Les membres du "gourbi d'acier" à leur camarade Belino

Légende :

Le 16 novembre 1943, Fernand Belino est transféré de la Centrale d’Eysses au camp de Noé (Haute-Garonne). Avant son départ, ses camarades de détention et notamment de gourbi lui adressent une carte signée par tous en « souvenir de [leur] solide amitié ».

Genre : Image

Type : Carte

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Carte dessinée sur papier cartonné. 

Date document : 14 novembre 1943

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

A Eysses, chaque Gourbi a son propre nom. Le gourbi auquel participait Fernand Belino portait le nom de "gourbi d'acier". Parmi les membres de ce gourbi et signataires de cette carte (voir album joint), figurent notamment :

- Jean Chauvet, l'un des douze fusillés du 23 février 1944.
- Pierre Doize : militant communiste et cégétiste de Marseille, arrêté en septembre 1942, il est successivement incarcéré à Marseille, dans l'Ain, à Nîmes et enfin à la centrale d’Eysses. Déporté en Allemagne à Dachau et à Allach ; il est libéré en mai 1945.
- Miguel Portoles, résistant espagnol, déporté à Dachau.
- Laurent Fénoglio : militant communiste de Marseille, il est arrêté le 30 avril 1940 et condamné à cinq ans de prison. Emprisonné à Marseille, Nîmes puis Eysses, il s'évade de cette centrale le 23 décembre 1943 pour établir, au nom du collectif clandestin d'Eysses, le contact avec la Résistance pour tenter d'organiser, de l'extérieur, l'évasion collective des détenus. 
- Martin Luis Ferreira, d'origine portugaise, 
transféré au Camp de Noé le 23 mai 1944.
- Jacques Guillin, déporté à Dachau.
- Hamed Guita, artiste peintre algérien, déporté à Dachau.
- Stéphane Fuchs : résistant du réseau F2 à Nice, arrêté le 22 décembre 1941, condamné à trois ans de prison le 10 mars 1942, il arrive à Eysses le 15 octobre 1943 après avoir été incarcéré à Aix , au fort Monluc à Lyon puis à Nîmes. A Eysses, il devient le représentant gaulliste des détenus auprès de la direction de la Centrale. Le 30 mai 1944, il est livré aux Allemands avec ses co-détenus puis déporté le 2 juillet 1944 de Compiègne à Dachau dans le convoi dit « train de la mort ». A son retour de déportation, Stéphane Fuchs devient le premier président de l’amicale des anciens d’Eysses.

Le dessin illustrant la carte représente une table avec des bouteilles, des verres, un cendrier avec une cigarette allumée et surtout le journal clandestin Le Patriote enchaînéParmi les journaux clandestins réalisés à la centrale d’Eysses, neuf exemplaires ont été conservés. Il s’agit notamment de deux numéros du Patriote enchaîné, organe des emprisonnés politiques de la centrale d’Eysses. Ces journaux permettent de comprendre les ressorts de l’organisation interne et la nature des débats engagés en détention. On y trouve un grand foisonnement d’articles souvent critiques, permettant de saisir la vie d’une communauté nombreuse avec ses difficultés quotidiennes mais aussi ses constants efforts d’unité et d’organisation.


Fabrice Bourrée

Contexte historique

A Eysses, le préau a son réfectoire, son dortoir, son chauffoir et sa cour. Dans ce cadre, les emprisonnés se réunissent par affinités et par tablée, tablée qui à Eysses porte le nom de gourbi. Les détenus conserveront par la suite mille souvenirs des dix ou quinze camarades qui composaient leur gourbi. Chaque tablée forme la base de l’organisation solidaire et disciplinée dont le but consiste, malgré les désastreuses conditions d’une prison, à maintenir les hommes en bon état physique tout en élevant leur instruction et leur formation de combattants. Dans le cadre du gourbi s’effectue aussi le partage des colis. Cela n’a pas été une mince affaire que de faire comprendre à des hommes amaigris par des mois ou même des années de privations la supériorité d’un tel système. Nul n’est obligé de faire partie du collectif. Tout prisonnier peut garder son colis et disposer seul du contenu. Cependant, dans l’intervalle des envois, chacun voit le collectif continuer ses distributions. L’isolé se rend compte qu’il aurait aussi sa part assurée (y compris sa part de solidarité) s’il avait préalablement remis au collectif son propre colis. 

Ceci montre l’atmosphère de liberté personnelle qui régnait parmi les résistants incarcérés à Eysses. L’existence du collectif n’a jamais entraîné de contrainte sur les déterminations individuelles. 

Dans le gourbi, les détenus se groupent par affinité régionale ou autre, faisant place aux plus démunis, aux sans-colis, aux camarades dépourvus de relations de famille dans la zone sud, notamment aux réfugiés espagnols. 

La répartition des vivres mis en commun s’opère sans le moindre favoritisme. Toutes les parts sont égales même pour ceux qui ne reçoivent jamais rien. On réalise de même un partage équitable du tabac, remis au collectif par tous ceux qui touchent une ration. La répartition se fait entre les fumeurs uniquement afin d’éviter que les cigarettes soient la source d’un trafic quelconque. Dans ce cycle d’aide mutuelle, le collectif prévoit tout ; le gourbi trop faible en colis de vivres ou en tabac s’appuie sur une réserve centrale constituée par un prélèvement de dix pour cent sur l’ensemble des colis et des rations.


Amicale des anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy, 1940-…, Paris, Editions Tiresias, 1992