Le groupe franc de l’Armée juive de Lyon

Légende :

De gauche à droite : Rodolphe Furth, Riva Grinberg, Jacques Lazarus et Ernest Lambert. Photographie prise à Saint-Gervais en août 1943.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Archives privées famille Furth Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : Août 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Haute-Savoie - Saint-Gervais

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Contexte historique

C’est au lendemain de la défaite que ce qui allait devenir l’Armée juive (AJ) voit le jour à Toulouse, sous l’impulsion de deux hommes, Abraham Polonski et David Knout, dont l’idéal sioniste était fort et qui choisirent la lutte contre l’occupant et le régime de Vichy. Le premier noyau, La Main Forte, se constitue sur la base des amitiés et des connaissances au sein d’un cercle d’études juives où se trouvent Paul Rojtman, Arnold Mandel, Claude Strauss (connu sous son nom d’écrivain en tant que Claude Vigée), Maurice Hausner et Elie Rothnemer. Les premières actions de ce groupe visent à apporter de l’aide aux détenus des camps d’internement de la région toulousaine et à essayer de permettre des évasions.

Au début de l’année 1942, l’Armée juive prend forme. Dans un premier temps, elle effectue du renseignement et constitue des dossiers sur les activistes de la Milice ou les responsables du Commissariat général aux questions juives. C’est à la fin de l’année 1942 qu’Ernest Lambert et sa compagne Eidel Chana Geiger (alias Anne-Marie) gagnent Lyon où ils sont chargés d’établir pour l'AJ un relais clandestin avec la Suisse.

En septembre 1943, Ernest Lambert prend le commandement du groupe franc de Lyon qu’il a mis en place. Le siège régional de l’AJ est situé dans une papeterie au 149 Grande-Rue-de-la-Guillotière qui sert de planque et de cache d’armes. Premier corps franc de l’AJ pourvu d’armes, ses membres reçoivent une instruction militaire dispensée par Jacques Lazarus dans le secteur de Grenoble, alors en zone d’’occupation italienne.
Anne-Marie, quant à elle, est chargée des liaisons avec Toulouse où siège le comité directeur de l’organisation, ainsi que des convoyages en Suisse d’où elle ramène les fonds destinés à financer l’achat d’armes et les besoins du sauvetage. L’une des missions du groupe étant d’aider au sauvetage des enfants et de favoriser leur passage en Suisse. Ces fonds sont remis à Rodolphe Furth, trésorier de l’AJ, arrivé à Lyon en janvier 1944.

Créé par Rachmil Sulklaper, le service des faux papiers est pris en charge par Joseph Granek après l’arrestation de Sulklaper le 9 février 1943. Anny Levy est également un agent actif du service des faux-papiers jusqu’à son départ pour Toulouse à la fin de l’année 1943. Gilbert Leidervarger est chargé de la fabrication des cachets ; son laboratoire est installé à son domicile 70 bis rue Laënnec à Lyon. Emmanuel Bulz rejoint l’AJ en janvier 1943 où il est affecté au service des faux papiers puis au service des « planquages ». Lors des combats de la Libération, il rejoint le groupe franc lyonnais.

Agent de liaison, Rywka Graneck est principalement chargée du transport d’armes. Elle s’occupe également du recrutement pour le groupe franc. Après une mission à Paris au printemps 1944, elle revient à Lyon en juin et participe à l’occupation des locaux libérés par le groupe franc. Les transports d’armes sont également l’affaire de Boris Bezborodko qui fait la liaison entre Lyon et Marseille et entre Lyon et Nice. Arrêté le 7 janvier 1944 par la Milice, il est déporté à Auschwitz puis Mauthausen d’où il sera rapatrié en mai 1945. Régine Jospé, quant à elle, assure les liaisons entre Lyon et le maquis du Chambon-sur-Lignon. Enfin, Pierre Salomon participe à la répartition des armes pour les groupes francs de l’AJ de la région lyonnaise. Parmi les agents de liaison, il convient de rappeler également le rôle d’Erika Goldfarb dite Fée. Agent de liaison entre Nice, Toulouse et Lyon, elle transporte argent, documents et presse clandestine. En juin 1944, elle tient la permanence de l’organisation au 149 Grande Rue de la Guillotière. Denise Levitte, qui a rejoint Lyon en 1944 comme membre de la direction régionale d’AJ après avoir agi à Toulouse et à Nice est régulièrement présente dans cette permanence.

Parmi les membres du groupe de Lyon, citons également Charles Mandelbaum. Membre de la section lyonnaise de l’AJ dès sa création en 1942, il rejoint le groupe-franc parisien sous les ordres d’Ernest Appenzeller en août 1944. Arrêté le 19 juillet 1944 en même temps que les principaux responsables parisiens de l’organisation, il est déporté à Buchenwald le 15 août 1944 (il en reviendra en mai 1945).

En juin 1944, Ernest Lambert et des hommes du corps franc mènent une incursion dans les locaux de l’Union générale des Israélites de France (UGIF) pour exiger la destruction des dossiers mettant en danger des assistés menacés d’arrestation et la fermeture des bureaux. Le commando repart avec quelques dossiers et les détruit. Quelques temps plus tard, l’ultimatum n’ayant pas été respecté, le corps franc détruit à l’explosif les locaux, vides de tout personnel. Après l’arrestation d’Ernest Lambert et son exécution (29 juin – 8 juillet 1944), le corps franc est dirigé par Rodolphe Furth puis par Maurice Hausner.

Le corps franc prend part aux combats de la libération de Lyon. Ses hommes sont les premiers à occuper la direction régionale du Commissariat général aux questions Juives (CGQJ). Parmi eux, Joseph Graneck qui a rejoint l’Armée juive à Lyon en juillet 1943. Il prend part aux actions du groupe- franc sous les ordres d’Ernest Lambert jusqu’en novembre 1943 et son départ pour le maquis de l’AJ dans le Tarn. Il intègre ensuite le corps franc parisien de l’AJ et y reste jusqu’à la vague d’arrestations qui frappe l’organisation à la mi-juillet 1944. Il revient alors à Lyon où il participe aux combats de la Libération et à l’occupation du CGQJ.

Selon Sylvie Altar, l’AJ de Lyon a compté dans ses rangs entre 1942 et 1944 105 membres actifs ; au moins 16 d’entre eux ont participé à la libération de Lyon.


Auteur : Alexandre Bande, Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes, GR 18 P 128 (Organisation juive de combat) ; 2010 PA 54/82 (fonds du MLN). 
Sylvie Altar, La Résistance oubliée des Juifs en France, Paris, éditions Tiresias, novembre 2021.
Tsilla Hersco, « L’armée juive aj-ojc », Organisation juive de combat, Paris, Ed. Autrement, 2008.
Anny Latour, La Résistance juive en France, Paris, Stock, 1970.
Lucien Lazare, La Résistance juive, Ed du nadir, 2001.
http://www.ajpn.org/sauvetage-Armee-Juive-484.html