Léon Neugewurtz (Léon Nisand)
Légende :
Dans cet extrait, Léon Nisand revient sur les suites de l'attaque du train entre Mazamet et Labruguière le 19 août 1944 et sur les propos tenus face aux prisonniers allemands. Les maquisards défilant devant ceux-ci en déclamant "Ich bin Jude !".
Genre : Film
Type : Témoignage
Source : © Marianne / De la prod Droits réservés
Détails techniques :
Durée : 1 minute 10 s
Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Tarn - Labruguière
Contexte historique
Fils de Nathan Neugewurtz né à Amsterdam (Hollande) et de Rebecca Rose Weiss née à Strasbourg, Léon Neugewurtz naît le 28 septembre 1923 à Strasbourg. Originaires de Pologne, ses ancêtres étaient des Hassidim (courant du judaïsme ultraorthodoxe). Après la débâcle, il se réfugie à Toulouse et rejoint les scouts au sein des Eclaireurs israélites (EI) : il a alors 16 ans et demi. Le 11 novembre 1942, les Allemands pénètrent en zone Sud; c’est un choc pour Léon qui décide alors, avec d’autres camarades EI, de rentrer en résistance. En contact depuis quelques temps avec David Knout et son épouse, ces derniers le mettent en relation avec Abraham Polonski qui lui fait prêter serment et l’intègre à l’Armée juive.
Sa première action : participer au sauvetage des enfants en les cachant, tout en maintenant leur identité juive car il a conscience de l’importance de cet attachement pour eux. Grâce au soutien de Monseigneur Saliège, il peut cacher certains enfants dans des congrégations religieuses comme celle des dominicaines du couvent de Pompignan, près de Montauban. Constatant avec effroi que certains religieux profitent de la situation pour pousser les enfants juifs cachés à se convertir, il dénonce ces pratiques. Il est alors nommé aumônier auxiliaire à charge de tourner dans les couvents et de maintenir les enfants au judaïsme. Par la suite, le grand rabbin Hirschler qui résidait à Marseille vint à Toulouse pour trouver un remplaçant au grand rabbin aumônier des camps d’internement, René Kapel, qui venait de se faire arrêter par les Allemands. Le grand rabbin Hirschler choisit de désigner Léon, âgé alors de 19 ans, pour s’occuper de l'aumônerie dans les camps d'internement du Sud de la France. Grâce à l’aide de Monseigneur Saliège, il réussit à augmenter les rations alimentaires des internés qui mourraient de faim, en prétextant habilement que les aliments supplémentaires étaient « rituels » ! Il allégea également le fardeau des prisonniers de la prison St Michel de Toulouse.
En lien avec l’Armée juive, il organise l'évasion de nombre d'internés. Parmi eux, Achille Szpilfogiel, dit "Freddy", interné au camp de Noé dans l'îlot spécial des politiques en attente de déportation. Léon Nisand le fait évader, avec David Blum, le 29 décembre 1943 avant la date prévue pour leur déportation. David Blum, membre de l’Armée juive, intègre par la suite le Corps franc de la Montagne noire et y reste jusqu’au 21 juillet 1944. "Freddy" rejoint, quant à lui, le maquis des EI de Vabre en juin 1944.
Recherché par la police française, par la milice et par la Gestapo, Léon Nisand quitte Toulouse et décide de prendre le maquis dans la Montagne noire. Il hésite, entre le maquis de l’AJ et celui des EIF, mais finalement il choisit de rester avec les EIF car il les a côtoyés longuement à Lautrec, Moissac. Selon ses souvenirs, Polonski un des fondateurs de l’armée Juive, qu’il avait rencontré auparavant, aurait été consulté, et l’aurait convaincu d’aller chez les EI car il était le seul qui était officier de l’armée juive. Cela lui permit par ailleurs, de recevoir, ensuite, le serment d’affiliation à l’AJ de Castor, chef des EI (Robert Gamzon) et de plusieurs autres. Donc, c’était un pont entre les deux mouvements. Le 1er juin 1944, Léon Nisand intègre la 2e Compagnie des Maquis de Vabre.
Le plus grand fait d’arme de Léon est indéniablement l’attaque du train de Mazamet, le 19 août 1944. Les résistants avaient bloqué le train entre Mazamet et Castres, chargé de cinq canons de 20 mm, avec une cinquantaine de wagons de munitions. La reddition du train saboté est obtenue après un combat acharné, et Léon Nisand qui parlait allemand est désigné comme interprète. Il se fait alors un plaisir de dire à un premier allemand : « ich bin Jude ! », Je suis juif ! Face à la terreur de l’Allemand qui lui répondit : « nein unmuglish ! », « non impossible » ! il propage la nouvelle tout le long du train à tous les prisonniers terrifiés ! Hubert Beuve Mery, journaliste, témoin de la scène la raconte dans son article "La guerre des Juifs"
Après la libération de Castres, Léon Neugewurtz poursuit le combat jusqu'en novembre 1944 après avoir souscrit un engagement volontaire au 3e régiment de Dragons de Reconnaissance, rattaché à la 1ère Armée française. Pour toutes ses héroïques actions, il reçoit de nombreuses décorations : croix de guerre 1939-1945 avec étoile de bronze (citation du 6 novembre 1945), médaille de la Résistance française (décret du 3 août 1946), médaille de la reconnaissance française, croix du combattant volontaire de la Résistance.
En février 1945, officier-interprète, Léon Neugewurtz est membre de la Commission des Crimes de Guerre. En 1950, il obtient un doctorat en médecine (hématologie). Durant les quatre années qui suivent, il accomplit une mission humanitaire en Israël, puis devient directeur de la Banque du sang de 1955 à 1965. En mai 1959, il change d’identité pour celle de Léon Nisand. En 1960, il est co-fondateur du Planning familial, dont il devient président du comité d’éthique.
Sa carrière politique est quant à elle marquée par son appartenance au Parti socialiste. En 1989, il fait partie de la liste de Jean-Marie Bockel à Mulhouse. Franc-maçon, il a été Grand Maître adjoint de l’Ordre maçonnique mixte international "le Droit Humain". C'est de cet engagement que sont issus plusieurs de ses ouvrages.
Le 14 juillet 2000, il est promu au grade de commandeur de la Légion d’honneur. En 2003, il publie son autobiographie sous le titre De l'étoile jaune à la résistance armée 1942-1944 : combat pour la dignité humaine.
Léon Nisand meurt à Schiltigheim le 6 juin 2014.
Auteurs : Valérie Piétravalle et Fabrice Bourrée
Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes, GR 16 P 442 439
Ordre de la Libération, archives de la commission nationale de la médaille de la Résistance française
Mémorial de la Shoah, DLXI-73 : témoignage de Léon Neugewurtz
Léon Nisand, De l'étoile jaune à la résistance armée 1942-1944 : combat pour la dignité humaine, Safed éditions, 2003.
https://www.alsace-histoire.org/netdba/nisand-leon/
Valérie Ermosilla (Pietravalle), La Résistance juive dans le Tarn 1939-1944, réalités et représentations, mémoire de maîtrise sous la direction de Pierre Laborie et Jean Estèbe, Université Toulouse Le Mirail, 1987.