Chenillette Citroën utilisée par la Résistance

Légende :

Type d’autochenille Citroën de la Croisière jaune (1931) utilisée à Brette par la compagnie Abonnenc (1944) pour la récupération de matériel de parachutage.

Genre : Image

Type : Véhicule

Source : © Citroën Communication Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : 1931-1932

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Le Centre de documentation Renault possède, dans ses archives, un important stock de photos rendant compte de la prestigieuse expédition de 1931-1932, La croisière jaune, dont celle-ci.

La photo de l’autochenille semble avoir été prise au cours du voyage, dans l’un des déserts traversés, qui pourrait être le désert de Gobi, entre mars 1931 et février 1932, plutôt vers l’automne de cette année-là.
Il s’agirait de l’un des six véhicules Citroën Kegresse type P17, du groupe « Pamir », le second groupe, dénommé « Chine », étant organisé d’une façon sensiblement différente et empruntant un autre itinéraire traversant la Mongolie du nord.
Le type P17, que donne à voir le cliché présenté, comme la plupart des véhicules des convois conçus spécialement pour l’expédition, sort de l’usine Citroën Kegresse de Courbevoie.
La carrosserie, en duralumin, comprend deux parties. D’abord la cabine avant, sans portes ni casquette, offre au moins deux places assises. Ensuite, le plateau arrière, en dessus des chenilles, est équipé de ridelles. Le tout est monté sur châssis AC4F. Un moteur quatre cylindres assure la propulsion (1628 cm3, 30 CV, 3000 t/mn, « carburateur Solex modifié pour le réglage montagne, embrayage monodisque à sec »). À l’avant est fixé « un gros rouleau fou servant de point d’appui pour franchir les terrains accidentés ». Les vitesses se situent dans la fourchette de 8 à 45 km/h selon les terrains et la charge, la consommation variant énormément en fonction de l’effort demandé.
Parties de Beyrouth au Liban, en mars 1931, les machines stoppent le 12 février 1932 à Pékin après 12 115 km (au compteur) de « route ». Quelques repères donnent une idée de l’ampleur du périple accompli par les hommes et les véhicules. La Syrie par Palmyre, l’Iran par Téhéran et Mashad, l’Afghanistan par Kandahar et Kaboul, le Pakistan par Peshawar, l’Inde septentrionale par Srinagar, et, en remontant vers le nord, la traversée du massif du Pamir, puis le Sin-Kiang chinois, le désert de Gobi en Mongolie et, enfin, la Chine et Pékin.
Le 30 novembre 1932, la Mission Citroën Centre-Asie reçoit en Sorbonne à Paris, la Grande Médaille d’Or de la Société de Géographie (discours d’André Citroën en présence du président de la République).

Une des autochenilles de cette expédition, tombée aux mains de la Résistance, permet la récupération rapide de parachutages dans les terrains accidentés de la montagne, à Brette (Diois).


Auteurs : Seyve Claude, Seyve Michel

Contexte historique

Immédiatement après l’Armistice du 22 juin 1940, l’ordre de désarmer la France est donné. Dans la Drôme comme dans d’autres départements, une équipe CDM (Camouflage du matériel), se constitue (camoufleurs, stockeurs, agents de renseignements…). L’une de ses premières actions, à titre d’exemple, est l’enlèvement de 52 tourelles de chars dans une usine valentinoise. On pourrait également citer Lucien Pontonnier, ingénieur des Ponts et Chaussées, qui récupère et cache 42 camions, en 1942.

Roger Chambrier, quant à lui, adjudant-chef au parc du matériel à Valence, parvient à camoufler six chenillettes (autochenille C4F) à Menglon. Ces véhicules tout-terrain avaient été utilisés lors de « la Croisière jaune » à peine 10 ans plus tôt.
Ces camionnettes, une fois récupérées par la Résistance, ont dû être soustraites à la vigilance de l’adversaire ; cela suppose de surmonter des difficultés qui ne laissent pas d’étonner. Nous avons vu que d’autres faits cependant, « dans le cadre du CDM », montrent qu’une opération comme celle-ci est loin d’être unique.
La compagnie Abonnenc, opérant dans le Diois, acquiert l’un de ces camions, l’équipe probablement au gazogène et l’emploie très efficacement sur le « plateau » de Brette, en mai et juin 1944, pour charger et transporter les parachutages. « Sans l’autochenille, écrit Jean Abonnenc dans son ouvrage, nous n’aurions jamais pu rassembler les conteneurs » largués par une dizaine d’avions. Il n’est pas trop d’insister sur l’importante quantité de matériel à réceptionner sur des sols accidentés, sur la nécessité de le transporter en plusieurs lieux éloignés et sûrs (Menglon, grotte de Miscon…), sur des routes sinueuses et escarpées, et selon des délais rigoureux exigés par la clandestinité.

Ainsi, l’intérêt pour la Résistance de posséder un véhicule spécifique comme celui-ci n’est pas à démontrer.


Auteurs : Seyve Claude, Seyve Michel
Sources : Jean Abonnenc, Il n’est pas trop tard… pour parler de résistance, 2004 ; F Sabatés, La croisière jaune Citroën, 1979 ; dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007 ; Fonds Centre de documentation Renault, Collection Jean Abonnenc.