Paul Hauet

Légende :

Portrait du colonel Paul Hauet

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © BNF, département des manuscrits, fonds Germaine Tillion Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Contexte historique

Paul Hauet est né le 22 juin 1866 à Philippeville (aujourd'hui Skikda) près de Constantine en Algérie. Il entre à Polytechnique en 1889 et en sort comme sous-lieutenant d'artillerie coloniale.
En 1898, il participe à la campagne du Soudan sous les ordres de Gouraud ; grièvement blessé à la jambe lors de la prise de Sikasso (au Sud de l'actuel Mali) en mai 1898, il est fait chevalier de la Légion d'Honneur. De retour en France, il devient officier d'ordonnance de M. de Lanessan, ministre de la Marine de Waldeck-Rousseau (1899-1902). Ecarté du service actif en raison de la gravité de sa blessure, il obtient un congé de longue durée et quitte la France pour le Venezuela où il participe activement, à la tête d'une petite armée, à une des nombreuses tentatives de révolutions qui agitent le pays. L'expérience ayant tourné court, il bourlingue pendant plusieurs mois dans la mer des Sargasses où une île porte son nom déformé par les indigènes (l'Ile Havet). Ces aventures romanesques se terminent à New-York où il est contraint de travailler un temps pour financer son retour.

Rentré en France en 1902, Paul Hauet quitte l'armée pour devenir administrateur délégué des Ardoisières de Renazé en Mayenne. Il est âgé de 48 ans lorsque la première guerre mondiale éclate. Il demande immédiatement sa réintégration dans l'armée ce qui lui est refusé en raison de son âge. Engagé volontaire, il reprend alors du service comme simple soldat, rattrape vite son grade de capitaine et devient commandant au sein des fameux "Crapouillots" (artillerie de tranchées). Promu colonel en 1918, il termine la guerre dans l'état-major de Foch et reçoit la rosette d'officier de la Légion d'Honneur ainsi que la Croix de guerre. Après le conflit, il se lance avec succès dans les affaires. Il a 73 ans au moment de la débâcle de 1940.

Resté à Paris et brûlant d'agir, il se présente le 15 juin 1940 au préfet de police et aux membres du Conseil municipal qui n'ont pas quitté la capitale et se propose comme otage si besoin est.
Le 27 juin 1940, Hauet se rend sur les décombres de la statue du général Mangin, grand chef de la première guerre, que les Allemands viennent de faire sauter ; il y retrouve son vieux camarade de Polytechnique, le colonel Maurice Dutheil de La Rochère, perdu de vue depuis de nombreuses années. Les deux hommes partagent les mêmes sentiments de révolte contre la défaite ; ils décident de se revoir et de se tenir au courant de leurs activités respectives. Au même moment, il fait la rencontre de Germaine Tillion, ethnologue qui, rentrant tout juste d'Algérie, a entendu parler de lui et souhaite le rencontrer. De concert, ils reprennent en main une association moribonde, l'UNCC (Union nationale des combattants coloniaux) qu'ils installent rue Breguet. Tillion devient dès lors sa collaboratrice principale. L'activité officielle de l'UNCC est de porter aide et assistance aux prisonniers de guerre des colonies ; l'association confectionne et expédie des colis de nourriture, envoie des lettres et recrute des marraines de guerre. Mais derrière cette façade légale se cache très vite une active officine de résistance à l'occupant qui se lance dans la contre-propagande en direction des milieux coloniaux, met en place plusieurs filières d'évasion et collecte des renseignements militaires.
Multipliant les contacts, le secteur UNCC regroupe bientôt différents noyaux qui fleurissent à Paris et en province, constituant ainsi un pôle d'attraction typique de la Résistance pionnière en zone occupée.

A l'automne 1940, Tillion et Hauet sont en relation avec les groupes animés par La Rochère et avec l'organisation du Musée de l'Homme que les chercheurs Boris Vildé et Anatole Lewitsky ont structuré. Entre ces trois secteurs, des renseignements circulent et une coopération s'esquisse. L'évasion et le camouflage des prisonniers demeure l'activité principale de l'UNCC qui dispose de multiples relais et filières tant à Paris (Hôpital militaire du Val de Grâce, Maison du Prisonnier de guerre) qu'en province (Bordeaux, Metz, Charente...) Paul Hauet et les groupes qu'il contrôle ne sont pas inquiétés par les arrestations qui déciment le Musée de l'Homme à partir de décembre 1940. Par contre, il est interpellé une première fois le 5 juillet 1941 en même temps que son camarade Maurice de La Rochère avec qui il est confronté. Ce dernier, endossant seul toutes les responsabilités, parvient à l'innocenter et Hauet est libéré au bout de deux mois. Il reprend immédiatement ses activités et n'est pas davantage touché par l'interpellation de Germaine Tillion en août 1942, celle-ci ayant pris soin de strictement cloisonner les groupes.

Il tombe finalement peu avant la libération, en juin 1944, avec plusieurs de ses proches collaborateurs. Il passe un mois à Fresnes, exigeant inlassablement de ses geôliers qu'ils s'adressent à lui au garde à vous. En juillet 1944, il est déporté au camp de Neuengamme par un des derniers convois quittant Paris C'est là qu'il meurt d'épuisement, de faim et de mauvais traitements fin novembre ou début décembre 1944 à l'âge de 78 ans. Lorsqu'elle rentrera de déportation en 1945, Germaine Tillion, seul chef survivant de la "nébuleuse" du Musée de l'Homme, s'occupera de la liquidation administrative de son organisation. Elle homologuera celle-ci sous le nom de "réseau du Musée de l'Homme - Hauet - Vildé", rendant ainsi hommage à ce vieux militaire aventurier et patriote, pionnier de la Résistance en zone occupée.

Paul Hauet a reçu, à titre posthume, la rosette de la Résistance et a été fait commandeur de la Légion d'Honneur.


Julien Blanc, "Paul Hauet" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004

Sources et bibliographie :
Archives privées de Germaine Tillion, dossier individuel de Paul Hauet constitué par l'officier liquidateur en vue de son homologation au "réseau du Musée de l'Homme".
Bureau Résistance, dossier individuel de Paul Hauet.
Archives nationales, 72 AJ 66 (dossier "réseau Musée de l'Homme", "Rapport d'activité sur le secteur Hauet", Germaine Tillion, non daté).
Germaine Tillion, "Première Résistance en zone occupée (Du côté du réseau " Musée de l'Homme-Hauet-Vildé")" in Revue d'Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 30, avril 1958.
Germaine Tillion, La traversée du mal ; Entretiens avec Jean Lacouture, Paris, Arléa, 1997.
Germaine Tillion, A la recherche du vrai et du juste. A propos rompus avec le siècle, Paris, Le Seuil, 2001.
Nancy Wood, Germaine Tillion, une femme-mémoire, Paris, Editions Autrement, 2003.