Julien Selonczyk / Solonczyk
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Archives du Centre Medem, fonds Halter et Skoutelski Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc
Contexte historique
Julien Selonczyk / Solonczyk est né le 17 juillet 1926 à Paris (XIIe arr.), fils unique d’Icek Selonczyk, tailleur, et d’Esther Kaya Sosnowski, ouvrière en chapeaux. Ses parents, immigrés juifs polonais, habitent 44, Passage Montgallet à Paris (XIIe arr.) et sont militants communistes. Mais son père quitte le parti au moment des procès de Staline pour devenir bundiste alors que sa mère reste communiste, membre de la Kultur Lige (1) et de la chorale de l’UJRE.
Ils sont très amis du couple Skoutelski, militants bundistes dont le fils unique, Aimé (2), né en 1925, devient le meilleur ami de Julien, ils font ensemble les 400 coups. En septembre 1939, les enfants parisiens commencent à être évacués de Paris et classes par classes, sont envoyés en province. Julien et Aimé se retrouvent par hasard au lycée David-d’Angers (Angers, Maine-et-Loire) pour quelques mois avant d’être évacués vers Vitré (Ille-et-Vilaine) où ils assistent à l’arrivée des troupes allemandes en juin 1940. Aimé retourne à Paris chez ses parents tandis que Julien préfère passer seul en zone Sud et s’installe à Lyon. Il poursuit ses études grâce à une bourse pour vivre… jusqu’au 20 du mois. Ensuite, il se débrouille. En juin 1942, il loge au "Foyer des étudiants réfugiés", 25 boulevard des Belges, qui était organisé par le Secours national, organisme humanitaire réactivé par Pétain. Alors que la pression sur les Juifs étrangers s’accentue en zone occupée, Julien envoie son autorisation personnelle de circuler entre Paris et Lyon à son ami d’enfance Aimé pour que celui-ci le rejoigne. A la rentrée de 1942, Julien et Aimé sont inscrits au lycée du Parc : boursiers, ils peuvent trouver un logement pour eux deux et continuent à se débrouiller pour vivre.
A partir de l'hiver 1942-1943, les deux compères fréquentent différents groupes :
- un groupe réunissant des opposants de gauche (anarchistes, trotskistes, socialistes, etc.) qui publie une revue clandestine et qu’il diffuse,
- "les camarades de la route", usagers des auberges de jeunesse dont le mouvement est désormais contrôlé par le régime de Vichy
- les jeunes bundistes (3) regroupés autour de Lyon et retrouvés par Aimé.
Les parents d’Aimé arrivent à Lyon avant novembre 1942, après vers Grenoble en zone d’occupation italienne. Aimé les suit, Julien reste à Lyon et lui écrit : "Voilà, maintenant je pense la même chose que l'oncle Joseph [Staline, NDLA]". Julien entre alors en résistance au sein de l'Union de la jeunesse juive (UJJ) commandée par Pierre Gluckstein (4).
En mars 1944, il intègre le bataillon Carmagnole des FTP-MOI à Lyon sous le pseudonyme de Claude et participe à des actions armées. Malgré son activité intense, malgré les actions presque quotidiennes dans les FTP, il trouve toujours le temps de lire et de s’instruire. Les combattants savent que pour trouver Claude, il faut aller à la bibliothèque. Ses supérieurs apprécient beaucoup son intelligence et sa conscience politique, sa capacité à comprendre les problèmes politiques les plus compliqués et à les expliquer à ses camarades de combat : il est nommé adjoint du responsable politique du bataillon. Au maquis de Saint-Didier, il est blessé à la cuisse, ce qui ne l’empêche pas de reprendre le combat.
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1944, près de la rue du 4 août (Villeurbanne, Rhône), Léon Rosenfarb est blessé de deux balles alors que l'un de ses camarades lui expliquait le maniement d'une arme. Il est transporté par Julien Selonczyk, Pierre Katz et deux autres camarades à l’hôpital Grange Blanche, mais voyant que le surveillant veut les dénoncer, le groupe se retire ; ils se rendent à la Maison des Étudiants (Lyon) où ils demandent assistance à des étudiants en médecine. Dirigés ensuite vers la clinique Jeanne d'Arc, cours Albert Thomas (Lyon), Rosenfarb y est admis. Mais là aussi, la police est pérvénue. Un commissaire et quelques agents tentent d'arrêter Selonczyk et Katz qui tirent en riposte. Le commissaire est grièvement blessé (tué ?) : Pierre est abattu, Julien est blessé et arrêté alors qu'il tente de se défendre en lançant une grenade. Les policiers trouvent sur lui 16.000 francs et divers documents parmi lesquels des plans d'usines. Interrogé, Julien ne peut qu’avouer faire partie de la Résistance.
Écroué à la prison Saint-Paul (Lyon) le 1er juin, Selonczyk est admis dans son hôpital. René Cussonac, l'intendant de police de Lyon, se saisit de l'affaire afin que Julien soit déféré à la cour martiale du Secrétariat Général au Maintien de l'Ordre. Simulacre de justice, les juges sont des miliciens et les accusés ne sont assistés d’aucun avocat. Ils n’ont aucun droit possible de recours, ni appel, ni demande en grâce. Le procès est réglé par avance dans les bureaux de Cussonac et les arrêts de condamnation à mort et procès-verbaux d’exécution sont remplis avant comparution. L’audience ne dure que le temps de lire la seule peine qui peut être prononcée, la condamnation à mort. Les condamnés sont alors immédiatement exécutés. Le 19 juin 1944, Julien Selonczyk qui n’a pas 18 ans, comparaît devant cette cour martiale, siégeant directement dans une petite pièce de la prison Saint-Paul. Quelques heures plus tard, il est fusillé par des policiers français dans les fossés du fort de la Duchère (Lyon).
"Mort pour la France", il est inhumé à la Nécropole nationale de la Doua (Villeurbanne), rang A 11, tombe 15. En 2009 à Paris au lycée Jacques Decour (résistant lui-même fusillé en 1942), une plaque portant 27 noms, celui de Julien Selonczyk et ceux des 26 autres lycéens juifs qui avaient été déportés, est dévoilée en présence de Mme Simone Weill.
(1) La Kultur Lige a été fondée en 1922 par différentes associations parisiennes yiddishophones de gauche mais tombe rapidement sous le contrôle des seuls communistes.
(2) Entretien vidéo avec Aimé Skoutelsky, février 2015, par Bernard Flam, Archives du Centre Medem
(3) Groupe d’anciens du Skif, organisé par Cécile et Henri Steingart pour la résistance sociale puis la résistance armée
(4) Pierre G. a été ensuite nommé "interrégional MOI" pour toute la jeunesse immigrée du Rhône et de la Loire. Il est le frère de Simon Gluckstein qui s’est marié avec Jacqueline Shindler, famille de bundistes et devenue présidente du Centre Medem.
Auteurs : Jean-Sébastien Chorin et Bernard Flam
Sources et bibliographie :
Biographie de Julien Selonczyk par Jean-Sébastien Chorin, dans Les fusillés 1940-1944, Maitron, Editions de l’Atelier, 2015.
David Diamant, Héros Juifs de la Résistance française, p.197-198, Paris, Éditions du Renouveau, 1962.
"Les 39 fusillés du fort de la Duchère", p. 6 à 9 du Bulletin 141 de l’Amicale des Anciens des Maquis de la Vallée d’Azergues, 2021.
Entretien avec Aimé Skoutelski : meilleur ami de Julien, il témoigne sur leur vie jusqu’en 1943. Vidéo de février 2015, par Bernard Flam – Archives du Centre Medem
Photos du fonds Halter et Skoutelski - Archives du Centre Medem
Archives départementales du Rhône, 3678W21.- CHRD, Lyon, Art. 1167 – recherches de JS Chorin.