Marc Haguenau
Légende :
Samy Klein, Marc Haguenau, Edmond Fleg et Robert Gamzon à Beauvallon (Var) en avril 1941.
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Mémorial de la Shoah, Paris (France) Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc
Date document : Avril 1941
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var
Analyse média
Du 28 avril au 14 mai 1941 se tient un camp de cadres organisé par Robert Gamzon tout près de la propriété d'Edmond Fleg à Beauvallon (Var). Ce séminaire d'éducation juive était spécialement destiné aux “statufiés”, c’est-à-dire des jeunes professeurs et fonctionnaires qui avaient été chassés de leur poste par le “statut des Juifs”. S’y sont ajoutés des commissaires et chefs qui travaillaient activement dans le mouvement et éprouvaient un besoin de retour aux sources.
"La rayonnante personnalité d'Edmond Fleg dominait ce stage insolite auquel il conférait sa naturelle et affectueuse distinction ; le jeune rabbin Samy Klein révélait aux participants la science juive ; Léo Cohn, plus "Léo-'hassidique" que jamais, maintenait la joie et la chaleur dans les offices et les moments de loisirs ; l'avocat Léonce Bernheim faisait connaître sa riche expérience de militant sioniste. Quant à Robert Gamzon, il avait simplement rajeuni. Déchargé pour un temps de ses responsabilités, de ses épuisantes fonctions habituelles, il faisait plaisir à voir dans sa tenue légère de scout en vacance, chantant, dansant, discutant, accourant aux réunions en plein air avec cet entrain juvénile qu'il communiquait à nous tous. C'est là qu'il fit une série d'exposés intitulés "Harmonie" où il démontrait l'unité et l'accord profonds de la foi et de la pensée juives.
Chaque matin on montait les couleurs nationales, comme avant la guerre. Le régime en vigueur ne nous était pourtant guère favorable et les "enfants prodigues" à qui nous devions ce stage, constituaient les premières victimes de cet "ordre nouveau". Ah, si le monde savait à quel point les Juifs, dans leur immense majorité, prennent au sérieux leur rôle de citoyens !"
Extraits de : Isaac Pougatch, Un bâtisseur : Robert Gamzon, Paris, édition Service Technique pour l'Éducation, 1972.
Contexte historique
Fils de David Haguenau, grand rabbin de la synagogue Nazareth à Paris (IIIe arrondissement) et de Régine Trénel, dernier enfant d’une fratrie de six, Marc Haguenau naît à Paris le 23 novembre 1904.
Ami d’enfance de Robert Gamzon alias Castor, fondateur des Éclaireurs israélites de France (EIF) en 1923, Marc Haguenau en devient le secrétaire général. Dès l’été 1940, à la demande de Gamzon, il part en prospection pour rechercher les fermes destinées aux groupes ruraux en formation. C’est lui qui trouve la ferme de Lautrec qui va abriter le centre névralgique des EIF jusqu’en 1944. Bras droit de Castor, chargé plus spécialement de l’organisation des camps en formation, il parvient à trouver du ravitaillement et de l’équipement, un tour de force à cette époque.
En 1942, Marc Haguenau participe à la création du Service social des jeunes dont il prend la direction. A partir de l’été 1942, ce service officiel sert de couverture à l’organisation clandestine que créent les EIF : la Sixième. Les grandes orientations de l’organisation clandestine sont la confection de fausses identités, la recherche de planques pour les jeunes et, parfois, leur passage clandestin en Suisse ou Espagne. Marc Haguenau est le seul responsable à faire partie à la fois de l’officiel service social des jeunes et de l’organisation clandestine qui en découle, la Sixième. Alors que les responsables de la Sixième, Ninon Haït et Henri Wahl, évitent les institutions juives pour ne pas se faire repérer, Marc Haguenau continue à courir les bureaux officiels où il obtient souvent de précieux renseignements. Pour diminuer les risques en répartissant les papiers compromettants entre deux personnes, il prend une secrétaire, Edith Pulver.
Début 1944, Marc Haguenau se voit confier une nouvelle mission : constituer un maquis à Cazaubon (Gers) composé d’une trentaine de jeunes.
Le 18 février 1944, Marc Haguenau et Edith Pulver arrivent à Grenoble où ils doivent, entre autres, relever le courrier destiné à la Sixième. La Gestapo les attendait au bureau central des PTT où elle avait tendu une souricière. Edith et Marc sont arrêtés et emmenés à l’hôtel Suisse et Bordeaux qui servait de quartier général à la Gestapo. Torturé, pour échapper à l’interrogatoire, il tente de s’évader à l’aide de draps de son lit par une fenêtre du cinquième étage mais chute violemment sur la véranda de l’hôtel. Victime d’une fracture du crâne, il est transporté à l’hôpital civil de La Tronche (Isère) où il meurt le 20 février 1944 à 10h30. Edith Pulver, quant à elle, est envoyée à Drancy puis déportée le 7 mars 1944 à Auschwitz d’où elle ne reviendra pas.
Lorsque Robert Gamzon prend le commandement de la 2e Compagnie des maquis EIF de Vabre (Tarn), il la baptise Compagnie Marc-Haguenau en souvenir de son ami.
La médaille de la Résistance française lui est décernée à titre posthume par décret du 24 avril 1946. Le 14 janvier 1948, il est nommé chevalier de la légion d’honneur à titre posthume avec attribution de la croix de guerre 1939-1945 avec palme.
Auteur : Fabrice Bourrée
Sources et bibliographie :
Archives Yad Vashem.
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16P 283 407.
Ordre de la Libération, commission nationale de la médaille de la Résistance française.
Archives départementales du Rhône, 3808W406.
"HAGUENAU Marc" par Annie Pennetier, Jean-Luc Marquer, version mise en ligne le 5 novembre 2014, dernière modification le 26 avril 2021.