Colère d'une commerçante niçoise devant les mesures prises par le ravitaillement général, 12 janvier 1945
Légende :
Une commerçante niçoise expose ses doléances à un responsable du ravitaillement général, 12 janvier 1945
Genre : Image
Type : conversation téléphonique retranscrite par les renseignements généraux
Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 149 W 117 Droits réservés
Date document : 12 janvier 1945
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Les renseignements généraux retranscrivent le vif échange entre une commerçante niçoise et un responsable du ravitaillement en janvier 1945. Le courroux de la commerçante est dû au fait que l'administration chargée du ravitaillement a décidé de réglementer plus strictement la vente du sucre afin que les détenteurs de ticket puissent toucher leurs rations et éviter que les commerçants ne vendent préalablement leurs stocks au marché noir. La commerçante considère que les mesures prises par l'administration ouvrent de faux espoirs aux consommateurs sans pour autant enrayer le marché noir et que ce sont les commerçants qui subissent le mécontentement et même l'agressivité de la clientèle frustrée. Pour elle, la réglementation provoque des troubles graves. En invoquant ses sentiments gaullistes, elle tente de montrer que les autorités commettent une faute politique. Le fonctionnaire, retranché derrière son téléphone, minimise la situation et se félicite d'améliorations dans le ravitaillement, ce qui exaspère son interlocutrice « vous êtes tous les mêmes à ce ravitaillement, pourvu que vous embêtiez les gens, le reste vous importe peu. ». Le dialogue montre le fossé qui existe entre l'administration et les administrés.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
Les nouvelles autorités mises en place à la Libération savent que le ravitaillement est un enjeu capital. Les populations croient que la fin de l'occupation mettra fin aux graves pénuries dont elles ont souffert pendant les années de guerre. Or la situation bien loin de s'améliorer se détériore : les approvisionnements extérieurs ne peuvent se faire faute de moyens de transport suffisants et la région n'est pas autosuffisante. Les autorités de la Libération essaient de réglementer le marché en imposant des procédures d'inscriptions préalables pour les détenteurs de tickets de rationnement. Dans leur esprit cela devrait enrayer le marché noir en empêchant les commerçants de vendre préalablement leurs produits. Le résultat n'est pas à la hauteur de leurs attentes car les pénuries sont telles qu'aucune mesure ne peut créer un approvisionnement suffisant. Commerçants et consommateurs s'affrontent mais se retrouvent pour juger très négativement l'administration en charge du ravitaillement (voir notice manifestation de ménagères). Les mesures de rationnement se poursuivent jusqu'en 1949.
Sylvie Orsoni
Sources
Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4. Paris, Syllepse, 2014