Monument en mémoire des résistants et déportés de Brie-Comte-Robert

Légende :

Monument construit en 1948 à la mémoire des déportés du réseau Cohors-Asturies du canton de Brie-Comte-Robert.

Genre : Image

Type : Monument

Source : © Collection Claude Cherrier Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en couleur

Lieu : France - Ile-de-France - Seine-et-Marne - Brie-Comte-Robert

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Analyse média

Une femme (mère plutôt que Patrie) pleure sur l'espace aux noms de déportés. Sur la dalle figurent les noms suivants : BAILAY Edouard, BOCQUET Louis, BOISSET Madeleine, BRISSET Roger, BUR Christophe,  CAUVIN Fernand, CONGY Jean, FAUVEAU Marc, FRETEL Robert, FROMOVITCH Henri, GUERIN Pierre, GUETTI Laurencio, JACQUES Raymond, JOUNIAUX Ernest, LAMOUREUX Henri, MOREL Raymond, PITIOT Octave, RUE Paul, TILLIET Maurice.


Claude Cherrier

Contexte historique

Emanation du mouvement Libération-Nord, le réseau Cohors voit le jour très tôt en Seine-et-Marne, à Brie-Comte-Robert, en septembre 1941. Jean Cavaillès, fort d'anciennes relations communes avec Suzanne Tony Robert, sollicite cette dernière à cette époque. Cette femme saisit immédiatement la main tendue et opte pour une activité de renseignement, pensant faire jouer le large éventail des connaissances qu'elle partage avec son mari, polytechnicien, président des raffineries Say. Elle s'ouvre ainsi à des amis médecins, le couple Jean et Geneviève Congy. Le réseau qui se met en place recrute dans les rangs des patients, mais aussi dans la sphère professionnelle, plus de 50 personnes dont un noyau de quelque 30 agents. Ainsi, Henri Sergent, âgé de 20 ans, fils du notaire, peut fournir le relevé de l'aérodrome de Villaroche : il sera transmis à Londres. Fernand Cauvin ("Adrien"), âgé de 39 ans, employé à Radio-France (Cercay, près Villecresnes), se procure quant à lui les codes utilisés par les sous-marins de l'Atlantique et la station radio de Sainte-Assise occupée par la Kriegsmarine. Il s'informe également sur la ligne téléphonique reliée aux services du boulevard Suchet. Des félicitations lui seront adressées sur le canal de la BBC. Très jeune, Jacques Pavard dit "Popeye", note les horaires de la chasse nocturne de Voisenon, et Voisins, fait un relevé des faux terrains d'aviation de Grégy. Des renseignements sont aussi recueillis sur le central téléphonique de Gretz et l'hôpital allemand de Coubert. On conduit des missions hors du département. Julien Pichon ("Eustache") part sur ordre pour l'organisation Todt à Bordeaux et la base des sous-marins. D'autres se rendent à Auxerre pour se renseigner sur les écluses par lesquelles transitent des pièces de sous-marins, mais aussi à Moulins, qui abrite une station-radar. Sous prétexte de visites d'entreprises, l'époux de Suzanne Tony Robert observe des installations portuaires…

Le réseau établit des liens avec des policiers comme le commissaire Morel, et des gendarmes comme Louis Bocquet ou Pierre Bisdorff. Il gagne des instituteurs et des secrétaires de mairie (Henry Régnier, Mari-Josephe Bellon), des garagistes et des mécaniciens. Cohors peut compter sur certains propriétaires de véhicules qui les mettent à disposition. D'autres comme l'agriculteur Emile Vercauteren, le rosiériste Pierre Guérin, seront de tous les parachutages. Grâce en premier lieu aux Congy, recrutant parmi leurs confrères, la géographie du réseau s'étend : à Montereau (docteurs Delaigue et Luthereau, Henri Ballot, vétérinaire, puis Ragoneau, Lerouge, Dubois…), à Corbeil avec le docteur Jean Bertrand, puis à Vaires (le docteur Mathieu et les cheminots du triage)... Cohors s'implante également à Melun avec l'agent d'assurances Régnier, à Mormant (Pierre Lion, contrôleur des contributions), à Fontainebleau (Maillard). Suzanne Tony Robert coordonne cet ensemble, soutient parfois financièrement les activités du réseau, les sommes allouées par Londres n'étant pas toujours régulières. Elle colporte les renseignements, que l'on finira par coder, en les dissimulant dans un panier, rejoignant Paris par la gare de la Bastille. Elle s'intéresse également aux faux documents, qui lui sont fournis par du personnel de la mairie, aux placements des réfractaires, à la diffusion de la feuille Libération Ile-de-France rédigée par Jean Congy, à des filières de passage vers l'Espagne et les maquis du sud. Sortant même de ses attributions premières, elle est à l'origine de la mise sur pied d'un groupe d'action immédiate (resté attaché à Libération-Nord). Le réseau dispose d'une dizaine de lieux de réunions, de neuf refuges qualifiés de "maisons" et de onze boîtes aux lettres.

Le réseau finit par s'intéresser aux parachutages. Il va fixer trois terrains. Le premier, "Cobalt", entre Forcilles et Ferolles-Attilly, avec le message : "Le colbat est cher aux peintres". Après plusieurs ajournements durant l'automne 1942, un parachutage a finalement lieu en août 1943. Les opérations "Mercédès" (mot apparaissant dans les messages) en réservent deux autres : l'un près de Souppes (Tungstène), le 10 octobre 1943, en plein secteur VPO, l'autre à la Tombe (canton de Bray), pour le groupe de Montereau, le 20 juillet 1944.

C'est peu après la décision d'ériger Cohors en réseau autonome, séparé de Libé-Nord (juillet 1943) qu'un coup redoutable est porté au sous-réseau seine-et-marnais, en même temps que Cavaillès est arrêté à Paris. Si Henry Noguères et Marie Granet incriminent le premier parachutage retardé et générateur d'allées et venues suspectes, on peut aussi mettre en cause des imprudences commises entre Provins et Brie. Entre le 25 et le 28 août, neufs agents sont arrêtés dont le docteur Congy, les frères Sergent, le commissaire Morel, le gendarme Louis Bocquet, et déportés. Suzanne Tony Robert échappe à cette vague d'arrestations et va poursuivre son activité au sein d'" Asturies ", depuis Paris, conservant des liens avec Brie-Comte-Robert par l'intermédiaire de Charles Petit qui travaille aux moulins de Verneuil-l'Etang. Quelques membres du réseau, à Brie et à Montereau, continueront, avec d'avantage de circonspection, à œuvrer dans le renseignement. Restent, évidemment, les groupes de combat de Libé-Nord.


Claude Cherrier, "Le réseau Cohors-Asturies en Seine-et-Marne" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004