Atelier de typographie de Défense de la France
Légende :
Au recto : Jacqueline Borgel, Lucie Montet et Charlotte Nadel travaillant à l'atelier de typographie de la rue Jean-Dolent à Paris (à l'arrière plan, on aperçoit les murs de la prison de la Santé).
Au verso : Alain Radiguer et Charlotte Nadel. Photographie prise dans les locaux de la société Radiguer, rue Sainte-Cécile à Paris. La société Radiguer & Cie commercialise les machines et outils nécessaires à l'imprimerie et à la reliure, ainsi que les caractères de la fonderie Caslon.
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Archives nationales / Fonds Défense de la France Droits réservés
Détails techniques :
Photographies analogiques en noir et blanc
Date document : sans date
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Analyse média
Jacqueline Borgel, "Solange", est née le 4 octobre 1921. Etudiante, elle rentre au mouvement Combat en 1941 à Marseille. De novembre 1942 à janvier 1944, elle est responsable départemental du service social des MUR pour les Bouches-du-Rhône. Par l'intermédiaire de Marie-Hélène Lefaucheux, elle rejoint le mouvement Défense de la France à Paris en avril 1944. Typographe au sein de l'imprimerie de la rue Jean Dolent, elle y est arrêtée le 27 mai 1944 avec notamment Charlotte Nadel, Lucie Montet, Genia Deschamps, puis internée à la Roquette puis aux Tourelles. Libérée le 17 août 1944, elle rejoint immédiatement le maquis de Seine-et-Oise Nord commandé par Philippe Viannay. Après la guerre, ingénieur aéronautique, elle est professeur de mathématiques puis professeur de français en Chine. Jacqueline Borgel est titulaire de la médaille de la Résistance (14/04/1946).
Née le 6 août 1920 à Marseille, étudiante, Lucie Montet rejoint l'équipe de diffusion du journal Témoignage Chrétien fin 1941. Elle est responsable de sa diffusion à l'école de la Croix-Rouge. En juin 1942, elle rejoint le mouvement Combat et intègre le service social d'aide aux internés et aux familles à Marseille, sous les ordres d'Agnès Bidault. Elle participe ensuite aux activités du COSOR. Parrainée par Agnès Bidault et Marie-Hélène Lefaucheux, elle vient renforcer les équipes du mouvement Défense de la France à Paris en octobre 1943. Typographe, responsable d'un des ateliers d'impression du mouvement, elle est aussi chargée des liaisons avec les MUR et le COSOR. Arrêtée par les inspecteurs de la Brigade spéciale à l'imprimerie de la rue Dolent le 27 mai 1944 avec notamment Charlotte Nadel, Victoria Kobozieff et Jacqueline Borgel, elle est internée à la Roquette puis aux Tourelles. Libérée le 17 août 1944, elle rejoint immédiatement le maquis de Seine-et-Oise Nord commandé par Philippe Viannay. Après la guerre, elle retourne à Marseille et devient assistante sociale aux docks. Lucie Montet est titulaire de la médaille de la Résistance (14/06/1946) et de la croix de combattant volontaire de la Résistance.
Membre fondatrice en 1941 du mouvement Défense de la France, responsable technique, au sein de son Comité directeur, de la composition et de la typographie du journal Défense de la France, Charlotte Nadel est née à Paris le 15 décembre 1920. Elle est issue d'une famille d'émigrés russes, de condition modeste ; son père Isaac Nadel, après avoir été incarcéré, a fui la Russie tsariste et s'est installé en France comme électricien. Elève au Lycée Fénelon, elle choisit de suivre des études physique, chimie et biologie (PCB).
L'exode de 1940 l'oblige à passer ses examens à Guéret. De retour à Paris à la rentrée 1940 elle obtient, pour financer ses études, un poste d'aide-bibliothécaire à mi-temps au laboratoire de géographie physique et de géologie de la Sorbonne. Elle y rencontre Hélène Mordkovitch (future épouse de Philippe Viannay) qui l'entraîne dans la formation de Défense de la France. Philippe Viannay charge Charlotte Nadel de l'organisation et de la diffusion du journal clandestin. L'imprimeur parisien Jacques Grou-Radenez l'initie à la typographie ; elle développe alors la branche impression du mouvement. Cette branche est dotée de quatre ateliers clandestins de typographie, d'une clicherie et de plusieurs imprimeries répartis sur Paris ; ils répondent à la diversification et à la spécialisation des activités de Défense de la France (faux papiers et impression d'autres journaux clandestins). Sous la houlette de Charlotte Nadel, le journal sera un des rares de la presse clandestine à disposer d'une entière autonomie dans la fabrication, l'impression et la diffusion. Pour la fabrication des faux papiers, elle recrute, en février 1942, Michel Bernstein, un libraire d'origine russe. Après y avoir échappé à plusieurs reprises, Charlotte Nadel est arrêtée le 27 mai 1944 ; internée au camp des Tourelles, elle est libérée à l'ouverture du camp en août 1944, et rejoint le maquis de Seine-et-Oise Nord que dirige Philippe Viannay.
Né le 11 décembre 1915 au Vésinet, Alain Radiguer est gérant de la société Radiguer & Cie installée rue Sainte-Cécile dans le 9e arrondissement parisien. Son entreprise commercialise les machines et outils nécessaires à l'imprimerie et à la reliure, ainsi que les caractères de la fonderie Caslon. Recruté par Jacques Grou-Radenez, il rejoint Défense de la France en mars 1942. Il fournit du matériel de toute sorte pour imprimer le journal clandestin du mouvement, travaille lui-même au sein des ateliers de typographie et forme les membres de DF qui y travaillent, notamment Charlotte Nadel. Après la vague d’arrestations qui frappe le mouvement, il rejoint le maquis de Seine-et-Oise Nord. Décoré de la médaille de la Résistance en mars 1947, chevalier de la légion d’Honneur en 1952, Alain Radiguer est décédé le 28 janvier 1990.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources :
Archives du mouvement Défense de la France
Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France. 1940-1949, Paris, Seuil, 1995
Les témoins qui se firent égorger, éditions Défense de la France, 1946.
Biographie de Charlotte Nadel par Cécile Vast, DVD-ROm La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Contexte historique
A partir du mois de février 1942, Défense de la France engage une première étape dans le processus de sa professionnalisation grâce, notamment, au concours déterminant de l'imprimeur Jacques Grou-Radenez, rencontré par l'intermédiare de Paul Ranchon.
"Outre la fourniture du matériel, Grou-Radenez dépanne DF pour l'impression de certains journaux et, surtout, il forme plusieurs militants à la topographie." (1)
"La composition n'était pas très difficile à assimiler, du moins pour ses rudiments. L'essentiel est de bien connaître les règles de la grammaire et de l'orthograpghe. [...] Il faut que les caractères, petits parallélépipèdes en plomb à l'époque, soient assemblés en lignes rigoureusement de même longueur pour être, ensuite, ficelés en paquets du nombre de lignes que doit comporter une page. Une seule ligne à peine plus longue ou à peine plus courte que les autres crée une instabilité qui éparpillera tous les caractères de la page lors de son transport vers les autres ateleirs ou en cours de l'impression." (2)
Par ailleurs, afin d'éviter tout risque de repérage, la composition des journaux clandestins impose aux typographes l'utilisation de caracactères neufs ne devant jamais servir à d'autres compositions.
Après des débuts laborieux qui "arrachent des fous rires à l'imprimeur", les obstacles sont progressivement surmontés, et Défense de la France se présente comme un véritable journal. Charlotte Nadel, qui bénéficie d'un apprentissage rapide et utile, accepte de se consacrer entièrement à l'atelier de composition et coiffe à terme toute la branche technique du mouvement.
Dès le départ, Philippe et Hélène Viannay mettent en place une organisation très cloisonnée qui permet d'assurer la sécurité du mouvement. Dissociés des imprimeries, les ateliers de composition sont dispersés et connaissent plusieurs localisation entre 1942 et 1943.
La typographie est d'abortd installée au 41 rue du Montparnasse à Paris, dans une chambre de bonne louée par Anne-Marie Jeanprost, puis rue du bocage. Mais le manque de place contraint le mouvement à rechercher de nouveaux locaux. Un temps hébergée par Alain Radriguer, la composition émigre après septembre dans trois lieux différents. Elle s'installe successivement dans un appartement situé à Saint-Ouen ("La Ruche"), puis déménage dans un logement loué square Desnouettes ("Les mouettes") et s'abrite enfin dans l'appartement d'une jeune jardinière d'enfants, Marlyse Guthmann, à Clichy ("l'Asile"). Le 4 mai 1944, cette dernière installation est découverte par les Allemands.
Face à l'imminence du débarquement, le mouvement modifie sa tactique et réunit en un même lieu les ateliers de composition, de clicherie et d'impression, dans une maison louée rue Jean-Dolent.
Auteur : Emmanuelle Benassi
Sources :
(1) Olivier Wieviorka, Une certaine de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.
(2) témoignage de Christophe Grou-Radenez, in, Imprimeurs et éditeurs dans la Résistance, sous la direction de Laurence Thibault (AERI), La documentation Française, 2010