Pierre Séailles
Légende :
Portrait de Pierre Séailles, chef du réseau WO Sylvestre-Farmer
Genre : Image
Type : Portrait
Source : © Collection Danièle Lheureux Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc
Lieu : France
Contexte historique
Etudiant aux Arts et Métiers, Pierre Séailles, né le 14 avril 1919, voit ses études interrompues par la déclaration de la guerre. Appelé pour accomplir son service militaire et détaché à l'Ecole des Officiers de Réserve d'Orléans, en décembre 1939, il est affecté comme instructeur à Gien. De retour en stage à Orléans, en mai 1940, les hommes reçoivent l'ordre de départ à pied. Aux abords de Gien, Séailles apprend que les Allemands arrivent, que l'armistice va être demandé… N'ayant nulle envie d'être fait prisonnier, il décide de gagner l'Angleterre. Ce soir du 17 juin 1940, il se lance à vélo sur la route. Arrêté aux environs de Bordeaux par un barrage de police militaire et embarqué dans un train pour le camp de Brax (près d'Agen), il s'évade. Repris, il rejoint la centaine de soldats prisonniers au camp. Maintenu dans l'armée dite "d'Armistice", il suit à Châteauroux les exercices de la 17e unité de chasseurs alpins. A l'automne 1941, Pierre tombe malade et est réformé.
S'étant fabriqué des faux papiers, Pierre Séailles passe la ligne de démarcation pour revoir sa famille à Paris, avant de partir pour l'Angleterre. Début janvier 1942, il met son projet à exécution. Arrêté par les gendarmes pour "désertion" à Montrésor et conduit en détention à Périgueux, il fait connaissance d'officiers du S.O.E., en particulier de Michaël Trotobas. Condamné à un an de prison par le conseil de guerre, Pierre Séailles est envoyé au camp de Mauzac où il retrouve Trotobas qui l'y a précédé. Ayant déjà remarqué et apprécié le jeune Français au cours de parties d'échec, Trotobas le recrute pour son futur réseau avant de s'évader avec les compagnons de sa cabane. Pierre Bertaux devient le nouveau partenaire aux échecs. Libéré le 21 janvier 1943, Séailles reçoit un message de ses parents : un "Michel" l'attend d'urgence. A Paris, sa sœur Simone, devenue agent de liaison de Trotobas (réseau Tell-Musician), lui remet l'adresse de Trotobas, désormais appelé capitaine Michel, chef du réseau Sylvestre-Farmer.
Début mai à Lille, Pierre Séailles devient l'homme de confiance et l'adjoint de Michel. Pierre Séailles dévoile son ingéniosité et son talent en réalisant les premiers faux papiers et cachets du réseau. Par la suite, son service des "Faux" utilise des procédés modernes et fabrique une centaine de documents. Il comprend jusqu'à 35 personnes pour répondre aux besoins du réseau mais aussi à ceux d'autres organisations.
Séailles reçoit des missions appropriées à ses qualités de stratège. Chargé de dresser le plan d'actions à réaliser sur des objectifs désignés par Londres pour être détruits en priorité au moment du débarquement allié, Pierre va sur le terrain reconnaître les cibles, recueille les informations, étudie les enchaînements d'action. Il forme des équipes et les entraîne à exécuter les gestes qu'ils devront faire très rapidement le moment venu.
Avec le matériel parachuté les opérations se multiplient. Les services allemands mènent une offensive intensive pour pénétrer et détruire le réseau. Après la disparition du capitaine Trotobas, le 27 novembre, Pierre Séailles prend en main l'organisation. Le contact avec Londres, coupé en janvier, est rétabli en mars 1944. Envoyé par le colonel Buckmaster pour en vérifier l'état, René Dumont-Guillemet découvre le réseau divisé en sept régions parfaitement cloisonnées, un responsable compétent nommé à la tête de chacune. Séailles commande pleinement et efficacement l'organisation. Impressionné par le charisme du jeune Français, Dumont le recommande à Londres qui nomme officiellement Pierre Séailles responsable du réseau.
Dès la réception du message "Germaine Pirouette, Germaine Pirouette" annonçant le débarquement, les hommes appliquent les ordres de Séailles provoquant l'isolement total de l'ennemi par un sabotage général des communications allemandes et des installations industrielles. Devant l'ampleur et la multitude des actions, l'ennemi attend sur place un débarquement. Bien que le Nord ne soit pas propice à ce type d'actions, Séailles a planifié des opérations de guérilla à grande échelle et ses hommes harcèlent l'ennemi. Mais Séailles attend surtout le sabotage important - le seul de ce type réalisé en France - qui a nécessité des mois de préparation : l'arrachage des voies ferrées à l'aide d'un soc fixé à l'avant de la locomotive. Dans la nuit du 26 au 27 août, l'opération menée parallèlement sur trois sites mobilise 200 hommes. Le 28 août tous les hommes préparés pour ce jour partent au combat pour la libération de la région. Sous le commandement de Séailles, ses groupes ont fait 1500 prisonniers, détruit ou pris plusieurs centaines de véhicules, des armes et du matériel.
A la mort de Trotobas, l'effectif du réseau était de 1200 hommes. En avril 1944, il atteignait 2000 et lors du débarquement 5000. Lors de l'insurrection générale, Pierre Séailles pouvait compter sur 4500 hommes dans le Nord et 3500 dans le Pas-de-Calais. Le réseau a payé un lourd tribut avec 50 fusillés, 200 morts au combat, 85 déportés disparus dans les camps et 40 déportés rentrés. Les hommes inexpérimentés, la plupart des événements tragiques se sont déroulés au cours des premiers mois d'existence du réseau. Avec la structure mise en place et la discipline rigoureuse imposée, Pierre Séailles a conduit le réseau jusqu'à la Libération.
En janvier 1945, Pierre Bertaux, Commissaire de la République à Toulouse, appelle Pierre Séailles auprès de lui au poste d'attaché militaire. En ce début d'année, Philippe de Vomécourt et Pierre Séailles ont l'idée d'essayer de regrouper les membres des réseaux franco-britanniques dits aussi "Action-Buck" de la Section F du S.O.E. En avril, le domicile de Séailles à Paris accueille une quinzaine d'anciens responsables pour une première réunion, à l'issue de laquelle naît la Fédération Libre Résistance.
Considérant ses obligations de responsable de réseau remplies, Pierre Séailles rentre dans la vie civile. Autodidacte, c'est auprès de son père brillant inventeur, qu'il fait ses premières expériences avant de devenir lui-même un inventeur original et un artiste reconnu. Toujours disponible, il a mené et partagé sa vie avec beaucoup de discrétion et de générosité. Le 4 mai dernier, au cours de notre dernière rencontre, toujours avec la modestie qui le caractérisait, il affirmait : "Je suis un homme ordinaire, ce sont les événements qui m'ont amené à faire des choses particulières".
Pierre Séailles était Chevalier de la Légion d'Honneur, titulaire de la Croix de guerre française, de la Médaille de la Résistance avec Rosette, nommé Officier Léopold II et titulaire de la Croix de guerre belge et de la D.S.O. anglaise (Distinguished Service Ordre).
Pierre Séailles nous a quittés le 3 juin 2007. Sa disparition laisse un vide immense, il manque terriblement à tous ceux qui l'ont connu.
Auteur : Danièle Lheureux