Peinture murale à la mairie de Piègon

Légende :

Elle se situe dans la salle du Conseil municipal de la mairie.

Genre : Image

Type : Peinture murale

Producteur : cliché Alain Coutaury

Source : © Municipalité de Piégon, oeuvres Jean Lhuer Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur.

Date document : 2006

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Piégon

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Analyse média

Dans la salle du Conseil municipal de la mairie de Piégon, le mur latéral, aveugle, est couvert, en grande partie, par un diptyque que l'on peut intituler les drapeaux. Comme les peintures murales du mur qui fait face à l'entrée de la salle, l'auteur de cette œuvre est Jean Lhuer (1910-1991).

Artiste et décorateur de bijoux, il quitte Paris pour fuir le STO et se réfugie à Saint-Restitut. Le 7 juin 1944, il est incorporé à la 8e compagnie AS du lieutenant Rigaud (« Georges »). Il participe aux actions de la Résistance, notamment à la tragique affaire de Taulignan, le 12 juin 1944. Il s'installe à Piégon où il se marie. C'est donc un résistant qui imagine, réfléchit et traduit sa vision de 1945 par des peintures dans un lieu public, la salle de réunion du Conseil municipal de la modeste commune de Piégon. Elles datent de 1945, donc on peut les définir comme une composition de circonstance. Le problème technique et politique de la conservation d'un tel document se pose. Combien de communes françaises de l'importance de Piégon (moins de 300 habitants) ont un tel document historique ? Peut-on envisager et espérer une connaissance et une diffusion de ces œuvres qui ne sont, actuellement, connues que confidentiellement ?


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

Séparant les deux parties, Marianne et le sigle RF symbolisent la République française. Un sous-verre recèle plusieurs lettres décrivant, en partie, l'histoire des peintures.

La peinture de gauche représente des drapeaux français. Ils flottent de droite à gauche, sens peu habituel. Cette particularité peut s'expliquer par un besoin de symétrie avec les drapeaux alliés flottant de gauche à droite. L'oriflamme et un drapeau sont frappés de la croix de Lorraine, omniprésente dans la pièce. L'ensemble est surmonté par la colombe et le rameau d'olivier, symboles de la paix. Ils marquent la volonté d'instaurer la paix dans une France encore divisée, sortant de l'Occupation et d'une quasi guerre civile. Au pied des drapeaux, des armes et une brassée de lauriers ; sont-ils ceux de la gloire ? Les drapeaux des Alliés constituent la partie droite du diptyque. Leur disposition n'est pas anodine. En bas, au premier plan l'oriflamme français semblable à celui de gauche. Oriflamme et non drapeau, au sens plus guerrier, oriflamme hissé au mat des navires ou au bout de l'antenne de radio du char d'assaut. Au milieu, au deuxième rang, les drapeaux de l'URSS et des États-Unis d'Amérique. En haut, au troisième rang, le drapeau britannique, en partie caché. Une couleur domine, le rouge, mettant particulièrement en valeur la faucille et le marteau du drapeau de l'URSS qui se déploie largement. C'est celui que l'on lit en premier dans notre système de lecture de gauche à droite. Sa disposition, sa surface rappellent le grand prestige dont jouissait, en 1945, l'URSS. On n'imagine guère une telle représentation après 1947 et le début de la guerre froide. Cette disposition permet de dater l'œuvre, même quand on n'en connaît pas la date exacte. À droite, se déploie le drapeau des Etats-Unis. Si le nombre d'étoiles est juste (48, avant que l'Alaska et les îles Hawaï ne deviennent des états), celui des bandes rouges et blanches est faux. Alors qu'il devrait être de 13, il est de 14 pour la partie située sous les étoiles et de 19 ou 20 pour l'autre ! Peu importe, le symbole ne perd pas de sa force. Surmontant les drapeaux, des escadrilles d'avions passent. Grâce aux parachutages, elles symbolisent l'apport essentiel des Alliés pour des Résistants dépourvus d'armes. Mais aussi les bombardiers rappellent les bombardements imprécis et meurtriers dont ont été victimes des cités drômoises desservies par des ponts sur le Rhône ou sur la Drôme. On peut voir également dans la situation du drapeau britannique la reconnaissance du fait que la RAF (Royal Air Force) était plus précise dans ses bombardements que l'USAAF qui pratiquait le carpet bombing (bombardement en tapis). Quant aux feuilles de chênes ? Symbole de puissance ? Mais aussi récompense militaire.

D'autres lectures de cette œuvre sont possibles. Ces peintures, au-delà de leur valeur artistique, ont un intérêt majeur pour l'historien et le citoyen. Elles mettent en évidence les enjeux et les approches différentes de la mémoire : vision de 1945, vision de 2007, vision de l'habitant de Piégon qui a toujours vu ces peintures, vision du visiteur qui les découvre …..


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.