Groupe du maquis Morvan (février 1944)

Légende :

Le groupe est aux "Chiquets", commune de Sainte-Colombe, près d'Orpierre, dans les Hautes-Alpes, à proximité du département de la Drôme. La photo a été prise en février 1944.

Genre : Image

Type : Photographie

Producteur : inconnu

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique argentique.

Date document : février 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Sainte-Colombe

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Analyse média

Ce groupe du Maquis Morvan a été photographié en février 1944, aux Chiquets, hameau du village de Sainte-Colombe. Cette commune des Hautes-Alpes se situe à 5 km d’Orpierre, dans le même département, et à environ 8 km de Laborel, dans la Drôme. Après la guerre, ce document a été conservé par l’un des Résistants, puis par l’Amicale du maquis des bataillons Morvan.

On compte 27 hommes, soigneusement regroupés pour la photo. Seize sont debout, de gauche à droite, Lucciani, Blabla, Albin de Segovia, Quique, Georges, Decourbet, Géo, Oualhou, Morvan, Rudy, Bob, Félix, Jacob, Germain, et Panine.

Neuf sont accroupis, et deux étendus à même le sol, accroupis de gauche à droite : Pinoche, Mazet, Benoît, Popeye, Poucet, Arnoux, Napoléon, Frisé, Totor et Marc.

Ils semblent tous en tenue militaire sombre, faisant penser à celle des chasseurs alpins ou, plus courante à ce moment-là, à celle utilisée dans les chantiers de la jeunesse ; d’ailleurs trois ont un béret incliné, comme les chasseurs. 14 ont un casque, pour certains français, et US ou italiens pour d’autres, 9 sont nu-tête et l’un d’eux est coiffé d’une sorte de calot. Ainsi s’exprime la volonté du maquis d’acquérir un équipement militaire pour le combat et les limites des moyens en ce début 1944.

Quant à la question essentielle des armes, il faut se rendre à l’évidence : la plupart ont un fusil en main ; peut-être, l’un d’eux tient un pistolet mitrailleur et l’un des deux soldats à terre, un fusil mitrailleur (Bren ou FM 29).

Une bonne dizaine ont une écharpe leur enveloppant soigneusement le cou, signe, entre autres, de la persistance de l’hiver en ce mois de février. Derrière le groupe, on remarque quelques branches d’un arbre dénudé, et, au premier plan, le sol apparemment assez aride de la montagne haut-alpine.

En arrière plan, apparaissent deux sommets des Alpes d’assez faible altitude et un village, peut-être Sainte-Colombe, à leur pied.


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve

Sources :

Informations transmises par Catherine de Segovia-Spada (Amicale Maquis Morvan).

Contexte historique

Les 27 volontaires du Maquis Morvan constituent l’un des groupes de cette formation FTP. Quelques éléments des actions du maquis peuvent aider à situer les mouvements de ce groupe, sans qu’il soit possible d’être plus précis.

En 1943, Félix Germain, Morvan, prend le commandement du camp Marceau dans la montagne de Faye, avec le grade de capitaine. Il développe ce qu'on a appelé les maquis « Morvan », à la limite des départements de la Drôme et des Hautes-Alpes.

À proximité de Séderon, précisément à Pomet (Hautes-Alpes), distant d'environ trente kilomètres du bourg drômois, au nord-est, et non sans rapport avec les Baronnies, Morvan découvre une ferme et y cantonne. « L'effectif [de son maquis] est alors de soixante hommes relativement bien armés ». À la sortie de l'hiver, le 5 mars 1944, il subit une attaque, dans laquelle il aurait perdu trois hommes. Il se replie sur la montagne de Chabre, près de Ballons (Drôme). L'un des groupes se réfugie dans un jas de Barret-le-Bas (Hautes-Alpes).

Après le débarquement du 6 juin, les unités du maquis deviendront le 3e bataillon « Morvan ». Plus tard, le 19 juin 1944, les FTP de Morvan sont attaqués à Montclus. Jean Abonnenc ordonne au groupe Capdaspe-Lagrange de s'y porter en renfort. Puis il rejoint Morvan à Rosans et organise avec lui le repli émaillé d'actions de guérilla.

Le 6 juin 1944, Paul Dessalles s'engage dans le maquis "Morvan", 6e compagnie. Ils sont successivement à Sainte-Jalle, Cornillon, Trescléou (Hautes-Alpes), où deux Allemands antifascistes les ont rejoints, puis Arpavon. Ils vont jusqu'à Bois-Saint-Pierre, où ils empêchent les Allemands d'entrer dans Nyons.

Le maquis Morvan participe notamment aux combats de Montclus, à la libération de Nyons, à la prise de La Bégude-de-Mazenc, de Grignan (22 août), de Valréas, de Taulignan...

À titre d'exemple, citons la participation du bataillon « Morvan » au nettoyage du terrain au sud du Roubion (La Bégude-de-Mazenc) à partir du 26 août, témoignant de l’utilité des compagnies FFI du Sud, aux côtés des Alliés ; il a participé à la libération de Montélimar le 28 août.

Le bataillon « Morvan » défile le 2 septembre 1944 à Montélimar, sur la place d'Armes et les boulevards (actuellement les Allées Provençales).

Le bataillon est intégré, le 18 septembre 1944, dans la demi-brigade de la Drôme commandée par le colonel de Lassus, elle-même faisant parti de la 27e division alpine. Le 19 septembre, le bataillon, devenu le 4ème bataillon, s'installe dans le secteur de Terrmignon, en Maurienne. Le 15 novembre, de retour du front des Alpes, le bataillon « Morvan » est dissous et fait partie du 159e RIA.

Il est intéressant d’approcher d’un peu plus près celui qui commandait le groupe des 27 combattants, le chef du maquis Morvan, avec le témoignage de Fernand Tressos, qui a été sous ses ordres : « Je connais peu « Morvan ». Je l'ai seulement croisé à plusieurs reprises. 40 à 45 ans, ancien des Brigades internationales en Espagne, il a un physique de gorille, cinq ou six grenades pendues par la goupille à son ceinturon qu'il ne pose que pour dormir, et qui brinqueballent dangereusement, un pistolet Mauser dans un étui, toujours prêt à être extrait. Aussitôt qu'il aperçoit un ami qui lui est cher, il exprime sa joie en tirant la moitié du contenu de son chargeur à cinquante centimètres au-dessus de sa tête, jusqu'à ce qu'il s'accroupisse à toucher le sol. « Morvan » et « Joë » ont commencé leurs actions armées dès le début 1941 dans les Basses-Alpes et c'est avec eux que nous entretenions, déjà, des contacts à la citadelle de Sisteron.

« Morvan » militait avant à Marseille, qu'il avait quittée précipitamment, la Gestapo sur les talons. Son épouse, Yvonne, arrêtée, connaissait la déportation à Ravensbrück. J'ai 24 ans, pas très sûr de moi et plein d'appréhension ; j'attends à Condorcet, siège du PC (Poste de commandement) du 3ème bataillon, mes nouveaux associés : « Morvan » (et « Joë » qui doit être le CT
[commissaire technique]).
« Morvan » est adoré par ses hommes et la compagnie espagnole, commandée par « Protis » et « Francis », ont tenu à être sous ses ordres.
En 1984, au Buis, j'entends encore dire : "ce « Morvan », un sacré bonhomme !" Et je réponds : "À qui le dites-vous !"
Il dort maintenant de son dernier sommeil à Laragne, et, chaque année, l'Amicale du 3e bataillon lui rend un fidèle hommage. Pour ma part, je ne peux me le rappeler sans une profonde émotion. Premier contact : Je me présente et lui dis : "j'espère que nous ferons du bon travail ensemble !" Et il me répond : "Je l'espère !" Et il tourne les talons. Au cours de nos démêlés, qui sont fréquents, j'ai la chance d'avoir, en « Joë », un allié qui le tempérera, car il a une forte influence sur lui. Mon autorité de CE me permettra de gagner à chaque coup. "Vladimir", mon adjoint, qui ne l'aime guère, me reprochera souvent de trop lui en passer, alors que je dois faire la part du feu, et me réserver jusqu'à ce qu'il abuse. Un autre truc, c'est de boire autant de "pastis" que lui, et heureusement j'ai une bonne descente ! Je prends les galons de lieutenant
[...]. »

Lorsque, un peu plus tard, « Morvan » apprend à Fernand Tressos sa rapide nomination en tant que CE du 1er régiment D, il s'écrie : « "Nom de Dieu de nom de Dieu ! Pour une fois que je m'entends avec un CE, il faut qu'on me l'enlève ! Je vais y aller au Régiment et nous allons voir !
"Touché, je quitte avec regret le 3e bataillon ". »

Il est à noter également l’activité des femmes combattantes dans ce maquis, telle qu’elle se révèle dans ce récit de Marius Audibert, Raymond, CE chez Morvan, au cours de la Bataille de Montélimar : « Le même soir, les Américains se replient, laissant un char en panne. C'est la consternation dans la population, qui prend peur. La nuit, nous sommes tous en alerte, dans le secteur de La Roche-Saint-Secret. Presque toute la population part dans les bois. Je demande à France et Katia de partir aussi dans la montagne, avec la sacoche de la Compagnie, où sont conservés tous les papiers contenant les noms des gars. Je leur donne un explosif, afin de faire sauter la sacoche en cas de danger. Puis, au dernier moment, le CP (commissaire politique) amène deux prisonniers civils (collaborateurs), arrêtés je crois la veille. C'est France et Katia qui en auront la garde pour la nuit. »

Ainsi peut-on se faire une idée de l’esprit qui animait les groupes de ce maquis, de l’ampleur de leur rôle au sein de la Résistance méridionale, de la force et de la fragilité tout à la fois, de la mémoire qui nous en parvient.


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve

Sources :

Archives de la Fédération des FFI de la Drôme et de l’Amicale du maquis des bataillons Morvan.

Dvd-Rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.