Cinq arrestations à Compiègne suite aux événements du 11 novembre 1940

Légende :

Fiche individuelle au nom de MEURILLON, collégien arrêté le 11novembre 1940 à Compiègne pour avoir déposé une gerbe devant le monument aux morts du collège.

Genre : Image

Type : Fiche

Source : © Archives nationales F17 / 13389 /3 Droits réservés

Détails techniques :

Fiche manuscrite

Date document : Novembre 1940

Lieu : France - Hauts-de-France (Picardie) - Oise - Compiègne

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Analyse média

C’est aux Archives nationales, dans la série F 17, donc du ministère de l’Education nationale, que l’on retrouve le nom des auteurs du 11 novembre compiégnois. Un fichier conserve en effet toutes les personnes qui ont été arrêtées sous l’Occupation et qui étaient sous la responsabilité du ministère. Les fiches apportent peu d’informations. On y trouve le nom, le prénom, la date, la fonction, le nom de l’établissement et l’académie, la date d’arrestation, le nombre de jours en prison et la date de sortie de celle-ci, et enfin le motif de l’arrestation.

Quatre d’entre-elles concernent des Compiégnois [voir album lié]. La première, présentée ici, est celle concernant Charles Meurillon. Sa fiche indique qu’il est « élève en classe de mathématiques à Compiègne (Académie de Paris) », qu’il a été arrêté le 11 novembre 1940 et relâché le 2 décembre 1940. Il a été arrêté pour le motif suivant : « a déposé une gerbe devant le monument aux morts du collège ». C’est le seul élève placé en prison pour une action ayant eu lieu le 11 novembre au sein du collège.

Les trois autres élèves sont : Daniel Boulanger, élève en classe de philosophie, arrêté le même jour et relâché 20 jours après; Jean-Baptiste Daelman, élève en classe de philosophie, arrêté le même jour et relâché le 10 décembre 1940 et enfin Jean Devisme, élève en classe de mathématiques, arrêté le même jour et relâché à la fin du mois de novembre 1940. Ces trois élèves n’ont pas été sanctionnés pour le dépôt de gerbe dans la Cour d’honneur du collège mais « pour lacération d’affichage ».

Quant au principal, Maurice Laurent, on apprend qu’il a été arrêté le 11 novembre 1940 et relâché quelques jours plus tard pour le motif suivant : « a toléré une manifestation devant le monument aux morts » du collège. Nous savons que Maurice Laurent a été muté vers un autre établissement de façon autoritaire et qu’il avait été jugé responsable des agissements des élèves dans son établissement.


Eric Dancoisne

Contexte historique

La commémoration du 11 novembre à Compiègne

Les faits sont connus et bien établis. Des sources officielles gardent en effet la trace de la « manifestation » compiégnoise, au demeurant bien modeste par rapport aux événements parisiens. Le collège de Compiègne ne fut pas le seul à se distinguer dans le département en ce jour d’armistice puisque d’après nos sources, le lycée de Beauvais a connu une action similaire sans que nous sachions le détail de la commémoration dans cet établissement scolaire.

Ainsi dans le rapport du préfet Paul Vacquier adressé au secrétaire d’Etat à l’Intérieur daté du 15 novembre 1940, on lit la mention suivante : « Trois élèves du collège de Compiègne ont été arrêtés par la gendarmerie allemande pour avoir collé des étiquettes en faveur du mouvement de Gaulle sur des affiches allemandes préalablement lacérées ». Cependant, il ne fait pas mention du dépôt de gerbe réalisé par une dizaine de collégiens dans la cour d’honneur du collège de Compiègne le 11 novembre 1940. Pour cela, il faut lire le rapport du sous-préfet de Compiègne Albert Guérineau, daté du 19 novembre 1940 pour en savoir plus : « Incidents du 11 novembre 1940. J’ai eu l’occasion de vous tenir au courant de cette question. Les parents d’élèves et les professeurs du collège continuent à prendre la garde chaque nuit de 18 heures à 8 heures du matin. Le principal a été relâché, mais les trois élèves sont toujours détenus. (…) ».

Un document produit par le sous-préfet Guérineau daté du 22 novembre 1940 adressé au préfet Paul Vacquier nous permet de connaître les acteurs de cette journée commémorative. Nous apprenons que trois élèves sur quatre sont emprisonnés: Daëlmann (sic), Boulanger et Devismes. Le quatrième, Meurillon, qui vient d’être libéré de prison, est l’auteur du dépôt de la gerbe au monument aux morts du collège.

Charles Meurillon, Daniel Boulanger, Jean-Baptiste Daelman, Jean De Visme furent d’abord exclus du collège de Compiègne à la suite d’un conseil de discipline qui décida de les renvoyer. Le recteur de l’Académie de Paris suivit la décision du Conseil de discipline dans un premier temps puis revint sur sa décision en permettant aux élèves de poursuivre leur année scolaire. Ils bénéficièrent d’une mesure de clémence car ils étaient tous dans l’année préparant au baccalauréat. On peut penser que ces élèves, issus des milieux installés de la ville, ont pu obtenir quelque appui important. Le colonel Guy Disant qui a produit un témoignage sur les événements compiégnois du 11 novembre note que le président de l’association des anciens élèves du lycée, Gaston Délie, cadre au sein du ministère des PTT serait intervenu en faveur des élèves auprès de Jérôme Carcopino, son ami, nommé provisoirement le 13 novembre recteur de l’Académie de Paris en remplacement de Gustave Roussy et bientôt ministre de l’Education nationale (il est nommé à ce poste le 24 février 1941). Ainsi, cela explique la mention du préfet Vacquier dans son rapport mensuel daté du 31 décembre 1940, précisant qu’après l’exclusion décidée par le conseil de discipline, les élèves du collège de Compiègne ont bénéficié d’ « une mesure d’apaisement » prise par le recteur Carcopino et qu’ils pouvaient ainsi reprendre leurs études dès la rentrée de janvier. Comme l’avait déjà noté l’inspecteur d’Académie dans son rapport daté du 23 décembre 1940 et adressé au préfet Vacquier, « L’ordre règne au Collège de Compiègne ». Les jeunes avaient semble-t-il compris la leçon et le principal avait été remplacé provisoirement par un professeur du collège, monsieur Lallemant, en attendant l’arrivée d’un nouveau principal, monsieur Martin. Notons par ailleurs que des rondes avaient été organisées à la demande des Allemands pour circuler dans la ville afin de faire cesser l’arrachage de leurs affiches. Des hommes avaient été réquisitionnés pour cela. C’était anticiper de nouveaux actes de résistance.


Extrait de : Eric Dancoisne, « Résister au début de l’Occupation : l’exemple des élèves du collège de Compiègne le 11 novembre 1940 », Actes du colloque Du collège de Compiègne au lycée Pierre d’Ailly (1571-2011), 14 et 15 janvier 2011, Société historique de Compiègne, mars 2013, pp.338-351.

Sources citées dans l'article :

Archives Nationales, rapports du préfet de l’Oise Paul Vacquier, juin 1940-octobre 1942, F/1CIII/1176. Rapport du 30 novembre 1940 adressé au secrétaire d’Etat au Ministère de l’Intérieur.

Archives départementales de l’Oise, 1232W306, rapports du sous-préfet de Compiègne adressés au préfet de l’Oise, rapport du 19 novembre 1940.
Archives départementales de l’Oise, 1232W259

Guy Disant, « Témoignage d’un collégien compiégnois pendant la Guerre (1939-1945) », Bulletin de la Société Historique de Compiègne, Tome 36, 1999, p 319