"Aux Juifs de Marseille"

Légende :

Tract non daté de la section des Bouches-du-Rhône de l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE) à la veille de l'insurrection marseillaise. Par ce tract, l'UJRE appelle tous les Juifs de Marseille à se joindre au combat pour la libération de la ville.

Genre : Image

Type : Tract

Source : © Mémorial de la Shoah, T7-G-18 Droits réservés

Détails techniques :

Tract dactylographié

Date document : Entre le 15 et le 19 août 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Ce tract non daté est postérieur au débarquement des Alliés en Provence (15 août 1944) et antérieur au début de l'insurrection marseillaise (19 août 1944). Il émane de l'UJRE dont la section des Bouches-du-Rhône est créée au printemps 1943.

On y retrouve les thèmes récurrents des publications de la résistance juive communiste :
- Les armées alliées et de la France libre mènent des offensives victorieuses contre les armées allemandes en pleine débacle.
- Tous les Juifs, quelque soit leur origine, leur âge, leur sexe, sont voués par les nazis à l'extermination dans les camps de la mort polonais. Les chambres à gaz sont explicitement mentionnées. Les distinctions entre juifs français et immigrés n'ont pas de sens face à la volonté exterminatrice des nazis et de leurs auxiliaires.
- Le salut pour les Juifs encore en vie est dans le combat et l'unité. Ils doivent se tenir aux côtés des Français que le tract présente comme unanimement résistants, mobilisés dans les rangs des FFI et reconnaissant la légitimité du général de Gaulle comme chef du Gouvernement provisoire de la République française.
- La participation massive des Juifs aux combats de la Libération conditionne leur avenir. A plusieurs reprises, le texte insiste sur le fait que l'égalité de droits avec les Français non juifs doit se gagner les armes à la main. On peut mesurer combien la législation antisémite et xénophobe de Vichy a marqué : dans la France libérée, le rétablissement des principes républicains pourrait ne pas s'appliquer automatiquement aux Juifs.
- Le châtiment des persécuteurs sans trop de précautions juridiques est annoncé : "Le jour de la libération et du règlement de compte est proche, est imminent".

Le tract se termine par un appel enflammé à rejoindre les rangs de l'UJRE qui incarne seule le combat unitaire des Juifs aux côtés du peuple français. Le document passe délibérément sous silence le fait que de nombreux Juifs, au premier rang desquels Jean Pierre Lévy dirigeant de Franc-Tireur, ou Raymond Aubrac futur commissaire de la République à Marseille, ont rejoint mouvements et réseaux de résistance sans éprouver le besoin de se retrouver dans une organisation spécifique.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources
David Diamant, Les Juifs dans la résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Paris, Roger Maria Éditeur, 1971.
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières 4, Paris, éditions Syllepse, 2014.
Jacques Ravine, La résistance organisée des juifs en France 1940-1944, Paris, Julliard, 1973.

Contexte historique

Le 15 août 1944, des milliers de soldats américains, britanniques et français débarquent sur le littoral varois entre Cavalaire et le golfe de Saint-Tropez. L'opération Anvil puis Dragoon menée sous la direction du général Patch, commandant la 7e armée américaine est un franc succès. La progression à l'intérieur de la Provence est plus rapide que prévue. La résistance provençale sur le pied de guerre depuis le débarquement de Normandie multiplie les opérations de harcèlement des troupes allemandes. L' UJRE créée au printemps 1943 à l'initiative du parti communiste mobilise ses groupes de combat et poursuit sa propagande en faveur d'une résistance juive unitaire sous son égide. L'UJRE veut être reconnue par le CNR, le GPRF et les autorités locales qui en découlent comme seule représentante de la résistance juive.

La section marseillaise créée également au printemps 1943 ne se distingue des FTP-MOI que pour les actions en direction des Juifs comme ce tract appelant à la lutte au moment où l'insurrection de Marseille est imminente. Lorsque le tract est rédigé, les membres de l'UJRE se sont fondus comme les FTP-MOI dans les Milices patriotiques regroupés avec les groupes de combat des autres mouvements et réseaux dans les FFI. Les groupes juifs de combat, UJRE ou FTP-MOI participent largement aux combats de la libération dans les différents quartiers de Marseille.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources
David Diamant, Les Juifs dans la résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Paris, Roger Maria Éditeur, 1971.
Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières. 4, Paris, éditions Syllepse, 2014.
Jacques Ravine, La résistance organisée des juifs en France 1940-1944, Paris, Julliard, 1973.