Billet de banque AMGOT recto-verso
Légende :
Allied Military Government of Occupied Territories : gouvernement militaire d'occupation constitué par des officiers américano-britanniques chargés d'administrer les territoires libérés au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Genre : Image
Type : Objet
Source : © AERD Droits réservés
Détails techniques :
Dimensions 156 x 67 mm.
Date document : 1944
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme
Analyse média
Ce billet porte sur une face la valeur en chiffres et en lettres, un numéro, la mention « France » et l’indication « série de 1944 », sur l’autre face, le mot « France » au centre, entouré de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». D’autres billets avaient un format moins allongé et portaient un drapeau tricolore.
Il n’y a pas grande imagination dans la confection de ce billet, copié sur le dollar américain. Mais il est révélateur de l’intention plus ou moins cachée des Américains de profiter de leur arrivée et de leur puissance pour exercer une certaine tutelle sur les pays libérés, mais dénués de tout.
Auteurs : Robert Serre
Contexte historique
Se justifiant par la nécessité d’administrer rapidement les pays jusqu’alors occupés et maintenant libérés, nos alliés étatsuniens et britanniques créent un gouvernement militaire provisoire constitué avec des officiers de leur pays (1 500 pour la France) formés aux tâches de l'administration civile, l’AMGOT (l'Allied Military Government of Occupied Territories).
Leur mission est d’assurer la reprise de la vie du pays, dans tous les domaines (monnaie, transports, justice…). Nos maires, nos organismes départementaux, nos préfets allaient-ils être anglo-saxons ? Le pays allait-il passer d’une occupation à une autre ?
Si la plupart des pays européens acceptent cette tutelle, le Danemark et la France s’y opposent d’emblée. On sait les relations tendues entre les Américains de Roosevelt et De Gaulle. Le CNR (Conseil national de la Résistance) avait travaillé à fixer les bases de la future administration de la France. Le GPRF (Gouvernement provisoire de la République Française), s’oppose avec vigueur à cette installation, arguant du fait que ce gouvernement était parfaitement légitime. Dans ses Mémoires de guerre, De Gaulle évoque cette affaire : « Les troupes et les services qui s'apprêtent à débarquer sont munis d'une monnaie soi-disant française, fabriquée à l'étranger, que le Gouvernement de la République ne reconnaît absolument pas ».
Grâce à cette fermeté, l’entreprise avortera. Une seule des dispositions prévues connaît un embryon de mise en place : la monnaie. Les Américains fabriquent une série de pièces et de billets de banque, au format et à la couleur identiques à leur dollar, portant non pas « République française », mais la mention « France » entourée de la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité. Cette monnaie est dans les bagages lors du débarquement, en Normandie, le 6 juin 1944. Deux jours après, le Gouvernement provisoire de la République française adresse une sévère mise en garde aux deux gouvernements concernés, disant qu' « il ne reconnaît aucune valeur légale aux vignettes qui ont été mises en circulation sans son avis ». Les Normands en reçurent en dédommagement de terrains réquisitionnés ou comme salaire d’embauche par l’armée. Ils s’en débarrassèrent le plus vite possible, notamment pour payer leurs impôts.
Si la circulation et l’usage de ces « vignettes » ne durèrent que jusqu'à la fin août 1944, elles ne furent définitivement démonétisées qu’à la fin de 1947.
Quant aux officiers de l’AMGOT, ils ne purent jamais exercer leurs fonctions. Dans la Drôme, Pierre de Saint-Prix, préfet désigné par la Résistance, entre dans Valence avec les troupes résistantes libérant la ville et prend ses fonctions immédiatement. Tout l’encadrement administratif, malgré la pénurie de moyens, est mis en place rapidement.
Auteurs : Robert Serre
Sources : F. Marcot (sous la dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Coll. Bouquins, R. Laffont, 2006. J-L Crémieux Brilhac, La France Libre du 18 juin à la Libération, Gallimard, 1996. H. Amouroux, La grande histoire des Français sous l’occupation, R. Laffont, 10 tomes.