André Schwarz-Bart
Légende :
Carte de membre du Groupement national des réfractaires et maquisards (section du XIVe arrondissement de Paris) délivrée le 20 juin 1945 à André Schwarz-Bart.
Genre : Image
Type : Document
Source : © Collection Francine Kaufman Droits réservés
Détails techniques :
Photocopie numérisée
Date document : Juin 1945
Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris
Contexte historique
André Schwarz-Bart est né le 23 mai 1928 dans le quartier juif de Metz, sous le nom d’Abraham Szwarcbart. La famille parle le yiddish. Son père Uszer, ancien élève rabbin immigré récent de Pologne, est marchand forain. Sa mère Luise née en Suisse dans une famille d’origine polonaise, appartient à une petite bourgeoisie commerçante. Second d’une famille nombreuse, il aide son père sur les marchés quand il n’est pas à l’école. Puis la guerre arrive. Les Alsaciens-Lorrains sont forcés d’évacuer la région. En avril 1940, la famille Szwarcbart se réfugie à Oléron puis est assignée à résidence, comme juive, à St Paul de Lizonne près d'Angoulême (Charente) en février 1941. André y entame à Sillac une formation d’ajusteur.
L’année 1942 marque un tournant. Entre février et juillet, Uszer puis Luise, ses parents, son frère aîné Jakob, le nourrisson Bernard âgé de 5 mois, et Hannah, une grand-tante maternelle de 84 ans, sont tour à tour arrêtés. Tous finiront déportés et gazés à Auschwitz. A quatorze ans, André se retrouve seul avec ses trois petits frères, Armand, Félix et Léon, dont le plus jeune a 7 ans. Il travaille dans des fermes tandis que Marthe, sa petite sœur de 4 ans, arrêtée mais non déportée, est internée à Angoulême. En janvier 1943, les quatre frères sont arrêtés et acheminés vers Paris par la gendarmerie française dans un convoi d’enfants où un rabbin, l’aumônier Elie Bloch, les escorte et veille sur eux. Ils sont internés dans le centre Lamarck de l’Union générale des israéites de FRance (UGIF), mais André est placé dans une école de l’ORT surveillée elle aussi par les Allemands. Il y poursuit son apprentissage d’ajusteur.
En octobre 1943, André noue des contacts avec la Résistance et s’engage dans les FTP juifs de Paris. En janvier 1944, il réussit à faire évader ses frères, puis sa jeune sœur placée dans une maison de l’UGIF à Louveciennes, et à les remettre à sa tante à Lyon. Il rejoint alors Limoges et poursuit ses activités de résistance sous le nom de Jacqui, en hommage à Jacques (Jakob), son frère déporté, ou d'André Schabart. Mais il est arrêté par la Milice lors d’une rafle le 29 mai. Portant des armes et des tracts, il est interné au Petit Séminaire de Limoges où il est torturé. Il s’évade le 16 août en passant par la fenêtre des WC et rejoint son unité FFI dans le maquis. Il participe à la libération de Limoges puis s’engage dans une unité juive de l’armée de la France libre, la compagnie "Julien Zerman". Il y fait la connaissance d’un Juif allemand installé à Limoges à l’âge de 16 ans, Erni Lévy, de neuf ans son aîné. Comme André, il est ancien élève de l’ORT et membre de la jeunesse juive, l’UJR. Tous deux patrouillent le long des lignes de voies ferrées pour s’assurer qu’elles ne sont pas minées. Erni raconte à son compagnon comment sa fiancée, Rosette, a été arrêtée et emprisonnée à Limoges en février 1944, puis déportée à partir de Drancy. Quand il écrira Le Dernier des Justes, André Schwarz-Bart choisira le nom d’Erni Lévy, son compagnon d’origine allemande, fils de rabbin, pour nommer son héros. L’histoire d’amour de son ami, à l’ombre de la déportation deviendra le récit de la rencontre d’Ernie (avec un e) Lévy et de Frida, la Golda du roman.
Bientôt, André comprend qu’on n’enverra pas son bataillon sur le front, et il se fait muter dans une autre compagnie juive, la compagnie "Marcel Rayman" (du nom d’un fusillé de l’Affiche rouge), stationnée à Coulommiers, en partance pour l’Alsace. Mais là encore il constate que l’on n’envoie pas d’unité juive au front. Il déserte, fait régulariser sa situation militaire, est mobilisé le 15 février 1945 au 38e régiment d’infanterie. Il participe aux combats de La Rochelle, de Royan, de la Pointe de Grave comme fusilier mitrailleur.
Quand les déportés commencent à revenir, il demande sa démobilisation pour pouvoir attendre sa famille à l’hôtel Lutetia, à Paris. Il avait maquillé sa carte d’identité et s’était vieilli de deux ans pour être admis comme combattant. On le démobilise à cause de son jeûne âge le 12 mai 1945, quelques jours avant ses 17 ans. Mais sa famille ne reviendra pas et André reste à Paris. Il fait mille petits boulots, et demande une bourse d’ancien combattant pour préparer seul et passer son bac en externe, en 1948. Puis il entame des études à la Sorbonne tout en travaillant notamment dans une usine de tracteurs, un atelier de tailleur, ou en tant que secrétaire puis moniteur dans l’orphelinat juif de Montmorency où se trouvent ses frères. Dès 1950, il commence à écrire et en 1959, son roman Le Dernier des Justes obtient le prix Goncourt et rencontre un large public, en France et l'étranger. Par la suite André Schwarz-Bart publie encore deux romans de son vivant : Un plat de porc aux bananes vertes (1967), cosigné avec sa femme Simone. Puis La Mulâtresse solitude (1972). A partir de 1974, il s'installe en Guadeloupe et compose avec sa femme un Hommage à la femme noire (1988-1989), encyclopédie en six tomes. Il meurt le 30 septembre 2006 à Pointe-à-Pitre.
Auteur : Francine Kaufmann, professeur des universités, retraitée de l’université Bar-Ilan, Israël
Sources et bibliographie :
Archives personnelles d’André Schwarz-Bart consultées à Goyave, Guadeloupe.
Archives personnelles de Francine Kaufmann à Jérusalem (dont lettre André Schwarz-Bart à Francine Kaufmann, le 30 juillet 1975, p.2 et 3).
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16P 559818, André, Abraham SZWARCBART.
Francine Kaufmann, "Nouveau regard sur la genèse du Dernier des Justes", Continents manuscrits [En ligne], 16 | 2021, mis en ligne le 15 avril 2021, consulté le 29 septembre 2021.
Simone Schwarz-Bart et Yann Plougastel, Nous n'avons pas vu passer les jours, Paris, Grasset, 2019, p. 73-77.