Immeuble au n°1 de la rue des Alpes à Valence
Légende :
Siège national de la Cimade à partir du mois d’août 1944.
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : Cliché Michel Brosille
Source : © Collection Michel Brosille Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique couleur.
Date document : 2010
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône
Analyse média
Immeuble valentinois dans lequel la Cimade (Comité inter mouvements auprès des évacués) installe son siège social en 1944 après le bombardement du mois d’août au cours duquel fut détruit l’immeuble Chabanal au n° 23 de la côte des Chapeliers où, depuis 1942, était installé le bureau de Madeleine Barot.
Situé au n° 1 de la rue des Alpes cet immeuble a été construit entre les deux guerres mondiales. Son style témoigne bien de l’architecture de cette période.
Auteurs : Pierre Balliot
Contexte historique
Le 18 octobre 1939, à Bièvres, les dirigeants du CIM (Comité inter-mouvements de jeunesse), créent le Comité inter-mouvements auprès des évacués, appelé communément la Cimade, pour venir en aide, notamment, aux populations évacuées d’Alsace et de Lorraine, au nombre de 200 000 environ. Des équipes sont constituées (d’où le terme d’équipiers encore en usage aujourd’hui) qui accomplissent un travail à la fois d’évangélisation et social auprès des évacués alsaciens. Madeleine Barot, appelée et soutenue par Marc Bœgner, est Secrétaire générale de la Cimade, pendant toute la durée de la guerre et au-delà.
Dans les années 1930, la pensée protestante, en France comme en Allemagne, n’est pas inactive devant les prémices de la tragédie annoncée du nazisme.
Les synodes protestants de Barmen (près de Wuppertal), en 1934, poussent un cri de détresse et s’élèvent contre une prédication de l’Église aux ordres de l’État et contre la mise au pas du protestantisme allemand avec le slogan « un peuple, un empire, un chef. » Martin Niemöller, à l’origine de l’Église confessante en Allemagne, écrit en 1935 : « Lorsqu’ils ont arrêté les communistes, je n’ai pas élevé la voix ; lorsqu’ils ont interné les juifs, j’ai gardé le silence ; lorsqu’ils s’en sont pris aux sociaux-démocrates, je me suis tu … Lorsqu’ils sont venus me prendre, il n’y avait plus personne pour me défendre. » Il est mis à la retraite par le pouvoir et milite ensuite en faveur de la paix.
Dietrich Bonhœffer, pasteur et théologien protestant, lutte dès 1933 contre « la clause aryenne » qui exclut de la communauté ecclésiale les Chrétiens d’origine juive. Il est exécuté par les nazis en 1943. Sa théologie est centrée sur le rôle du Chrétien dans un monde sécularisé.
Le pasteur Marc Bœgner, Président de la Fédération protestante de France depuis 1929, axe ses conférences de Carême en 1939 sur le thème « L’Évangile et le racisme. » Il prit la défense des juifs auprès du gouvernement de Vichy : Pétain, Darlan, Laval… Il fut coprésident du Conseil œcuménique des églises (COE).
Le pasteur Pierre Maury, Président de la « Fédé » (Fédération française des associations chrétiennes d’étudiants), écrivit : « Si les jours viennent où les exigences de l’État français sont inacceptables, souvenez-vous qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » En juillet 1939, se tient la Conférence mondiale de la jeunesse chrétienne à Amsterdam. De nombreuses rencontres œcuméniques, internationales, ouvertes sur les questions sociales, suivent. Les jeunes chrétiens protestants sont nourris par le débat intellectuel et le partage des idées avec le mot d’ordre de Karl Barth « la journée doit commencer avec une Bible dans une main et le journal dans l’autre. »
Karl Barth écrit en décembre 1939 une Lettre aux protestants de France : « Si Jésus soutient, console et encourage son Église, c’est pour qu’elle soit son témoin. C’est précisément en vue de ce témoignage que la grâce lui est faite de voir. Elle ne saurait donc se contenter d’observer les évènements de façon passive, bouche bée. Si la communauté chrétienne gardait le silence et si elle observait le cours des évènements en simple spectatrice, elle perdrait sa raison d’être. »
Septembre 1939 voit l’invasion de la Pologne et l’entrée de la France dans la guerre. Suzanne de Dietrich, Secrétaire générale de la FUACE (Fédération universelle des associations chrétiennes d’étudiants) présente un rapport sur ce que vivaient les Alsaciens Lorrains évacués dans les départements du centre et du sud de la France. Elle s’adresse aux Éclaireurs Unionistes, Unions Chrétiennes de Jeunes Gens et de Jeunes Filles et Fédé, en vue de « témoigner de l’amour du Christ. »
Plus de 40 000 internés (juifs étrangers notamment et réfugiés politiques opposants au régime nazi) sont recensés dans les camps d’internement et centres d’accueil du Ministère du travail dès 1940 : Gurs, Agde, Argelès, Rivesaltes, Aix, Brens…La Cimade entre alors dans les camps. Elle s’y occupe des problèmes matériels comme des besoins psychologiques et spirituels.
En novembre 1942, les forces allemandes franchissent la ligne de démarcation. Le Comité de la Cimade ne peut plus se réunir. La Cimade passe alors d’une présence de solidarité à la résistance. Elle camoufle des gens, aide à traverser des frontières et constitue des états civils et des faux papiers. Un petit secrétariat est organisé. Madeleine Barot, énergique, organisatrice, crée un réseau de partenaires (Quakers, Croix-Rouge, …) avec lequel elle négocie la création de centres d’accueil de la Cimade pour sortir des internés des camps et les sauver de la mort : Le Coteau fleuri au Chambon-sur-Lignon (avec les pasteurs Trocmé, Theiss), le foyer Marie Durand à Marseille, le foyer YMCA de Toulouse, et d’autres encore dans le Tarn ou près de Tarascon. Suzanne de Dietrich et le pasteur Visser’t Hooft (Secrétaire général du Conseil Œcuménique des Églises) organisent des rencontres et la Cimade apporte son témoignage de réalités occultées et difficiles à appréhender. Cela conduit aux thèses du groupe de Pomeyrol en 1942, traitant notamment, des rapports de l’Église et de l’État, du respect des libertés individuelles, de l’antisémitisme. « Tout en acceptant les conséquences matérielles de la défaite, l’Église considère comme une nécessité spirituelle la résistance à toute influence totalitaire et idolâtre. »
En juillet 1942 a lieu la rafle du vélodrome d’hiver. La Cimade organise des évasions vers la Suisse, en relation avec le Conseil œcuménique des églises en création à Genève. En novembre 1942, la Cimade installe son siège à Valence. « Ce n’est pas la charité que nous avons exercée pendant la guerre, du moins pas seulement ; nous avons voulu exprimer notre solidarité avec les victimes. » (Madeleine Barot).
Auteurs : Pierre Balliot
Sources : Jacques André, Madeleine Barot, Labor&Fides,1989 Paris. Cahiers d’histoire Cimade n° 1, 2, 3, et 4, 1996-1997. Réforme n° 765, Édition spéciale, Novembre 1959. Jacques Poujol, Protestants dans la France en guerre, Éditions de Paris Max Chaleil, 2000. Philippe Bœgner, Carnets du pasteur Bœgner 1940-1945, Fayard, 1992, Paris.