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Gleb Sivirine

Légende :

Photographie d'identité de Gleb Sivirine extraite de son attestation d'identité militaire (voir verso) délivrée le 15 novembre 1939

Genre : Image

Type : Photographie d'identité

Source : © Collection privée Claude Roddier Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Date document : 15 novembre 1939

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var

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Analyse média

Pendant 185 jours, du 26 février au 29 août 1944, il tient un journal qui nous permet de mieux comprendre le quotidien de son groupe. Il décrit notamment les liens qui se nouent avec la population locale, dont l’aide est primordiale pour les maquisards (hébergement, ravitaillement), obligés de changer constamment d’abris et de parcourir de très longues distances à pied :

« A 6h enfin, on arrivait au terme de la première étape chez un berger très chic qui nous a offert le vin et le lait et nous a vendu un mouton à 50 F le kilo de viande. Quand on pense qu’il vend le même kilo à 220 F à Draguignan ! Coucher dans la paille, un peu serrés, mais personne n’a rouspété contre cela tellement ils étaient tous fatigués. »

Au fil de son récit, on comprend également la lassitude qui s’installe au sein du maquis face à l’attente du débarquement et du passage à l’action. L’enthousiasme exprimé le vendredi 7 avril 1944 au 45e jour de maquis cède le pas à la lassitude le jeudi 1er juin au 102e jour de maquis :

« Mes groupes font de l’instruction à outrance. Depuis que j’ai entendu à la T.S.F. que les chemins de fer britanniques seraient interdits aux voyageurs à partir de samedi, j’espère de plus en plus au débarquement proche. Et c’est la fièvre des préparatifs de dernière heure. Quelle désillusion si, une fois de plus, l’attente se révèle vaine ! » / « Voici dépassés mes 100 jours de maquis et toujours rien de précis à l’horizon. Depuis qu’on attend on finit par être quelquefois complètement à plat et lassé de tout. »

Il évoque notamment la perte de plusieurs de ses hommes tués par les Allemands ou par la Milice. Ainsi, le samedi 17 juin 1944 au 118e jour de maquis, trois maquisards partis au ravitaillement tombent dans une embuscade tendue par des miliciens :

« Ernest a été tué par une balle en pleine figure et Duchâtel après avoir épuisé les munitions de son revolver s’est fait tuer au garde à vous. Les miliciens ont laissa les corps dehors au soleil toute la journée avec un écriteau portant : « C’est ainsi que meurent les traîtres de la France ». Et on veut qu’il n’y ait pas de haine entre Français ! ».

Il raconte également plusieurs épisodes au cours desquels il doit exercer une violence punitive, par exemple, envers deux prisonnières ayant collaboré avec la Gestapo et finalement exécuté après une tentative d’évasion le samedi 22 juin 1944, au 123e jour de maquis : « J’ai formé les pelotons d’exécution […] puis mis tout le monde en place, à qui j’ai rappelé en deux mots que ce que nous faisons n’était pas une œuvre de vengeance mais uniquement de justice et que je voulais une tenue impeccable et digne de la part de tous. »

En guise de conclusion à son journal, il écrit le vendredi 22 septembre 1944 :

« La chose qui m’a été le plus extraordinaire en reprenant une existence somme toute normale, c’est de pouvoir marché « librement dehors ». Ces 6 mois de maquis ont laissé pendant un moment une empreinte profonde et sûrement la grande majorité des gens ne se rendra pas compte de ce qui nous fut le plus dur dans cette vie du maquis. Le froid, le manque de confort, les marches pénibles n’ont rien été à côté de cette impression d’insécurité constante, de sensation de bête traquée. Et surtout pour le responsable de 70 à 80 vies qui dépendent entièrement de la manière dont vous prenez les précautions et dont vous décidez les déplacements ou les décrochages. Le danger de la guerre n’est rien en comparaison de cette tension continue et sans répit, - sans le repos que constitue pour le soldat régulier la détente qu’il éprouve de se sentir en sécurité au cantonnement. Et c’est cela par dessus tout qui fut pénible, profondément dur dans notre vie. ».


Extraits tirés de Gleb Sivirine, Le cahier rouge du maquis, Parole Editions, 2007.

Contexte historique

Gleb Sivirine est né en 1910 à Odessa, qu'il quitte avec ses parents, fuyant la guerre civile pour arriver en France, à Marseille, en 1920. Ingénieur aux Aciéries du Nord, il est, par la suite, employé au préventorium de Porquerolles. Après avoir participé à la campagne des Alpes en 1940, il entre dans un réseau de Résistance de la France Combattante, puis prend la tête d'un maquis au Plan-de-Canjuers, formé en novembre 1943 dans la principale zone de maquis du département du Var. Le groupe qu’il commande ne va cesser de s’étoffer : les effectifs doublent entre février et juin, atteignant alors une quarantaine d’hommes, et près d’une centaine après le débarquement en Normandie. Pourchassé par les Allemands, les maquisards doivent sans cesse changer d'emplacements. Recevant des instructions souvent contradictoires, ils entreprennent quelques actions (embuscades, évasion, patrouille) avant de descendre vers les côtes pour appuyer le débarquement allié en Provence. Ils traversent alors à pied, souvent de nuit, tout le département, soit 110 km à pied en 4 jours. Le 15 août, à Collobrières, ils aident les résistants locaux à préparer l'arrivée de l'avant-garde des Américains puis accompagnent les troupes françaises vers Toulon. Les hommes du lieutenant Vallier sont ensuite chargés du contrôle de la presqu'île de Giens. Officier d'artillerie dans la 1ère Division Française libre participant aux combats de la poche de Royan, d'Alsace et à la bataille de l'Authion au-dessus de Nice, Gleb Sivirine reçoit le 3 août 1946, la Médaille de la Résistance avec rosette. 


D’après Jean-Marie Guillon, « Le maquis Vallier, 10 mois de résistance dans le Haut-Var », in Sivirine, L’homme boussole, Parole éditions, 2007.