Louis François enracine le CNRD dans le monde de l’éducation

Légende :

Louis François (1904-2002) a eu un rôle déterminant sur le Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD). Inspecteur général de l’instruction publique, président du jury national du CNRD pendant trente ans, il contribua à pérenniser ce concours au sein du système éducatif.

Genre : Image

Type : Photographie

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Détails techniques :

photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

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Contexte historique

Se démarquant par « sa démarche altière, sa haute silhouette, son profil aquilin […], ses grands bras déployés embrassant l’assistance, son verbe aux intonations fortes et au rythme "gaullien" (1)  », la personnalité de Louis François ne laisse pas indifférent ses élèves ou les enseignants qu’il rencontre en tant qu’inspecteur général.

Une forte personnalité marquée par de nombreux engagements
Né en 1904, dans une famille de la bourgeoisie protestante, Louis François rejoint les Éclaireurs de France à l’âge de 13 ans. Cet engagement dans le scoutisme auquel il reste fidèle toute sa vie (2), sera pour lui une source d’inspiration tant pour les valeurs morales laïques véhiculées que pour les pratiques pédagogiques actives qui y ont cours.
Reçu brillamment à l’agrégation d’histoire-géographie, il est nommé professeur à Marseille puis au lycée Henri IV à Paris où sa personnalité charismatique est déjà remarquée par Jules Isaac qui le décrit comme un« sympathique et ardent entraîneur de la jeunesse à Henri IV » dans son rapport d’inspection de janvier 1936.
Durant la campagne de France en 1940, il est affecté comme officier du chiffre à l’état-major de la 4 e division cuirassée commandée par le colonel Charles de Gaulle dont les qualités de chef impressionnent ce professeur antimilitariste et ne sont pas étrangères à son entrée dans la résistance gaulliste. Démobilisé, Louis François reprend à l’automne 1940 son enseignement à Paris. Fin 1941, il est contacté par le réseau Confrérie Notre-Dame (CND) du colonel Rémy (3) . Sous le pseudonyme de Vidal (en hommage au géographe Paul Vidal de La Blache), il est chargé de mission de renseignement « politique». Devenu l’adjoint de Pierre Brossolette, nommé « chef de la section presse et propagande de la CND » il réalise mensuellement une revue de la presse autorisée à Paris et établit des rapports sur l’écoute des émissions françaises diffusées par la BBC à Londres. Arrêté en septembre 1942, il est interné à la prison de Fresnes puis au fort de Romainville avant d’être déporté en Allemagne. À son retour de déportation, il est nommé inspecteur général de l’Instruction publique en octobre 1945.

Acteur de l’officialisation du CNRD
Profondément convaincu que l’instruction civique est une mission fondamentale de l’école de la République qui contribue à former des citoyens éclairés et actifs, il milite inlassablement pour son enseignement dans le secondaire. En 1948, il en rédige les programmes. Sa vision de l’éducation civique reste ouverte sur le monde. Louis François la définit lui-même comme un moyen de « susciter le désir et créer la capacité de participer activement à la vie de la commune, de la région, de la nation, de la communauté internationale (3) ». Ainsi, secrétaire général de la commission de la République française pour l’UNESCO en 1946, il fonde dans les lycées les premiers clubs UNESCO regroupés en 1956 au sein de la Fédération française des clubs UNESCO qu’il va présider durant 23 ans.
Dans toutes ses fonctions, il a toujours été un tenant des méthodes actives, héritage de son engagement aux Éclaireurs de France. Au traditionnel cours magistral, il préfère que les élèves soient mis en activité, méthode qui procure « l’excitation heureuse de la recherche, l’immense joie de la découverte, le bonheur profond de l’œuvre accomplie (4) »
Il n’est donc pas étonnant qu’il s’enthousiasme pour le projet de concours de la Résistance lorsqu’il est saisi en 1959 par la Confédération nationale des combattants volontaires de la Résistance (CNCVR) alors qu’il est conseiller technique du ministre de l’Éducation nationale André Boulloche, chargé de l’enseignement primaire et secondaire.

Au moment de l’officialisation du CNRD et de sa mise en place au sein de l’Éducation nationale, l’action de Louis François est essentielle car il cumule de nombreux atouts (5) . Responsable de la Résistance et déporté, il dispose d’une véritable légitimité au sein du monde associatif combattant. Il est lui-même membre du réseau du Souvenir, puissante association lobbyiste. Inspecteur général de l’Instruction publique, il connait tous les arcanes de son administration. Enfin, depuis son passage au cabinet du ministre de l’Éducation nationale, il entretient de nombreuses relations personnelles avec des hommes politiques influents.

Une longue et féconde présidence au jury national du CNRD 
Installé à la présidence du CNRD en 1963, poste qu’il occupe pendant trente ans, Louis François s’emploie à faire en sorte que ce concours s’impose peu à peu comme un outil pédagogique à part entière. À partir du 20 e anniversaire de la Libération, il clarifie ses objectifs tout en permettant sa prise en main par l’Éducation nationale.
Tout au long de sa longue présidence, il impose sa marque personnelle sur le CNRD qui devient une sorte de laboratoire d’essai de ses idées pédagogiques. En 1972, il l’ouvre aux classes de troisième prenant en compte les nouveaux programmes scolaires. Il s’efforce aussi d’adapter les thèmes du concours au niveau des élèves. Dès 1977, des thèmes différents sont proposés aux classes de terminale et de troisième. Enfin, soucieux d’adapter le concours aux évolutions pédagogiques modernes, à partir de 1964, il milite pour que les travaux de groupe aient leur place au sein de ce concours malgré les réserves des associations de résistants. Ce type d’épreuves est introduit à titre expérimental dès 1979 pour les candidats de troisième avant d’être étendu en 1992 aux classes de lycées.


(1) Hommage prononcé par André Zweyacker, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale lors de la cérémonie d’obsèques de Louis François le 17 janvier 2002 reproduit dans La Lettre de la Fondation de la Résistance n°29, juin 2002.
(2) Il devint président national des Éclaireurs de France de 1960 à 1970.
(3) Rapport de Louis François sur l’édition 1985 du CNRD.
(4) Louis François, « Le concours national de la Résistance et de la Déportation en 1990 » in Historiens & Géographes, n°330, janvier-février 1991.
(5) Pour plus de détails sur son rôle dans le CNRD, on se reportera à l’article de Denis Mazzucchetti « Animer le Concours national de la Résistance et de la Déportation » in Jean-Paul Martin et Nicolas Palluau (dir.), Louis François et les frontières scolaires. Itinéraire pédagogique d’un inspecteur général (1904-2002), PUR, 2014, p. 111-124.


Frantz Malassis

En complément :
"Louis François (1904-2002), une vie d'engagement au service de l'homme" par André Zweyacker Inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale
"Louis François dans la Résistance" par Yves Chanier et Bruno Leroux
in La Lettre de la Fondation de la Résistance n°29, juin 2002.