Article « La fête de la jeunesse »
Légende :
Article extrait du Bulletin des jeunes, n°2, janvier 1944 (pages 3 et 4).
Genre : Image
Type : Presse clandestine
Source : © Musée d’Histoire vivante, Montreuil Droits réservés
Détails techniques :
Montage papier.
Date document : Janvier 1944
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Analyse média
Le Bulletin des jeunes est le journal des jeunes communistes emprisonnés à Eysses. Il s’agit du seul journal officiellement communiste réalisé à Eysses. L’article présenté ici dresse le bilan de la fête de la jeunesse et doit « dégager les enseignements » de celle-ci. Ce qui ressort en premier lieu, selon le rédacteur de l’article, est « l’union de tous les jeunes patriotes de la centrale d’Eysses ». Mais cette unité entre jeunes gaullistes et jeunes communistes doit être sans cesse entretenue : « L’unité est une chose à laquelle il faut travailler sans cesse, qu’il faut cimenter toujours davantage ». Le terme gaulliste est employé par les détenus pour désigner, à l’instar des autorités répressives, l’ensemble des mouvements de résistance non communistes.
Toujours selon l’auteur, si le sport est un moyen de fédérer les jeunes, il faut organiser d’autres compétitions sportives ; l’objectif étant ensuite de passer de l’union autour du sport au rassemblement autour de l’action revendicative.
Parallèlement à cela, il met en garde les jeunes détenus contre les mesures répressives qui risquent de s’abattre sur la Centrale. Il ajoute en outre : « cela ne signifie pas qu’il faut abandonner toute action au contraire. On dit et répète que même en prison un jeune communiste est un combattant. Un combattant doit savoir s’adapter à toute forme de combat ».
Il conclut son article en lançant un appel à tous les jeunes communistes de la centrale afin qu’ils entretiennent cette unité avec « un travail patient de tous les instants ».
Auteur : Fabrice Bourrée
Contexte historique
Le transfert massif des politiques vers la centrale d’Eysses les 15 et 16 octobre 1943 constitue l’acte de naissance du Collectif d’Eysses. Dès leur arrivée, les organisations déjà constituées dans les différents établissements pénitentiaires cherchent à se regrouper et à se fondre. Fabien Lacombe, venu du mouvement Franc-Tireur, incarcéré à Eysses le 15 octobre 1943, indique que dès l’arrivée massive de centaines de détenus en octobre 1943, les détenus communistes ont proposé aux détenus gaullistes de former un front commun d’action et de nommer dans chaque préau des délégués auprès de la direction et des responsables aux diverses tâches : nettoyage, solidarité, loisirs, instruction. Cette union à la base doit faciliter ensuite l’acceptation d’une organisation plus structurée à l’échelle de la centrale et aux objectifs davantage politiques. Les affinités personnelles et la volonté d’unité ont donc raison de pratiques sectaires et l’immense majorité des 1200 détenus cherche à se fédérer, malgré certaines réticences. L’unité autour du Front national de lutte pour la libération de la France se réalise autour d’objectifs communs immédiats dans le cadre carcéral et la préparation de l’évasion. L’organisation mise en place par les détenus est réellement représentative des différents courants, ceci pour deux raisons. Le premier souci est de trouver un équilibre dans la représentation de tous les mouvements de résistance présents dans la centrale, le second est la recherche de l’efficacité, les postes étant confiés en vertu des compétences. La stratégie mise en œuvre dans la centrale a vocation à rechercher l’unité pour préparer l’évasion et la reprise du combat. Forts de cette unité, les détenus mettent en place une organisation structurée visant à préparer l’évasion collective. Au travers de diverses manifestations organisées à Eysses, dont la « fête de la jeunesse » organisée le 16 janvier 1944 par le Front patriotique de la jeunesse, les détenus cherchent à consolider cette unité. La coupe remise à l’équipe victorieuse symbolise également cette unité puisqu’elle a été confectionnée à partir du bois des portes défoncées lors des journées de décembre 1943 au cours desquels les détenus se sont opposés aux GMR pour empêcher le transfert en zone Nord des internés administratifs.
Sources : Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L’exemple des centrales d’Eysses et de Rennes, Paris, l’Harmattan, 2002. Archives nationales, 72 AJ 282, Fabien Lacombe, rapport du 27 octobre 1951: « la détention à la maison centrale d’Eysses ».