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Analyse média

Le maquis cherche à s'équiper d'uniformes semblables à ceux de l'armée de 1939. Au nombre de 500, ils furent confectionnés à partir du mois d'avril 1944 par des tailleurs juifs réfugiés à Vabre et aux environs, avec des tissus réquisitionnés dans les entreprises locales. Les chaussures provenaient des divers dépôts des organisations de jeunesse de Vichy. 

"Dès le 6 juin, nous commençons à faire des brassards à Croix de Lorraine qui seront distribués au fur et à mesure des besoins. Les Croix de Lorraine sont dessinés au pochoir puis découpés dans la doublure rouge de vieux rideaux. Nous en faisons plusieurs centaines ; dès qu'il y a alerte, il faut les cacher au même titre que des armes ou des fausses cartes ; comme elles sont faites en tissu léger, elles volent partout et il y en a toujours quelques-unes qui traînent par terre. Les enfants de la maison, agés de 3 et 4 ans, les appellent les petits sapins" (Odile Paul-Roux - De la chouette au merle blanc).

Contexte historique

Vabre est un petit village de la montagne du Tarn, à l’Est du département, au Nord Est de Castres. Dissimulé au cœur d’une vallée entourée de denses forêts, ce village a toujours servi de refuge, tout au long de son histoire, et notamment aux protestants pourchassés pendant les guerres de religion, qui s’y trouvent nombreux pendant la guerre, cultivant leur esprit rebelle et l’accueil aux étrangers et juifs persécutés.

Le 9 mars 1943, six jeunes réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire) s'installent à La Courrégé. Ainsi naît le premier maquis de Vabre. Pendant l’été 1943, un deuxième maquis apparait à la Tourette (huit jeunes), et enfin en décembre 1943, les Eclaireurs Israélites de France (EIF), fondent le maquis de La Malquière (vieille ferme dans un hameau de la commune de Viane).

Ses membres sont, pour la plupart, issus du chantier rural de Lautrec, dissout par Vichy en 1943. Son chef, Robert Gamzon, capitaine Lagnès, et ses jeunes décident alors de prendre le maquis “pour ne plus être des lapins, mais des bêtes qui ont des griffes et des crocs” (R. Gamzon), et pour prendre part aux combats de la libération nationale, en tant que juifs français, fiers de leur identité. Pour les juifs étrangers, la motivation est aussi profonde : libérer la patrie des Droits de l’homme. La formation de ce premier maquis est un choix délibéré et réfléchi, les cadres de la communauté juive disloquée souhaitent en effet conserver les EI groupés afin de ne pas perdre leur spécificité israélite. Le chef de ce petit groupe juif, Roger Cahen, dit lieutenant Roger, se charge d'accueillir les nouveaux venus.

Parallèlement à l’installation de ce premier maquis, des contacts sont pris avec les Monts de Lacaune où la résistance se structure, profitant de la protection accordée par la topographie accidentée et les forêts. Gamzon se rapproche de la Résistance locale bien implantée à Vabre, grâce aux efforts de “Pol Roux” (Guy de Rouville) et du capitaine Combes.

Le nombre croissant des maquisards provoque l’éclatement de ce maquis. Abandonnant la Malquière, une partie des EIF s'installe à La Roque, en mars 1944, dont la direction est confiée à Roger Cahen (lieutenant Roger) et à Gilbert Bloch (lieutenant Patrick). Une autre section prend place à Lacado (avril 1944) sous les ordres d’Adrien Gensburger (Sergent Adrien). 38 hommes s’entrainent dans ce maquis : 28 résistants juifs français et 10 résistants juifs étrangers (surtout d'Europe de l'Est). La majorité est très jeune et les plus âgés forment les cadres du maquis et se chargent de l'enseignement militaire. L’ensemble est placé sous le commandement de Robert Gamzon dit capitaine Lagnès.

Les EI ne sont pas des précurseurs en matière de maquis, même si l’on peut considérer que le chantier rural de Lautrec représentait une « pépinière de résistance » par les actions clandestines de sauvetage qui y étaient organisées. Ils s'intègrent à un mouvement préexistant, et Gamzon se rapproche de ces hommes qui sont déjà en liaison avec le BCRA, d'autant plus que le DMR, Bernard Schlumberger, vient s'installer à Vabre en avril-mai 1944. Pour être reconnus par tous comme résistants, recevoir les ordres de la France libre, et bénéficier des parachutages, ce maquis de Vabre s’intègre dans les Corps Francs de Libération du Tarn (printemps 1944), dépendants de l’Armée Secrète, placés à partir de juin 1944 sous l’autorité de Pierre Dunoyer de Segonzac, chef militaire de la Zone A. Il devient, en avril 1944, le dixième Corps Francs de la Libération du Tarn (CFL 10).

Cette intégration, nécessaire à la subsistance et au ravitaillement en armes du maquis, apporta honneur et fierté aux maquisards juifs, qui se voyaient ainsi reconnus par les non-juifs avec le droit de rester unis et de revendiquer leur identité juive.