Gilbert Bloch

Légende :

Gilbert Bloch à Lautrec en 1943

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah, Paris (France) Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 1943

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Tarn - Lautrec

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Contexte historique

Né à Paris le 28 avril 1920 dans une famille juive plutôt assimilée, Gilbert Bloch est admis à l’Ecole Polytechnique en septembre 1939 dans la même promotion que Serge Asher (qui deviendra le colonel Ravanel). Nommé sous-lieutenant le 20 mars 1940, il est dirigé sur l’Ecole d’application d’artillerie. Le 22 novembre 1940, il est contraint de démissionner de son grade afin de pouvoir réintégrer Polytechnique. Un arrêté ministériel du 15 janvier 1941 confirme sa démission. Gilbert Bloch cesse dès lors de faire partie des cadres de l’Armée d’active. Un nouvel arrêté du 30 juin 1941 annule celui du 15 janvier et autorise Gilbert Bloch à reprendre sa scolarité à Polytechnique. Mais ce nouvel arrêté vient en application du statut des Juifs du 2 juin 1941 qui empêche à nouveau Gilbert Bloch de réintégrer l’Armée.
Le titre d’ingénieur diplômé de l’Ecole Polytechnique lui est délivré le 21 août 1942. Entre août 1942 et février 1943, Gilbert Bloch est affecté à un poste de commandement au sein d’un Chantier de jeunesse jusqu’à ce que les lois antijuives de l’Etat français l’excluent de toute fonction de ce type.

En novembre 1942, Gilbert Bloch rejoint les Eclaireurs israélites de France (EIF) dans la ferme-école de Lautrec, dirigée par Robert Gamzon. Leo Cohn, un des grands leaders des Éclaireurs israélites de France, le prend sous son aile et lui apprend l’hébreu. Gilbert renoue ainsi avec ses racines juives quelques peu délaissées avant-guerre. Le 15 janvier 1943, Robert Gamzon le nomme chef du chantier rural de Lautrec.

Lorsque la dissolution du chantier rural de Lautrec est actée en 1943, Bloch décide de prendre le maquis avec ses camarades EI et rejoint le maquis de Vabre. Il y intègre la compagnie dite juive, baptisée Marc Haguenau en souvenir d’un des chefs éclaireurs qui s'est suicidé après son arrestation par les Allemands en février 1944. Sous le nom de "Lieutenant Patrick", il dirige la compagnie, laissant ainsi Gamzon plus libre de coordonner l’action des EI avec les autres maquis de la région.

Gilbert Bloch est, entre autre, chargé de la réception des parachutages provenant de Londres et armant les maquis. C’est au cours d’une de ces opérations de parachutage qu’il est tué par les Allemands. Le 8 août 1944, lors d’un parachutage près de Viane, sur le terrain Virgule, une colonne blindée allemande attaque les maquisards. Hubert Beuve-Méry, témoin de ces attaques a ainsi rédigé leur récit : "Les Allemands se ruèrent sur l’un des cantonnements de la compagnie juive. Le combat fut violent mais court, car la plupart des hommes étaient au parachutage. On retrouva le cadavre de Gilbert Bloch crispé dans la position du tireur couché. Les blessés avaient été achevés sur place et le camp livré aux flammes". Jean-Paul Nathan, résistant EI, qui avait participé aux recherches pour retrouver Gilbert Bloch après l’attaque a lui aussi témoigné du choc qu’avait représenté la découverte de son corps et de l’énorme perte spirituelle que représentait sa disparition pour ses camarades du maquis. Ce jour-là, la Compagnie Marc Haguenau est amputée de trois de ses éléments juifs, Gilbert Bloch, Rodolphe Horwitz et Roger Gotschaux ainsi que d’autres résistants de la région. Après lui avoir rendu les honneurs militaires, les habitants de Vabre organisent une cérémonie et il repose toujours aujourd’hui au cimetière de Viane.

Le chef du maquis de Vabre, Guy de Rouville, alias Pol Roux, n’a jamais oublié la figure exceptionnelle de ce jeune résistant. Il lisait régulièrement un de ses écrits lors des commémorations du Maquis de Vabre, soulignant les qualités morales et spirituelles du jeune polytechnicien mort pour la France. On retrouve dans les pensées du jeune Gilbert Bloch les dimensions liant l’honneur, le devoir et l’engagement mais aussi le gout de la simplicité et de la foi qui liait les Eclaireurs israélites car la réflexion prend ici la forme d’une prière. Or nous savons que dans ce maquis EI, dans cette Compagnie Marc Haguenau, les rites religieux prenaient leur place dès que les obligations du combat cessaient. A travers ces paroles, Gilbert Bloch manifeste non seulement sa joie de vivre malgré le contexte difficile des combats contre l’occupant mais aussi le bonheur simple d’être un homme droit :
"- Que notre franchise de garçon devienne loyauté d’homme
- Que notre gaieté de garçon devienne joie d’homme
- Que notre pureté de garçon devienne noblesse d’homme
- Nous étions généreux, il faut apprendre à nous donner
- Notre âme s’ouvrait à la fin, il faut qu’elle s’engage
- Évite-nous, Seigneur, de devenir secs, parce que nous devenons durs
- Garde à notre cœur sa fraîcheur, que le soleil qui se lève et le chant des oiseaux restent toujours pour nous, une source de joie".

Homologué à titre posthume au grade de sous-lieutenant, Gilbert Bloch se voit décerner toujours à titre posthume la médaille de la Résistance française par décret du 25 avril 1946.
Un décret du 4 février 1946 annule les conséquences du décret du 2 juin 1941 portant statut des Juifs et réintègre Gilbert Bloch dans les cadres de l’Armée sans interruption de services jusqu’à son décès survenu le 8 août 1944 et le promeut au grade de lieutenant dans l’Arme de l’Artillerie.

En hommage à son compagnon de lutte, Robert Gamzon baptisa "Ecole Gilbert Bloch" l’école des cadres indispensable à la formation de ceux qui devaient reconstruire le judaïsme de France après la guerre.


Auteurs : Valérie Pietravalle et Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes, GR 16 P 64 895 (dossier d'homologation des services dans la Résistance) ; GR 8YE 96342 (dossier individiduel d'officier).
Archives Yad Vashem
Valérie Ermosilla (Pietravalle), "La résistance juive dans le Tarn", in Le Monde juif, n°152, septembre – octobre 1994
Valérie Ermosilla (Pietravalle), La Résistance juive dans le Tarn 1939-1944, réalités et représentations, mémoire de maîtrise sous la direction de Pierre Laborie et Jean Estèbe, Université Toulouse Le Mirail, 1987.
Hubert Beuve-Méry, "La guerre des Juifs", Temps Présent, octobre 1944.
Site de l’Amicale des Maquis de Vabre.