Le Bataillon Carmagnole à Lyon
Légende :
Groupe du bataillon Carmagnole à Villeurbanne, après la libération de la ville en septembre 1944.
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Mémorial de la Shoah / Coll. David Diamant Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc
Date document : Septembre 1944
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Rhône
Analyse média
Accroupis en bas : Morke Szuleewicz, Dina Lipka alias Sylvie.
Debouts au deuxième rang : Serge Kamienny, Eliane Jaraud - Peisakowicz, Henri Krischer, Thérèse Szynkman, Nathan Sacks.
Au centre au troisième rang : Mafalda Motti alias Simone, Georges Filip Lefort-Grunfeld.
En haut : Hoch dit Emery, Jacob Szmulewicz, René Pessack.
Contexte historique
Si l’on peut dater du milieu de l'année 1941 les premières rencontres d’où naîtront les FTP-MOI parisiens, il faut attendre l’été 1942, pour qu’apparaisse le premier embryon de ce qui sera le détachement Carmagnole à Lyon. Cela n’a rien d’étonnant, Paris est en zone occupée alors que Lyon est, jusqu’en novembre 1942, en zone non occupée et ne constitue pas tout de suite un terrain de lutte militaire.
Qui retrouve-t-on dans ce premier regroupement qui comprend entre cinq et dix personnes ?
Des militants communistes éprouvés dont certains ont fait la guerre d’Espagne dans les Brigades internationales ainsi que quelques membres des Jeunesses communistes. Tous sont des étrangers d’origine juive. Les premiers combattants communistes de la lutte armée, qu’ils soient français ou étrangers, sont organisés en « équipes de trois », mais ce qui va devenir l’unité de base de la lutte armée, c’est le « groupe de combat », composé de trois « équipes », soit neuf personnes commandées par un chef de groupe et son adjoint. Trois « groupes de combat » constituent un « détachement », soit au total avec les différents responsables une trentaine d’hommes. Les trois premiers groupes lyonnais constituent le détachement Carmagnole. Un second détachement dit Simon Frid est mis sur pied au début de l’année 1944, mais ne sera jamais complet.
À la veille du Débarquement, Lyon compte entre cinquante et soixante combattants FTP-MOI permanents. Pour déterminer de façon aussi précise que possible ce qu’a été la composition des FTP-MOI de l’interrégion HI4 – c’est à dire de Lyon et Grenoble – nous avons utilisé l’indicateur que constitue la liste des morts des unités Carmagnole et Liberté qui comporte une centaine de noms. Sur l’ensemble de la période, l’origine des combattants est la suivante : 32% de Juifs polonais, 6% de Juifs hongrois et roumains, 26% de Français, 19% d’Italiens, 8% de Polonais non juifs, 6% d’Espagnols, 2% d’Arméniens et 1% d’Allemands. Si l’on ne retient que les quarante-neuf victimes tombées avant le 15 août 1944 et les combats de la Libération, la répartition est passablement différente : 60% de Juifs polonais et 8,5% de Juifs hongrois et roumains, 17% d’Italiens, 8,5% de Français, 2% d’Espagnols, 2% de Polonais non juifs, 2% d’Allemands. Il y a donc l’organisation « historique », celle qui démarre la lutte armée, dont la composition repose fondamentalement sur l’immigration juive est-européenne. Et il y a l’organisation des dernières semaines, celle qui s’est dotée de maquis, qui croît considérablement en intégrant de nombreux légaux italiens, en accueillant des mineurs polonais, mais surtout de jeunes Français.
Si l’on passe maintenant à l’activité de cette organisation, il faut signaler que ses combattants opèrent essentiellement en zone urbaine et inventent, avec les FTP-MOI d’autres villes de France, ce que l’on peut considérer comme la première forme de guérilla urbaine. L’essentiel de ce combat se cristallise autour des actions menées contre les troupes ennemies, attaques de détachements de militaires allemands, d’édifices qu’ils fréquentent, de garages qui abritent leurs camions… Il y a aussi les attentats individuels qui visent d’ailleurs aussi bien les troupes d’occupation que les membres de la Milice. Par ailleurs, les actions visent aussi tout l’appareil économique au service des Allemands et du gouvernement de Vichy : les moyens de communication, de même que tout ce qui sert à acheminer l’énergie et bien sûr les entreprises travaillant directement pour l’ennemi. Le nombre des actions effectuées révèle l’intense activité de ces FTP-MOI : 240 actions pour Carmagnole de février 1943 au 23 août 1944.
À cela, il faut ajouter la participation aux différents combats de la Libération qui est loin d’être négligeable : cinquante morts après le 15 août 1944 sur l’interrégion rhône-alpine, soit autant que pendant les dix-neuf mois précédents.
S’il est difficile, et peut-être discutable, d’évaluer de façon chiffrée, c’est à dire en pourcentage, la part prise par Carmagnole dans les combats de la résistance lyonnaise, on peut dire, sans risque de se tromper, que cette organisation a été parmi les plus actives – sinon la plus combative – à certaines périodes du moins. Cette activité, impressionnante en soi, l’est plus encore rapportée au nombre réduit des combattants : moins de soixante à la veille du Débarquement.
Auteur : Claude Collin
Bibliographie :
Claude Collin, Carmagnole et Liberté. Les étrangers dans la Résistance en Rhône-Alpes, Grenoble, PUG, 2000.