L'Université libre, n°1, novembre 1940
Légende :
L'Université libre n°1 de novembre 1940. La création de ce journal clandestin s'inscrit dans le cadre de l'action de propagande entreprise à l'automne 1940 par le Parti communiste et dirigée spécifiquement à l'attention des universitaires et des enseignants.
Type : Journal clandestin
Source : © Bibliothèque nationale de France. Gallica.bnf.fr Droits réservés
Détails techniques :
Journal dactylographié
Date document : Novembre 1940
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Contexte historique
La naissance de L'Université Libre s'inscrit dans le cadre de l'action de propagande entreprise à l'automne 1940 par le Parti communiste et dirigée spécifiquement à l'attention des universitaires et des enseignants. Georges Politzer, responsable de la direction des intellectuels au PC, professeur de philosophie au lycée Marcelin Berthelot, le physicien Jacques Solomon et Daniel Decourdemanche (Jacques Decour) professeur d'allemand au lycée Rollin font paraître, en novembre 1940, le premier numéro de L'Université Libre. Ce journal clandestin désire rallier l'ensemble des "intellectuels patriotes, sans exception de parti ni de conviction religieuse".
L'éditorial du premier numéro, dont l'identité du rédacteur diffère selon les sources, évoque l'arrestation de Paul Langevin, survenue le 30 octobre, ainsi que la manifestation lycéenne et étudiante du 11 novembre, sur les Champs-Élysées. Les articles des numéros suivants, jusqu'au début de 1941, appellent à la résistance contre l'occupant et contre le régime de Vichy, dénoncent la politique gouvernementale menée en direction de l'Université et, fait rare à cette période, la politique antisémite. En revanche, comme le précise Nicole Racine, "les rédacteurs de L'Université Libre se sont pliés aux impératifs de la nouvelle ligne du parti, en ne mettant pas en cause publiquement le régime de l'Allemagne nazie". Dans ce cadre, l'Union soviétique est largement célébrée par la publication clandestine, au moins jusqu'au printemps 1941, même si les thèmes développés par la propagande gaulliste ne sont pas absents des colonnes du journal.
Toutefois, cette première ligne éditoriale va rapidement évoluer et une place de plus en plus large est accordée à la dénonciation de la collaboration. De plus, au début de l'été 1941, L'Université Libre se rattache au mouvement Front national, dont le manifeste a été publié en mai et devient l'"Organe de la Section universitaire du Front national pour l'indépendance de la France". Au fil des mois et des années, les articles se diversifient. Ils contiennent aussi bien des informations générales sur la poursuite de la guerre que des réflexions sur les mesures qui touchent l'enseignement. Une large place est également accordée à la répression qui s'abat sur les universitaires : les arrestations, les condamnations, les exécutions font l'objet de nombreuses rubriques, ainsi qu'à la dénonciation des collaborateurs.
La naissance de L'Université Libre puis sa diffusion reposent, dans un premier temps, sur un réseau constitué majoritairement de professeurs communistes. Les liens amicaux et familiaux jouent aussi un rôle important ; les premiers numéros circulent rapidement au lycée Jules Ferry grâce à Jeanne Gaillard et Cécile Angrand, amies de Solomon. Il en va de même au lycée Fénelon où enseigne Luce Langevin, sa belle-sœur. Mais le recrutement s'élargit rapidement au-delà des petits cercles communistes. La participation des professeurs de lycée à la rédaction et à la diffusion de L'Université Libre reste très importante tout au long de l'occupation, même s'il est difficile de connaître précisément tous ceux qui rédigent des articles, des notes, font circuler le journal dans leur établissement et parmi leurs amis. Quelques noms se détachent pourtant tels ceux de André Adler, professeur de mathématiques à Condorcet, Maurice Husson, qui enseigne l'allemand à Pasteur, René Maublanc, professeur de philosophie à Henri IV, qui rejoignent le premier groupe de rédacteurs en 1941 et assurent la publication du journal après l'arrestation de Decour, Politzer et Solomon en février 1942, suivie de leur exécution au Mont Valérien les 23 et 30 mai. Les universitaires communistes ou proches du Parti ne restent pas en marge. Ainsi, Henri Wallon, Marcel Prenant ou Francis Cohen rédigent des articles pour le journal. De même les enseignants du primaire, à l'image de l'instituteur Paul Delanoue qui participe à l'équipe de direction de L'Université Libre à partir de l'automne 1943. L'existence clandestine de la publication se poursuit jusqu'en août 1944, en dépit des nombreuses arrestations opérées parmi ses rédacteurs, en particulier Husson et Adler en mars 1943. La diffusion ne cesse d'augmenter ; ainsi, d'après le témoignage de Jeanne Gaillard, qui hébergea Solomon et sa compagne, en novembre et décembre 1940, le tirage atteint, en 1942, "2, 3, 4.000 exemplaires même, pour les numéros spéciaux" et plus de 10.000 à la fin de 1943. L'Université Libre dans la prise de conscience et le développement de la résistance parmi les enseignants et le monde universitaire est incontestable. Si l'élaboration et la distribution du journal occupent quelques dizaines de personnes -les contingences liées à la clandestinité font qu'ils ne se connaissent pas nécessairement- un petit noyau de résistants se crée peu à peu autour et grâce à L'Université Libre. Bon nombre d'entre eux, à mesure du développement des structures de lutte contre l'occupant allemand et contre Vichy, participent ensuite à la naissance, à l'extension et aux actions du Front National Universitaire.
Notice extraite du DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
Auteur : Cécile Hochard
Sources et bibliographie :
Archives nationales, 72 AJ 57 (témoignage de Jeanne Gaillard, professeur au lycée Jules Ferry). Une collection presque complète de L'Université Libre peut être consultée à la Bibliothèque Nationale où les exemplaires clandestins ont été microfilmés (MFILM Fol R 727).
Nicole Racine, "L'Université Libre (novembre 1940-décembre 1941)" in Jean-Pierre Rioux, Antoine Prost, Jean-Pierre Azéma (sous la direction de), Les communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), Paris, PFNSP, 1987.
Pierre Favre, Jacques Decour. L'oublié des Lettres françaises, 1910-1942, Paris, Éditions Léo Scheer, 2002. Gisèle Sapiro, La guerre des écrivains, 1940-1953, Paris, Fayard, 1999.