Témoignage de René Filhol au sujet des Trois Glorieuses

Légende :

Extrait vidéo du documentaire « Eysses, une prison dans la Résistance » (Amicale d'Eysses / IFOREP).

Genre : Film

Type : Témoignage filmé

Producteur : Amicale d’Eysses / IFOREP

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Durée totale : 52 minutes. Durée de l'extrait : 0 :01 : 04s. Emplacement de l'extrait : 0 :32 :49s.

Date document : 1987

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Le film retraçant l'histoire d'Eysses est décidé lors du 40ème congrès en 1985 pour donner un contenu plus historique que celui du livre édité précédemment. Le film tourné à Villeneuve-sur-Lot et à Eysses en février 1986, sort en janvier 1987, sous le titre « Eysses, une prison dans la Résistance ». Il retrace en cinquante deux minutes les victoires remportées dans la prison, le grand dessein : l'évasion du 19 février et son échec, ce qu'était l'esprit d'Eysses, fait de tolérance, de civisme, d'abnégation, tout en le replaçant bien dans le contexte.
Dans cet extrait, René Filhol évoque ce que les internés d’Eysses ont surnommés les Trois Glorieuses. Son témoignage est recueilli au sein même de la centrale d’Eysses, devant le quartier cellulaire, par Anna Dupuis-Defendini.


Auteurs : Fabrice Bourrée
Sources : Corinne Jaladieu, "La naissance d'une amicale", article non publié.

Contexte historique

168 internés administratifs (emprisonnés sans condamnation ni même inculpation) arrivent à Eysses entre le 23 octobre et le 27 novembre 1943, en provenance de Saint Sulpice la Pointe et Saint Paul d'Eyjeaux. Suite aux protestations du directeur, M. Lassalle,  leur transfert est prévu pour le 8 décembre. Mais ce départ échoue car la Résistance avertie de la destination zone nord du convoi, décide de ne pas fournir les wagons nécessaires. Les internés sont donc réintégrés à Eysses au bout de plusieurs heures. Alors qu'un nouveau départ est prévu le lendemain, la direction du collectif des détenus décide de s'y opposer. Le 9 décembre, en fin de matinée, les détenus se rassemblent dans les préaux  et refusent de quitter le réfectoire, qu'ils occupent jusque vers 18H.  Les délégués obtiennent la promesse du capitaine de gendarmerie que les internés administratifs resteraient  à Eysses.

Mais le lendemain 10 décembre à 6H du matin, l'intendant de police régional de Toulouse, M. Hornus, accompagné de 250 GMR,  tente de prendre possession des internés administratifs par la force. Ceux-ci s'étant barricadés à l'intérieur, la troupe fait usage de grenades lacrymogènes. Vainement. L'alerte est donnée, la prison est en effervescence, le collectif des détenus est debout, comme en témoigne le rapport du commissaire principal du 23 décembre : « ...en peu de temps, les portes furent défoncées et arrachées, des châlits furent démontés, des barres de fer furent enlevées et les détenus se précipitèrent dans les couloirs armés de débris de portes et de lits [...] la garde intérieure fut débordée et bousculée [...] les détenus se répandirent dans la cour. Aucune violence grave ne fut exercée contre les gardiens ; dans la cour, les détenus se rangèrent en bon ordre, en colonne, en chantant la Marseillaise et déclarèrent se solidariser avec les internés pour les empêcher de partir en zone nord ». C'est la première action de masse organisée du « Bataillon d'Eysses ». Les détenus se dirigent dans l'allée centrale vers le bâtiment des internés  administratifs, gardé par les GMR armés. Malgré les sommations, ils continuent leur progression.   Au nom du collectif des détenus, Victor Michaut interpelle directement les GMR : « Oserez-vous tirer sur des Français ? Marchez plutôt avec nous contre les Allemands ! ».  La colonne  reprend de plus belle la Marseillaise. La tension est maximum. Un incident, rapporté dans  le témoignage de René Filhol, contribue à déstabiliser les forces de police, quand l'un des détenus, René Rouet, un jeune savoyard, sort du rang, salue le capitaine des GMR en l'appelant par son nom et lui rappelle qu'ils avaient combattu ensemble sur le front en 1940, dans le 28ème RIL.  Des fusils se baissent. Impuissant devant une attitude aussi résolue des détenus, l'Intendant de police Hornus  est contraint à la négociation. Il prend contact téléphoniquement avec la préfecture régionale pendant que « deux délégués des détenus  [Stéphane Fuchs et Henri Auzias] étaient reçus par le sous-préfet et le capitaine de gendarmerie [...] le départ fut annulé et cette décision communiquée aux détenus qui exigèrent que la nouvelle soit confirmée par l'Intendant régional de Police qui reçut un délégué à cet effet... ». Parallèlement à l'action engagée par le « Bataillon d'Eysses »  au sein de la Centrale, la Résistance villeneuvoise fait pression sur les autorités ; le 10 décembre 1943, une lettre ouverte est envoyée par le parti communiste, les FTP, les milices patriotiques, le Front national de Villeneuve, au préfet du Lot et Garonne, lui demandant de « ne pas [se] faire complice des assassins hitléro-vichyssois... » et menaçant de représailles les collaborateurs. Le 12 entre 3H et 5H du matin, des  tracts signés « PC, JC, FN de lutte, FTP, Milice patriotique » sont distribués à Villeneuve sur Lot, appelant la population à manifester sa sympathie à l'égard des détenus d'Eysses, « des hommes courageux » qui «luttent »  et «souffrent» pour «la vraie France».   Le 12 décembre 1943, le directeur général de l'administration pénitentiaire, le préfet, l'intendant régional de police (Hornus), le directeur de la centrale, entament des pourparlers avec les délégués des internés administratifs et des condamnés. Un accord ayant été conclu, 120 internés administratifs sont conduits le 13 décembre 1943 au camp de Carrère, dépendance de la maison centrale, dans l'attente de leur départ pour un camp de zone sud. Ils sont transférés à Sistéron le 22 décembre 1943. « Aucune sanction n'est prise contre les internés et les détenus », comme le mentionne le rapport du commissaire principal le 23 décembre 1943. La victoire du « Bataillon d'Eysses » est totale. Elle constitue un encouragement à de nouveaux combats mais  va conduire au  départ du directeur M. Lassalle, qui a toujours respecté les détenus résistants et avait permis l'amélioration considérable de leurs conditions de détention.    


Auteur : Gérard Michaut
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, L’Harmattan, 2007.
Amicale des anciens d'Eysses, Eysses contre Vichy 1940-..., Tiresias, 1992.