Jacqueline Pardon
Genre : Image
Type : Photographie / Photograph
Source : © Département AERI - Collection Jacqueline Pardon Droits réservés
Détails techniques :
Photographie argentique en noir et blanc.
Date document : Sans date
Lieu : France - Ile-de-France
Contexte historique
Jacqueline Pardon est née à Paris le 4 septembre 1921 dans une famille appartenant à la bourgeoisie libérale, aux idées de droite mais peu politisée. Son père est industriel, sa mère une catholique pratiquante, très attachée à la religion. Une bonne partie de sa famille a été anti-dreyfusarde. Jacqueline Pardon effectue toute sa scolarité au collège religieux de Notre-Dame de Sion où elle est amenée à assister à une conférence du père Yves de Montcheuil, théologien jésuite qui met en garde contre l'idéologie nazie et son esprit anti-chrétien. Très catholique, très pratiquante, elle adhère aux Jeunesses étudiantes chrétiennes (JEC) ; elle conserve cependant tout au long de son adolescence des préjugés et une méfiance à l'égard en particulier des Juifs récemment immigrés en France.
Elle passe son baccalauréat de philosophie puis décide de poursuivre des études de philosophie à l'université de Caen. C'est en Normandie qu'elle vit la défaite de son pays. Son père est mobilisé comme officier de réserve aviateur. Quant à elle, après un long périple en compagnie de sa soeur qui les mène sur les routes de l'exode entre la Normandie et la Loire, dans un premier temps rassurée par le discours du maréchal Pétain, elle rejoint sa mère à Paris.
Jacqueline Pardon reprend ses études de philosophie en Sorbonne en octobre 1940. Dans un cours de soutien, animé par deux agrégatifs, Robert Salmon et Philippe Viannay, elle présente un exposé sur "le goût du risque". A la suite de cet exposé, Philippe Viannay, intéressé par sa personnalité, propose en février 1941 à Jacqueline Pardon de participer au mouvement qu'il est en train d'organiser, Défense de la France.
Cet engagement entier dans le mouvement de Philippe Viannay se fait avec quelques hésitations, quelques scrupules ; de fait, elle reste alors très marquée par sa fréquentation assidue du milieu catholique, et très influencée par son confesseur, qui réprouve ses choix d'engagement résistant. C'est la rencontre d'un père jésuite, le père Beinaert, qui la conforte dans sa volonté et l'encourage à s'engager pleinement dans la clandestinité. Ainsi, d'octobre 1942 à mai 1943, Jacqueline Pardon prend en charge, avec d'autres responsables du mouvement, la fabrication de faux papiers, la diffusion et le recrutement.
Comme la plupart des femmes engagées dans le mouvement, elle ne rédige aucun article pour le journal et n'a aucune responsabilité éditoriale ou politique. Par ailleurs, elle prête le pavillon de ses grands-parents maternels, situé au 121 rue d'Alésia à Paris, au mouvement ; Philippe et Hélène Viannay y sont hébergés en 1943, et le pavillon sert de PC, de lieu de fabrication du journal (en particulier celui du 14 juillet 1943) et de lieu de réunions du comité directeur. Elle participe aussi à la distribution dans le métro du numéro du 14 juillet 1943.
Cette même année 1943, elle fait la rencontre, dans un groupe d'étudiants catholiques de la Sorbonne, de Geneviève de Gaulle, qui entre à Défense de la France. Elle rencontre également Jacques Lusseyran, responsable des Volontaires de la Liberté et qui adhère au mouvement. Jacques Lusseyran et Jacqueline Pardon se marieront après la guerre.
Le 20 juillet 1943, trahis par Elio Marongin, qui s'était infiltré dans le mouvement, de nombreux membres du mouvement sont arrêtés à la librairie "Au voeu de Louis XIII" par Bony, ou directement à leur domicile. Jacqueline Pardon en fait partie ; elle est conduite au siège de la Gestapo, rue des Saussaies, et interrogée, brutalement parfois, mais sans tortures, une douzaine de jours de suite. Elle est souvent accompagnée de Jacques Lusseyran, qu'elle aide (il est aveugle), et grâce à leurs échanges et à la connaissance par Lusseyran de l'allemand, elle se limite à répéter ce que savent déjà les Allemands sur le groupe. Elle est ensuite incarcérée quelques mois à Fresnes, puis libérée en décembre 1943.
Philippe Viannay décide alors de la mettre au vert quelques semaines. En avril 1944, elle accompagne dans les maquis de Bourgogne et de Franche-Comté, Claude Monod, membre de Défense de la France et chef FFI de la région D (Bourgogne Franche-Comté) et dont elle est l'adjointe. Installée au PC d'Aignay-le-Duc, au nord de Dijon, Jacqueline Pardon est alors chargée d'assurer la liaison entre les différents groupes du maquis au moment des combats de Libération.
De retour à Paris le 11 septembre 1944, désireuse de poursuivre une action et un engagement intenses, elle retourne à l'Est du pays, chargée par l'armée d'une mission dans le Territoire de Belfort non encore libéré : établir des postes émetteurs clandestins. De retour de cette mission, Philippe Viannay la détache un temps, de décembre 1944 à janvier 1945, auprès du Mouvement de libération nationale, comme représentante de Défense de la France.
Puis, en avril 1945, elle participe à une mission de rapatriement des déportées ; traversant l'Allemagne dévastée, chargée de recueillir des renseignements et d'effectuer des recherches sur des déportés connus, elle découvre brutalement la réalité de l'univers concentrationnaire, notamment les camps de Bergen-Belsen et de Neuengamme.
Après la guerre, elle retourne à la vie normale ; enseignante en philosophie, elle participe activement à la vie associative du mouvement Défense de la France d'une part, ainsi qu'à celle du milieu issu de la Résistance (Association nationale des déportées et internées de la Résistance, Association pour des études sur la Résistance intérieure). Elle est coordinatrice du jury parisien du concours de la Résistance et de la Déportation ce qui lui donne l'occasion d'intervenir dans les établissements secondaires.
Jacqueline Pardon est décédée le 16 janvier 2009 à Paris.
Jacqueline Pardon was born in Paris on September 4, 1921 into a family belonging to the liberal bourgeoisie, conservative in ideology, but non-politicized. Her father was an industrialist, and her mother was a practicing Catholic – very attached to her religion. A good part of her family had been anti-Dreyfus. Jacqueline Pardon conducted all of her studies at the religious college of Notre-Dame de Sion where she attended a conference by Father Yves Montcheuil, a Jesuit theologian who was strongly against the Nazi ideology and its anti-Christian spirit. As a devoted Catholic, she adhered to the group Jeunesses étudiantes chrétiennes (JEC), or young Christian students (female). However, she maintained her biases and a contempt toward Jews throughout her adolescence, especially toward those who had recently immigrated to France.
She passed her baccalauréat in philosophy then decided to pursue her studies in Philosophy at the University of Caen. It was in Normandy that she saw the defeat of her country. Her father was deployed as a reserve officer in the Air force. As for her, after a long period in the company of her sister, who led her through the routes between Normandy and Loire Valley, she returned to Paris with her mother. Pardon was, at first, comforted by the discourse of Marshall Pétain at this time. Jacqueline Pardon renewed her studies in Philosophy at the Sorbonne in October of 1940. In a support course, inspired by two instigators, Philippe Viannay and Robert Salmon, she presented an exposition on « the taste of risk ». Following her exposition, Philippe Viannay, struck by her personality, asked her to join the movement he was organizing – Défense de la France.
This full engagement into the movement was done with a few hesitations and a few misgivings – she was effectively marked by her assiduous relations with the Catholic milieu, and was heavily influenced by her confessor, who condemned her engagement in the resistance. It was the meeting with a Jesuit priest, Father Beinaert, who comforted her in her desire to join, encouraging her to engage fully in the underground actions. Thus, from October 1942 to May 1943, Jacqueline Pardon, along with other leaders of the movement, took charge of the fabrication of false documents, as well as diffusion and recruitment.
As with the majority of women engaged in the movement, she did not write a single article for the movement and had no editorial or political responsibilities. In addition, she lent her grandparents' house to the movement, which was situated at 121 Rue d'Alésia in Paris. Philippe and Hélène Viannay resided there in 1943, and the house became a command-post for the fabrication of the journal (in particular the July 14, 1943 issue) and the meeting place of the Directorial Committee. She also participated in the distribution of the July 14, 1943 issue on the metro.
That same year, she met Geneviève de Gaulle, who had recently joined Défense de la France, in a group of Catholic students at the Sorbonne. She also met Jacques Lusseyran, leader of the Volontaires de la Liberté (Liberty Volunteers), who also joined DF. Jacques Lusseyran and Jacqueline Pardon would get married after the war.
On July 20, 1943, betrayed by Elio Marongin, who had infiltrated the movement, Pardon, along with many other members, was arrested at the library of « Au voeu de Louis XIII » by Bony. Jacqueline Pardon was brought to the Gestapo headquarters on Rue des Saussaies, and was interrogated, sometimes brutally, but without torture, over the course of twelve days. She was often accompanied by Jacques Lusseyran, whom she assisted (Lusseyran was blind), and thanks to Lussayran's knowledge of German, she managed to limit her information to only that which they already knew. She was then incarcerated for several months at Fresnes until being liberated in December, 1943.
Philippe Viannay thus decided to give her a break for a few weeks. In April 1944, she accompanied Claude Monod, member of Défense de la France and leader of region D of the FFI (Bourgogne Franche-Comté), as his assistant in the maquis of Bourgogne and Franche-Comté. Set up at the command-post of Aignay-le-Duc, north of Dijon, Jacqueline Pardon was thus charged with assuring the relations between different maquis groups at the moment of the battles for Liberation.
Back in Paris on September 11, 1944, and wanting to pursue a more active and intense engagement, Pardon returned to the Eastern part of France, charged by the army with a mission in the Territoire de Belfort which was not yet liberated. She was to establish underground radio broadcasting outposts. Upon her return from this mission, Philippe Viannay left Défense de la France from December 1944 to January 1945, in favor of the National Liberation Movement (MLN), as a representative of Défense de la France.
Then, in April 1945, she participated in a mission of repatriation of deportees – crossing the devastated Germany countryside, she was charged with assembling information and with effectuating research on the known deportees, where she quickly learned the brutal reality of the concentration camps, notably those of Bergen-Belsen and Neuengamme.
After the war, she returned to a normal life – as a teacher in philosophy, she was an active participant in the associative life of the Défense de la France movement, as well as that of the Resistance (National Association of Deportees and Prisoners of the Resistance, Association for Studies on the Interior Resistance). She was coordinator of the Parisian selection board of the Resistance and of the Deportation which gave her the opportunity to intervene in these secondary establishments.
Traduction : Matthias R. Maier
Auteur : Cécile Vast (fiche rédigée dans le cadre du dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, édition AERI, 2004)
Sources et bibliographie : Elles et eux de la Résistance. Pourquoi leur engagement?, témoignages recueillis par Caroline Langlois et Michel Reynaud, Paris, Éditions Tirésias, 2003. Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France. 1940-1949, Paris, Seuil, 1995.
Author: Cécile Vast
Source: Elles et eux de la Résistance. Pourquoi leur engagement? Accounts from Caroline Langlois and Michel Reynaud, Paris, Tirésias publications, 2003. Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France. 1940-1949, Paris, Seuil, 1995.