Les reliques, témoins des martyrs: poteau d'exécution d'un résistant d'Eysses
Légende :
Poteau d'exécution d'un des résistants exécutés sur ordre d'une cour martiale de Vichy après la révolte des détenus de la maison centrale d'Eysses (Lot-et-Garonne) en février 1944.
Type : Objet
Producteur : Cliché Denis Gliksmann
Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne Droits réservés
Détails techniques :
Hauteur 1, 245 m, largeur 11,7 cm (côté avec plaque en métal), profondeur 12 cm.
Date document : 23 février 1944
Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot
Analyse média
La plaque en métal fixée sur une des faces commémore la remise de ce poteau au Musée de la Résistance nationale: "UN DES POTEAUX D'EXECUTION DE LA CENTRALE D'EYSSES REMIS CE SAMEDI 27 NOVEMBRE 1971 AU MUSEE DE LA RESISTANCE PAR L'AMICALE DES ANCIENS D'EYSSES DACHAU".
Juste au-dessous se voient encore les impacts des balles du peloton d'exécution.
Le sommet actuel du poteau est endommagé, sans doute à cause d'un stockage dans un endroit exposé à l'humidité,voire à la pluie, après la Libération. Mais sur la face arrière, on voit un trou profond, rong et régulier. Il correspond à la tige horizontale qui reliait le poteau à un panneau en bois placé devant le mur du fond de la cour de la prison.
Bruno Leroux
Contexte historique
La mémoire immédiate de la Résistance, pendant la guerre, s'exerce avant tout à l'égard des morts: des cortèges se forment à l'occasion d'enterrements, malgré les interdictions allemandes; des fleurs sont déposées devant des affiches de l'occupant proclamant des noms de condamnés, ou sur des lieux d'exécutions sommaires. Les dernières lettres des fusillés envoyées à leurs parents sont parfois reproduites par la presse clandestine.
Il est très rare que des poteaux ayant été utilisés pour l'exécution de certains résistants aient été conservés. A Eysses, où 12 détenus ont été fusillés le 23 février 1944 dans une cour intérieure après qu'une tentative d'évasion collective ait été matée quatre jours auparavant, les poteaux ayant servi à ces exécutions ont été conservés. Comme le mur de cette cour est devenu dès la Libération un lieu de recueillement, les poteaux sont par la suite devenus eux-mêmes des reliques.
Au début des années 1970, il semblerait que seuls quatre des douze poteaux subsistaient. Ces poteaux furent officiellement remis à l'association des anciens détenus patriotes de la centrale d'Eysses en février 1971. Afin de pérenniser la mémoire de leurs camarades tombés sous les balles des policiers français des Groupes mobiles de réserve (unités créées par Vichy en 1941), les anciens d'Eysses décidèrent de les confier à des musées. En mai 1971, un poteau fut confié au Musée de l'Armée aux Invalides puis un second en novembre de la même année à André Tollet, vice-président de l'association pour le musée de la Résistance d'Ivry-sur-Seine (aujourd'hui Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne). L'année suivante, les deux derniers poteaux furent remis en mai au musée de la Résistance et de la Déportation de Lyon et au musée d'histoire locale Gaston Rapin de Villeneuve-sur-Lot. Ce dernier poteau est aujourd'hui exposé dans la salle de mémoire située à l'entrée de la maison centrale d'Eysses. Les poteaux visibles devant le mur des fusillés sont très certainement des poteaux de substitution.
Bruno Leroux et Fabrice Bourrée
Sources : Bulletin d'information et de liaison des Anciens Détenus Patriotes de la Centrale d'Eysses, n° 106 (mars 1971), 107 (novembre 1971), 108 (avril 1972) et 109 (octobre 1972).
Le dessin réalisé le lendemain des exécutions, le 24 février 1944, représente la cour d’étendage de la maison centrale d'Eysses avec l’emplacement de la tourelle, du quartier cellulaire, de la buanderie et du mur sur lequel douze planches et douze poteaux attendent les condamnés. Un rang de soldat est aligné devant le mur du quartier cellulaire alors que deux rangées de gardes mobiles (les uns debout, et les autres à genoux) font face aux 12 détenus. Le docteur Guy, l’abbé Bataille et le pasteur Féral se trouvent à côté des gardes mobiles à proximité de la porte de la buanderie.
Collection FNDIRP, droits réservés
Cérémonie du 27 août 1944Cette manifestation patriotique organisée par la section du Front national de Villeneuve-sur-Lot se déroule alors que les anciens d’Eysses ne sont pas encore revenus de déportation. Outre le Front national, elle réunit plusieurs organisations résistantes dans un défilé commun : Milices patriotiques, Femmes de France de Villeneuve, Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP). Après avoir défilé dans les rues de Villeneuve, le cortège se rend devant le mur des fusillés de la centrale d’Eysses où la population villeneuvoise assiste nombreuse à la première cérémonie à la mémoire des morts de février 1944. C’est lors de cette cérémonie qu’est dévoilée la plaque aux morts du bataillon d’Eysses apposée sur le mur des fusillés et offerte par le Front national.
Musée de la Résistance nationale, fonds amicale d'Eysses (droits réservés)
Cérémonie du 5 août 1945Cette photographie a été prise le 5 août 1945, dans la cour des fusillés de la centrale d’Eysses, lors d’un moment de recueillement face aux poteaux où furent exécutés douze résistants le 23 février 1944. Les poteaux sont ornés d’un ruban tricolore. Certains anciens d’Eysses ont revêtu pour cette occasion leur tenue de déporté. La tête baissée de l’homme portant un calot sur la tête montre l’intensité de l’émotion qui les submerge.
Musée de la Résistance nationale, fonds Amicale d'Eysses, droits réservés
Article du bulletin des anciens d'EyssesArticle du numéro 108 (avril 1972) du bulletin d'information et de liaison des anciens détenus patriotes de la centrale d'Eysses relatant la remise officielle d'un poteau d'exécution au Musée de la Résistance d'Ivry-sur-Seine (aujourd'hui musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne).
Archives association pour la mémoire des résistants d'Eysses, droits réservés
Poteau d'exécution d'Eysses exposé aux InvalidesPoteau d'exécution d'Eysses exposé au Musée de l'Armée aux Invalides en novembre 1971
Association nationale pour la mémoire des résistants emprisonnés à Eysses, droits réservés
Poteau d'exécution d'EyssesCet authentique poteau d'exécution a été remis par l'Association des anciens d'Eysses au musée Rapin de Villeneuve-sur-Lot en mai 1972. Il est aujourd'hui exposé dans la salle de mémoire à l'entrée de la maison centrale d'Eysses.
Cliché Denis Gliksman, droits réservés
Poteau d'exécution d'Eysses exposé au Musée de l'ArméeCe poteau a été remis au musée de l’Armée le 4 mai 1971. La remise officielle s’est effectuée dans la salle des drapeaux où les anciens d’Eysses furent reçus par le général de Grasset, gouverneur des Invalides, assisté du colonel de Buttet, conservateur du musée, de Mme Aubry, conseiller technique du ministère des anciens combattants et victimes de guerre, et de Mme Burgard, documentaliste, adjointe au colonel de Buttet, chargée spécialement de la Résistance et de la Déportation.
Musée de l'Armée, Dist. RMN / Emilie Cambier - Droits réservés
Poteau actuellement placé devant le mur des fusillés
Il s'agit très probablement de poteaux de substitution.
Cliché Fabrice Bourrée, droits réservés