Programme des spectacles du 11 novembre 1943
Légende :
Coupure de presse extraite du journal Le Patriote enchaîné n°1 du 11 novembre 1943.
Genre : Image
Type : Presse clandestine
Source : © Musée de l’Histoire vivante, Montreuil Droits réservés
Détails techniques :
Dimensions de la feuille clandestine : 25,7 x 20 cm.
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Analyse média
Cet encart du journal Le patriote enchaîné expose le programme des spectacles et séances récréatives proposés par les détenus à leurs camarades à l’occasion du 11 novembre 1943. Le dessin surmontant cet encadré pourrait représenter la salle de théâtre située au-dessus de la chapelle de la maison centrale d’Eysses. Le programme présente en vis-à-vis les représentations des préaux 1 et 2 de ceux des préaux 3 et 4. Chaque espace de représentation porte un nom : « Dartou’s swing club » (en référence au détenu Roger Dartout) et « Apollo gymnase » (qui pourrait faire référence au mythique Apollo Theater, temple de la musique noire dans les années 1920 à New York.)
Cette manifestation présente un indéniable caractère patriotique comme le montrent les multiples allusions à la Résistance, aux Alliés ; les chants et sketches ponctués d’allocutions d’un membre du Front national… Parmi les chants patriotiques au programme, citons Le chant des FT (francs-tireurs), Le Chant du départ et La Marseillaise. Le choix des chansons n’est pas non plus anodin puisque, à titre d’exemple, la chanson « To Tipperrary » (en réalité It's a long way to Tipperary), à l’origine titre de music-hall, a été popularisée en France par les Connaught Rangers (régiment irlandais de l’armée britannique) lors de leur passage à Boulogne-sur-Mer en août 1914. L'air est dès lors régulièrement repris par d'autres régiments de l'Armée britannique.
Même les noms improvisés des ensembles vocaux prennent des connotations symboliques tels que les Churchill singers en référence au premier ministre britannique ou « les enfants de Catarina Segurina » faisant écho à l’héroïne nîmoise qui s’illustra lors du siège de Nice en 1543 et qui, au fil du temps, est devenue une figure mythique de la résistance locale.
Au sein des préaux 1 et 2 est également jouée la pièce de théâtre intitulée France d’abord. Cette pièce écrite à Eysses par le nîmois Paul Deguilhem évoque la volonté de vouloir reprendre le combat pour la libération de la France. La pièce commence par le retour du fils d’un industriel, M. Trevisse, évadé d’un camp de prisonniers en Allemagne. Dès les premières entrevues avec son père, collaborateur, les deux hommes se heurtent. L’action se noue ensuite autour d’un franc-tireur poursuivi qui cherche refuge chez les Trévisse. Par peur et par conviction, le père Trévisse avertit la Milice qui cerne la maison et abat le patriote en fuite. Le fils Trévisse bouleversé devant l’attitude de son père part prendre la place de celui que son père a dénoncé. Cette pièce était joué par Armand Delajoud qui tenait le rôle de Trévisse père, Roger Dartout celui du FTP et Raymond Prunières celui du fils Trévisse.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Amicale des anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy 1940-…, Editions Tiresias, 1992.
Contexte historique
Parmi les commémorations organisées en prison, la part des manifestations patriotiques est la plus importante. Rappelons qu’elles sont interdites à l’extérieur par les autorités d’occupation et que leurs initiateurs risquent la prison. Dans ce contexte, leur organisation à l’intérieur de l’espace carcéral est chargée de sens politique. Ce 11 novembre 1943 à la centrale d’Eysses est l’occasion de sceller l’union entre des centaines de détenus de tous horizons rassemblés depuis peu. Le programme récréatif mêle divertissements (lecture de poèmes, chorale) et action politique aux accents patriotiques. La Marseillaise ponctue le début et la fin de la cérémonie ainsi que le salut aux couleurs. Les valeurs affirmées, au-delà de la solidarité et de l’action collective, sont le patriotisme, la lutte contre l’occupant pour la conquête de l’indépendance nationale, qui permettent de faire un lien entre la célébration de la victoire de 1918 et le combat de la Résistance.
Auteur : Gérard Michaut
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2002.