Attestation de résistance délivrée par Germaine Tillion, 7 mai 1947
Légende :
Attestation de résistance de Julien Lafaye délivrée par Germaine Tillion en mai 1947 à la famille de ce résistant versaillais, mort en déportation.
Genre : Image
Type : Attestation
Source : © Collection privée famille Latapie Droits réservés
Détails techniques :
Une page dactylographiée sur papier à en-tête du laboratoire d'ethnologie du musée de l'Homme
Date document : 7 mai 1947
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Contexte historique
Cet extrait d'un courrier adressé par Germaine Tillion à ses compagnons de Résistance nous expose les circonstances de la liquidation administrative du réseau du Musée de l'Homme.
"Pour la seconde fois, notre réseau a été homologué officiellement par la France Combattante sous le nom de "Réseau musée de l'Homme (Hauet Vildé)". Cela signifie que les familles de nos morts vont enfin recevoir les pensions auxquelles elles ont froit, et que ceux d'entre nous qui ont été déportés pourront toucher les indmenités qui leur permettront de réparer en partie leurs pertes matérielles, ou, tout au moins, de vivre en attendant qu'ils puissent retrouver une activité normale...
Vous me direz que ce n'est pas trop tôt. Et malheureusement cela n'a pas été non plus sans peine. Mais si nous avions été des gens raisonnables et sérieux, nous aurions fait de la résistance en 44, ou mieux, en 45... Aussi, l'adage évangélique "les premiers seront les derniers" s'est trouvé vérifié une fois de plus : les grands réseaux de 43 et de 44 ont pu commencer leur liquidation dès la libération, c'est-à-dire dès septembre 1944. A ce moment-là, il y avait près de deux ans, que nous avons, nous avions été "liquidés" par la police allemande.
Lorsque la petite équipe des survivants est revenue des camps, ahurie, malade, dépaysée, et avec plus d'un de retard, il a fallu reprendre les contacts, retrouver toutes les adresses de mémoire et reconstituer une trame presque entièrement détruite, car ceux d'entre nous qui avaient eu la chance de ne pas être arrêtés avaient repris de l'embauche dans d'autres réseaux et n'avaient pas attendu sous l'orme ou le réverbère. Voilà pourquoi, mes pauvres camarades, nos homologations, liquidations, paiements, décorations sont en retard sur les autres. Mais en tout cas, je peux vous assurer qu'il n'y a eu aucune négligence de ma part et que, depuis mon retour de déportation, je n'ai pas cessé de batailler pour vous (en dehors d'un mois et demi de convalescence pendant lequel j'ai été remplacé par notre camarade Yvonne Oddon, aidée du commandant Sildes).
(...)
A mon retour de déportation, en juillet 1945, Lecompte-Boinet chargea nos camarades de Manipule de liquider mon dossier. J'insistai simplement pour qu'on liquide en même temps les dossiers de mon groupe, ce qui fut accepté sans difficulté. Par respect pour la mémoire du pauvre colonel Hauet dont je venais d'apprendre la mort, je donnai son nom à ce secteur de Manipule, puis le nom de Vildé. C'est vers cette époque que la plupart d'entre vous ont reçu des formulaires à remplir au nom de Manipule. Pour certains qui étaient des vrais "Manipule" ça allait tout seul, pour les autres ils continuaient à ne pas comprendre, mais depuis 5 ans, ils en avaient l'habitude.
Au bout de quelques mois, après avoir travaillé sans arrêt pour établir tous les dossiers, nous apprenons que ça ne "colle" plus et on nous déclare à la France Combattante que nous ne pouvons pas être liquidé par Manipule étant donné que ce réseau était reconnu depuis 1943 et que beaucoup d'entre nous étaient déjà arrêtés en 41. (...) Pour finir, nous fûmes reconnus et homologués comme réseau indépendant sous le nom de Hauet-Vildé. Nous remettons nos dossiers ; je refais encore un rapport, deux rapports, trois rapports. Du temps passe et rien ne vient. Nouvelles démarches pour savoir ce qui se passe et j'apprends avec beaucoup de satisfaction bien que cela nous retarde encore, que chaque réseau doit subir un contrôle avant d'être définitivement homologué. C'était une mesure absolument nécessaire et particumièrement facile pour nous, dont les dossiers étaient nets et honnêtes... Et, de plus, le Général et le Colonel commandant la France COmbattante, l'un et l'autre, s'intéressaient aux cas dramatiques, hélas si nombreux, de notre pauvre réseau.
Une seconde fois, nous fûmes reconnus et homologués. Cette fois sous le nom de "Réseau Musée de l'Homme", nom qui se trouvait en tête de nos dossiers parce qu'il est le siège de notre secrétariat. Je n'aurai pas pris l'initiative de faire changer encore une fois le nom de notre réseau, mais puisque c'était fait, j'ai pensé que cela vous serait égal, et à moi cela me faisait plaisir car le groupe de Musée de l'Homme a été notre premier bataillon tombé à l'ennemi, les premiers arrêtés, les premiers fusillés, les premiers déportés... Pour nous les camarades restés libres, ces heures ont si fortement marqué notre vie, ces arrestations, ces exécutions, ces déportations nous les avons suivies, heure par heure, et de si près, que lorsque notre tour est venu de suivre ce même chemin, nous en avons reconnu chaque marche et chaque étape. (...)"
Documentation département AERI