Insigne de la brigade Fabien

Légende :

Le colonel Fabien, approuvant l'idée de faire des FFI le noyau de l'armée nouvelle par la poursuite de leur mobilisation jusqu'à la défaite des nazis, part, les 2 et 3 septembre 1944, à la poursuite des Allemands avec un millier d'hommes, avant-garde destinée, une fois encore, à créer l'élan. Engagée aux côtés des Américains, l'unité dépassera le seuil des 3.000 volontaires au moment d'être intégrée, à la mi-novembre, à la Première Armée française.

Genre : Image

Type : Insigne

Source : © Collection Maurice Bleicher Droits réservés

Détails techniques :

Insigne de la brigade Fabien portant la devise "VAINCRE ET VIVRE" créé en décembre 1944

Diamètre : 34 mm



Date document : Décembre 1944

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

Sur une carte de France se dresse le profil de Marianne coiffée d'un bonnet phrygien rouge agrémenté d'une cocarde. Sur le pourtour de l'insigne figurent les inscriptions "Brigade Fabien - Vivre et vaincre". 


Contexte historique

Dans les premiers jours de septembre 1944, près d'un millier d'hommes quittent Paris, à la poursuite des Allemands. Dans l'immédiat, les contours de la formation sont aussi flous que sa dénomination et son statut militaire. Seul compte, pour l'heure, le mot d'ordre martelé par les FTP parisiens au sortir de l'insurrection : "il faut partir !". L'idée séduit les cadres et les volontaires surgis dans le feu des combats de rues du mois d'août. Une fois de plus, c'est à "Fabien", ultime pseudo de Pierre Georges, nouveau chef d'état-major FTP d'Ile-de-France, que revient la tâche de créer l'élan. A cette fin, le colonel, à peine âgé de 25 ans, peut compter sur ses anciens subordonnés du secteur Seine-Sud et du détachement de la Garde, groupe de choc FTP.

A peine revenus des combats du Blanc-Mesnil, le 27 août, près de deux cents d'entre eux, réunis dans la compagnie Georges-Lachambre stationnée à l'Institut dentaire du XIIIe arrondissement et placés sous les ordres du commandant Rousseau-Tolila piaffent d'impatience. Un second foyer de volontaires se situe à la caserne de Reuilly, matrice du bataillon République gros de 550 hommes dont le commandement revient à Dax-Pimpaud, un ancien des Brigades internationales. Le fort du Mont-Valérien constitue le troisième foyer initial de la colonne qui y recrute 400 à 500 volontaires conduits par le commandant Dalsace-Wiessler, un petit industriel venu aux FTP après un passage par Libération-Nord.

A la tête d'un groupe de reconnaissance, le lieutenant Murat-Prenant part en avant-garde l'après-midi du vendredi 1er septembre. Sur la foi des renseignements en sa possession, Fabien fixe à Nanteuil-le-Haudouin (Oise) le siège de son premier PC de campagne où le rejoint son adjoint, le commandant Chagneau. C'est là que doivent converger les convois formés à Reuilly, le 2, et au Mont-Valérien, le 3. Confronté au manque de véhicules, l'état-major FTP d'Ile-de-France ne s'embarrasse pas de "formalités". Un ordre de réquisition d'autobus de la STCRP, l'ancêtre de la RATP, règle la difficulté, au prix d'une falsification de la signature de Rol-Tanguy… Le chef régional des FFI n'est toutefois pas le seul à être mis devant le fait accompli. A peine née, la colonne sent le soufre. L'initiative défie le général Koenig, le gouverneur militaire de Paris, en charge de la délicate mise au pas des formations armées de la région parisienne. Il y va de l'autorité du général de Gaulle engagé dans une lutte d'influence décisive avec le Parti communiste, lequel s'appuie sur la légitimité et les aspirations des instances de la Résistance intérieure où ses militants jouissent d'un incontestable prestige. Coup sur coup, les 28 et 29 août, le chef du gouvernement provisoire a dissout les structures militaires FFI et prévu, tout en leur interdisant tout recrutement supplémentaire, d'affecter les formations qui en dépendaient à la "reconstruction de la nouvelle armée française". S'ils ne contestent pas l'objectif, les communistes contestent la procédure suivie. Sur ce point, ils se savent en phase avec nombre de résistants lorsqu'ils passent outre des mesures en contradiction avec l'ambition proclamée par le COMAC du CNR : faire des FFI "le noyau de l'armée nationale nouvelle". L'issue du bras de fer se joue, pour partie, dans les casernes, authentiques ou de fortune, qui, tant bien que mal, accueillent des milliers -bientôt 50.000- de volontaires. Ceux-ci, loin des tensions et des controverses qu'ils suscitent au plus haut niveau, songent surtout à "se battre" et se satisfont d'autant moins d'un maintien dans la capitale que leurs conditions d'hébergement et d'équipement y sont déplorables. Confrontés à l'hostilité résolue des autorités françaises officielles, les cadres FFI optent pour la recherche d'une collaboration avec les forces armées américaines dont les moyens matériels semblent immenses et que l'on suppose intéressées par l'offre d'un service de soutien et de nettoyage. Applicable à l'échelle du pays, la démarche vaut aussi à Paris où les FTP, toujours dotés de structures propres, choisissent de forcer le destin. Déçus par les réticences "techniques " de Rol-Tanguy à précipiter un mouvement censé déclencher une levée en masse, les dirigeants FTP d'Ile-de-France se concertent avec le colonel Albert Ouzoulias. Ce dernier, en relation avec le sommet du PCF, ne se voit pas opposer de veto. Le Parti communiste laisse faire, se réservant d'exploiter les éventuels développements positifs d'une initiative audacieuse.

La "colonne Fabien" ? A sa création, nul document ne valide une dénomination propre à souligner l'intensité de la relation établie entre un chef et ses hommes. Le terme même de colonne ne se fixera qu'après la guerre. En septembre 1944, le choix d'un intitulé ne figure pas au nombre des urgences du moment. Entrées en  contact, dès le 3, avec la 28e division d'infanterie du 5e corps de la 1ère armée américaine, les différentes composantes de l'unité, grossies de renforts recrutés en chemin, s'orientent vers l'Est et traquent les groupes isolés de soldats allemands. En contrepartie des missions de sécurisation conduites sur la rive droite de la Meuse, Fabien obtient d'être pris en subsistance. La collaboration cesse, toutefois, le 8. A la veille de pénétrer en Belgique, les Américains se séparent d'auxiliaires dont ils ont découvert entre-temps qu'ils sont des "irréguliers". Au moment où, le 9, l'unité commence à revendiquer le titre de Premier régiment de Paris, Fabien part à Verdun défendre sa cause auprès des officiers de la 3e armée de Patton. Résolu et convaincant, il arrache une homologation en qualité de régiment rangers d'accompagnement du 20e corps d'armée. Le 15, le général Walker passe en revue le millier de Français qui ont fait route vers Mars-la-Tour (Meurthe-et-Moselle), siège provisoire de la formation.

A Paris, où la perspective d'une levée en masse n'est plus de saison, les plus proches compagnons de Fabien s'efforcent d'organiser le départ de nouveaux contingents de volontaires. Le principal, constitué de groupes rassemblés au Mont-Valérien, au fort de Bicêtre, aux casernes de Reuilly et du quai de Valmy, relève du 1er bataillon de marche de Paris ou bataillon République. Son chef, le commandant Maroy-Etchenbaum, a négocié sa reconnaissance par les autorités militaires contre un éloignement de la capitale et l'acceptation d'une période d'instruction de trois mois à Coulommiers (Seine-et-Oise). Sollicité par l'état-major national FFI qui invoque les besoins alliés, le bataillon organise son départ vers la Lorraine, les 17 et 18 septembre, sans trop se soucier des barrages de gendarmerie dressés pour l'en empêcher. Parvenu dans les environs de Gravelotte, le bataillon est mis, le 22, à la disposition des Américains soumis aux raids de harcèlement des Allemands qui tiennent Metz. Après plusieurs nuits de patrouille, une compagnie est sévèrement accrochée, le 26, par l'artillerie adverse. En fin de journée, les pertes - onze morts, dix-sept disparus et quarante-cinq blessés – paraissent démesurées au regard des résultats. Le choc s'ajoute à d'autres, moins spectaculaires, mais bien réels, survenus, plus au nord, dans les positions confiées aux camarades de Fabien, le long de la ligne de front qui suit la rive gauche de la Moselle. Il relance le débat sur la mission de l'unité, l'aptitude de ses cadres en situation de guerre classique, les conditions de son emploi et de son intégration dans l'armée française.  Dans la capitale, les communistes ont renoncé au projet de sa reconstruction autour des FFI et négocient les modalités d'un amalgame honorable selon les préceptes gaulliens. En Lorraine, l'unité se prépare à passer sous le contrôle des autorités militaires françaises sur fond de réorganisation. Le 27, ses divers bataillons, auxquels s'est récemment adjoint celui dit "de la Meuse" du commandant polonais Gérard-Bardach, recomposés au sein de deux régiments de marche de Paris, forment le Groupement tactique lorraine (GTL). Depuis son PC installé à Angevillers (Moselle), sur la ligne Maginot, le colonel Fabien commande maintenant plus de 2.600 hommes, embryon, croit-on encore, d'une future brigade.

Avant même le rattachement officiel, le 19 octobre, du GTL à la 20e région militaire, l'unité doit se résoudre à quitter les Américains et le front pour se replier sur Montmédy (Meuse). Ce retrait aux allures de sanction s'accompagne d'une reprise en main qui, sous couvert d'instruction, se traduit par une redistribution des grades et le rétablissement de rapports hiérarchiques plus proches de l'esprit "culotte-de-peau" traditionnel que de la camaraderie FTP. Du moins la formation garde-t-elle l'essentiel de son encadrement d'origine et son chef, le colonel Fabien. Pour autant, les conditions matérielles difficiles du séjour et l'absence de garanties pour l'avenir pèsent sur le moral des recrues dont certaines, revenues de leur enthousiasme initial, profitent des procédures de régularisation pour ne pas renouveler leur engagement tacite de septembre. D'autres désertent. L'arrivée des derniers contingents de volontaires parisiens, à l'exemple des 250 membres du bataillon de la jeunesse en provenance de leur local de la rue de la Convention, comble les trous. A la mi-novembre, le GTL franchit le cap des 3.000 hommes.

Le 10 novembre, au terme d'intenses tractations menées à Paris, une décision du général de Gaulle met le GTL à la disposition de la 1ère armée. Attendue à Vesoul (Haute-Saône), la formation, rebaptisée 1ère brigade de Paris le 28, réussit son "examen de passage", le 10 décembre, devant le général de Lattre. Celui-ci salue, en présence de Villon et Malleret-Joinville, "l'ardeur et la franche allure" des volontaires. Au cours d'une réunion des officiers, il sait trouver les mots qui parlent au cœur des FFI informés de son intention de leur confier un secteur du front d'Alsace. Réorganisée et soumise à la sélection d'une commission d'incorporation, la brigade s'installe, le 13, à Habsheim (Haut-Rhin), au sud de Mulhouse. Le 27, à l'occasion de la préparation d'une action en zone ennemie, une mine explose dans des circonstances mal éclaircies. Au milieu des décombres, on découvre les corps déchiquetés de Fabien, Dax et de trois de ses adjoints. Parmi les neuf blessés relevés, l'un décédera peu après.

Dans le climat mêlé de suspicion et de désarroi créé par la disparition de la quasi-totalité du commandement de l'unité, Paris comprend la nécessité de nommer une équipe de remplacement issue des FTP-FFI. Après l'intermède délicat assuré par un officier supérieur de la "coloniale", il revient ainsi au colonel Michelin-Jaeger de prendre la direction de la brigade restructurée, le 13 janvier, en 151e RI-FFI, référence honorifique au régiment que commandait de Lattre avant la guerre. L'hommage rendu va de pair avec un nouveau triage. Le 2 février, les effectifs tombent à 2.400 hommes. Ils se redressent bientôt à la suite de l'absorption de quelques 800 volontaires des bataillons de la Loire et de l'Aveyron. Objet d'une attention soutenue du chef du gouvernement, la normalisation se poursuit. Elle se traduit, entre autres, par la disparition du sigle FFI de l'unité banalisée en 151e RI et le départ du colonel Michelin auquel succède le lieutenant-colonel Gandoët que ses manières directes de baroudeur ne suffisent pas complètement à faire oublier qu'il est aussi un militaire d'active. Le 12 février, relevé après 63 jours en première ligne, le régiment se reconstitue à l'arrière jusqu'à la fin mars, date d'un retour vers le front. La frontière passée, il arrive, le 30, à Mechtersheim, sur la rive gauche du Rhin, face à Philippsburg. Le 31, il lui échoit d'être, avec le 4e RTM, la première formation française à franchir le fleuve "de vive force", opération décidée au sommet de l'Etat afin d'affirmer la contribution du pays à l'effort militaire allié. Ce qui est fait, au prix de 88 morts et 51 blessés. Sur la lancée, le 151e RI participe à la dure campagne d'Allemagne. Il atteint le Danube le 24 avril et apprend la fin des hostilités, le 7 mai, entre Sigmaringen et le lac de Constance. Au cours des cinq dernières semaines, le régiment a perdu le quart de ses effectifs, soit 757 hommes, dont 164 tués et 54 disparus. Pour les survivants de l'épopée de septembre, l'objectif de continuer la lutte jusqu'à l'écrasement du nazisme est atteint. Plusieurs jours seront toutefois nécessaires avant que les volontaires réalisent pleinement que la guerre est finie, qu'ils sont victorieux et qu'une nouvelle période commence.


Michel Pigenet in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004