naissance - 1915 en 1912 - et réussit à gagner Paris en janvier 1936 où un ami journaliste lui trouve un emploi dans une menuiserie. C’est seulement dans les années 1960 que sa véritable année de naissance sera rétablie sur ses papiers officiels.
Le 2 décembre 1936, Jeruchem est arrêté à Paris pour défaut de carte d’identité. Il est trouvé en possession d’un livret militaire polonais, d’une carte d’identité polonaise ainsi que de plusieurs lettres au nom de Goldman, boulevard de Belleville. Lors de son interrogatoire par les policiers, il refuse de préciser la date de son arrivée en France, se dit musicien et déclare être logé 117 rue du faubourg du Temple. La vérification qui y est alors effectuée permet de constater qu’il y avait bien logé sous un faux état-civil du 22 octobre au 17 novembre 1936. Lors de son audition, il déclare également avoir appartenu au parti communiste en Pologne, présente aux policiers une citation à comparaître devant un tribunal en Pologne et réclame de ce fait la qualité de réfugié politique. Le préfet de police saisit alors le ministre de l’Intérieur sur la suite à donner. Le 5 juin 1937, Jeruchem formule une demande d’autorisation de séjour. Le 2 décembre 1938, cette requête est rejetée par le ministre du fait de son entrée irrégulière en France.
En 1938, il rencontre à Paris d’une jeune fille juive qu’il avait connu à Bielsk, Tobja (Taibke) Agres. Le couple s’installe au 209 rue Saint-Maur dans le Xe arrondissement parisien. Ils se marient en octobre 1939.
Le 2 janvier 1939, suite au rejet de sa demande, il est mis en demeure de quitter le territoire français. La ligue française pour la Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen se saisit du dossier. La note qu’elle adresse au ministre nous apporte de précieux éléments sur le parcours de Jeruchem. Ce dernier était, en Pologne, membre de l’organisation culturelle juive CISZA. En 1936, il a été arrêté et accusé de propagande antigouvernementale. C’est lors de sa mise en liberté provisoire qu’il a fui son pays pour se réfugier en France. Dès son arrivée, il a effectué les démarches nécessaires pour régulariser sa situation juridique d’étranger.
Malgré ces démarches, le ministre de l’intérieur confirme le 24 juillet 1939 au Préfet de police que la mesure de refoulement prise à l’encontre de Kleszcelski est maintenue. Il s’engage alors l’armée polonaise reconstituée en France. Le 31 mars 1940, il rejoint le Centre d'instruction de Coëtquidan puis est affecté à la demi-brigade de montagne du colonel Makowski. Après la débâcle, il se trouve à Toulouse. En juillet 1940, il est de retour à Paris et entre dans la clandestinité.
Militant du Parti communiste clandestin et de la section juive de la MOI, il intègre dans un premiers temps, sous le pseudonyme d’Alfred, le service de renseignements des FTP-MOI où ses connaissances en polonais, russe et allemand sont fortement appréciées. Il s’occupe également de trouver des faux papiers et un abri sûr pour les Juifs menacés Il rejoint le 2e détachement en mai 1942 en qualité de chef de groupe (celui-ci comprend notamment Marcel Rayman et Wolf Wajsbrot). En croisant les actions mentionnées dans son mémoire de proposition pour l’attribution de la médaille de la Résistance française, les faits signalés dans les mémoires de Boris Holban et les rapports des renseignements généraux sur la répression des menées communistes, nous pouvons établir une liste (non exhaustive) des opérations auxquelles Jeruchem Kleszcelski a participé :
- 16 décembre 1942 : explosion dans un camion réquisitionné par les autorités allemandes, au moment où celui-ci venait de quitter le garage Desaix (rue Desaix) et se trouvait à hauteur du n° 35 du boulevard de Grenelle (XVe). [PP, RMC/RG, 15 au 21 décembre 1942]
- 30 décembre 1942 à 19h50 : attentat par engin explosif commis contre l'hôtel Napoléon, situé 38 et 40, avenue Friedland (VIIIe arrondissement). Cet hôtel est occupé par les autorités allemandes. L'engin, qui a été projeté de l'extérieur dans une salle du rez-de-chaussée, n'a provoqué que quelques dégâts matériels. [PP, RMC/RG, 22 décembre 1942 au 4 janvier 1943]
Ces deux opérations de décembre 1942 ont été menées sous la direction de Jeruchem Kleszcelski, Mayer List et Marcel Rayman.
- 4 janvier 1943 à 7h15 : une bombe et une bouteille incendiaire ont explosé avenue Lowendal à Paris, à hauteur du ministère du Travail, au passage d'une compagnie allemande qui emprunte chaque jour cette voie pour se rendre aux bâtiments militaires de la place de Fontenay. [PP, RMC/RG, 5 au 11 janvier 1943]. Selon le témoignage de David Diamant, cette opération a été exécutée par Jeruchem Kleszcelski, Marcel Rayman, Hélène Kro et Henri Tuchklaper. Selon Kleszelski lui-même, Wolf Wajsbrot faisait partie du groupe mais pas Tuchklaper.
- 8 janvier 1943 à 19h45 : deux engins explosifs lancés dans le restaurant La Croisette, 23, rue Boissy d'Anglas (VIIIe arrondissement), réquisitionné par l'armée d'occupation. Deux soldats allemands et un colonel roumain ont été légèrement blessés. Le restaurant a subi des dégâts matériels. [PP, RMC/RG, 5 au 11 janvier 1943]
- 13 février 1943 à 19h15 : attentat à l'engin explosif commis contre l'hôtel Alexandra situé 16, rue de la Bienfaisance (XVIIIe arrondissement), occupé par les autorités allemandes. L'explosion a causé des dégâts matériels assez importants. [PP, RMC/RG, 9 au 15 février 1943]
- 10 juillet 1943 : à Choisy-le-Roi, une grenade a été lancée dans le parc de la Feldkommandantur [PP, RMC/RG, 15 au 21 novembre 1943 (rapport ultérieur au fait)] - 25 août 1943 à 13h05 : une grenade anglaise Mills a été lancée sur un camion transportant des soldats allemands, avenue des Moulineaux à Boulogne-Billancourt, Un des militaires a tiré sans succès des coups de feu sur l'auteur de l'attentat, qui a pu prendre la fuite. [PP, RMC/RG, 23 au 29 août 1943]
Au début du deuxième semestre 1943, les membres les plus expérimentés des FTP-MOI sont envoyés dans plusieurs régions pour former et coordonner l’action des groupes locaux. C’est ainsi que Jeruchem Kleszelski est envoyé dans le Nord pour former une unité FTP-MOI composée essentiellement de mineurs polonais et de prisonniers de guerre russes évadés. Fort de son expérience, il créé des groupes en Meurthe-et-Moselle puis dans l’Orne. En novembre 1943, il est envoyé à Nancy pour évaluer un groupe dont le responsable semblait peu actif. C’est à son retour à Paris qu’il apprend les arrestations de ses camarades, notamment Rayman et Wajsbrot. Une nouvelle mission le conduit à Lille pour reconstituer un groupe frappé par une vague d’arrestations et ayant eu plusieurs membres tués lors d’une altercation avec des soldats allemands. C’est lors d’un rendez-vous avec le chef du groupe que Jeruchem est arrêté par la police puis incarcéré à Arras. Après deux mois de prison, il est jugé et condamné à deux mois de détention pour usage de faux-papiers d’identité. Ayant déjà purgé sa peine avant le procès, il est libéré et revient à Paris début mai 1944. C'est là qu’il apprend le décès de son épouse. Taibke avait rejoint les FTP au début de l’année 1943 et intègré le service technique en qualité d’agent de liaison. Rôle primordial, elle apportait les armes – revolvers, grenades et explosifs – aux combattants avant chaque attentat et récupérait l’armement une fois la mission effectuée. Le 11 avril 1944, elle est tuée par l’explosion d’une bombe qu’elle transportait.
Jeruchem effectue de nouvelles missions en Normandie puis à Valenciennes. Revenu à Paris, il y reprend en main l’organisation décimée par plusieurs vagues d’arrestations. En juin 1944, il est adjoint au commandant militaire des FTP-MOI d’Ile-de-France, Boris Holban. Durant l’insurrection parisienne, il a pour mission de coordonner les activités des différents groupes et de s’assurer de leur bon approvisionnement aussi bien en armes et munitions qu’en ravitaillement.
Au lendemain de la libération de Paris, Kleszcelski rejoint le 1er régiment de Paris à la caserne de Reuilly et y prend les fonctions d’adjoint au commandant du 2e bataillon Liberté. L’un de ses premiers actes est de donner le nom de Marcel Rayman, son camarade de combat, à la compagnie juive du bataillon. Le 20 septembre 1944, il signe un engagement volontaire pour la durée de la guerre avec le grade de capitaine FFI. Promu commandant, Jeruchem Kleszcelski prend la direction militaire, succédant à Boris Holban, du bataillon Liberté (bataillon 51/22) jusqu’à sa démobilisation le 30 mai 1945.
Le 11 décembre 1945, Kleszcelski est cité à l’ordre de la division par le général Koenig (attribution de la croix de guerre 1939-1945 avec étoile d’argent). La médaille de la Résistance française lui est décernée par décret du 31 mars 1947 (Journal officiel du 26 juillet 1947).
Revenu à la vie civile, il reprend son métier de menuisier – ébéniste tant en contribuant aux activités de la Croix-Rouge polonaise. En juin 1947, Jeruchem épouse Shirley Kremberg, également originaire de Bielsk et fille d’un de ses amis proches. Peu de temps après, le couple émigre aux Etats-Unis et s’installe à Brooklyn. Jeruchem change d’identité pour prendre celle de Jerry Krystal. De leur union naissent deux enfants, Geoffrey et Mark (en hommage à Marcel Rayman). Après la retraite de Jerry, la famille déménage en Floride en 1981. Il y décède en octobre 1987.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources :
Archives privées Geoffrey Krystal (dont « Jeruchem Kleszczelski, French Resistance Fighter ». Based on his written memoir and oral accounts to his sons.)
Archives nationales 19940457-137 - Fichier de la Sûreté nationale
Service historique de la Défense, CAPM, Pau
Ordre de la Libération, archives de la commission nationale de la médaille de la Résistance française
Archives de la Préfecture de Police de Paris, renseignements généraux / répression des menées communistes (RG/RMC)
Mémorial de la Shoah, fonds David Diamant, CMXXV/11/1/2 - Témoignages écrits (1944-1989) : "Taïbke et Jeruchem Kleszcelski" par David Diamant.
Boris Holban, Testament, Paris, Calmann-Lévy, 1989.
Stéphane Courtois et Denis Peschanski, Le Sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989, 2e édition 1994.
Jeruchem Kleszczelski, « Mój ukochany Bielsk », Księga Pamięci Żydów Bielska Podlaskiego, Muzeum Małej Ojczyzny w Studziwodach, 2017
Geoffrey Krystal, « Mój ojciec Jeruchem Kleszcelski», Bielski Hostineć, nr 1 (11) 2011
Wolf Younin, « Jeruchem i Tajble Kleszcelscy– bohaterowie z Bielska », Bielski Hostineć, nr 1 (11) 2011
Certificat de présence au corps - avril 1940
Coll. Geoffrey Krystal
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Coll. Geoffray Krystal
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Coll. Geoffrey Krystal
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Coll. Geoffrey Krystal