Pour les collégiens et lycéens , une rentrée sous le signe de l'ordre nouveau
Légende :
Le Petit Marseillais rend compte de la rentrée des établissements secondaires marseillais le 09 septembre 1940.
Genre : Image
Type : Presse
Source : © archives privées Robert Mencherini Droits réservés
Date document : 10 septembre 1940
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le Petit Marseillais, un des deux quotidiens régionaux les plus lus, a un tirage quotidien de 150 000 exemplaires. La rentrée des classes des établissements secondaires inspire un article qui montre le caractère particulier de cette rentrée
Les lois Goblet de 1886-1887 orientaient les élèves à l'issue du primaire dans trois types d'établissements :
-les lycées qui de la 6e à la terminale préparent au baccalauréat et ouvrent l'accès à l'enseignement supérieur,
- les Ecoles primaires Supérieures (EPS) et les Cours complémentaires ou collèges créés par les lois Goblet qui relèvent du primaire, préparent, à l'issue d'un scolarité plus courte correspondant au premier cycle des lycées, au brevet élémentaire (BE) ou au brevet supérieur (BS) et sont destinés aux enfants issus de milieux sociaux modestes.
La première phrase de l'article présente la rentrée sous un jour qui euphémise singulièrement les bouleversements entraînés par la guerre, la défaite de la France et l'établissement d'un nouveau régime. Le deuxième paragraphe insiste sur la persistance des rituels de rentrée. Il faut montrer que le gouvernement du maréchal Pétain maintient pour les enfants un cadre de vie normal et rassurant. Dés le troisième paragraphe,cependant , l'article insiste sur le fait que le gouvernement a défini le cadre pédagogique et en fait politique de cette rentrée scolaire : « méditation sur le sort de la patrie ». Les conséquences de la guerre sont présentes à travers l'exemple du lycée Thiers dont dix huit enseignants sont prisonniers ou tués.
L'article adopte les éléments de langage qui caractérise la Révolution nationale :
-union autour des représentants de l'autorité qui se révèlent dignes de confiance.
-rappel en des termes doloristes de la défaite militaire et des choix du maréchal Pétain.
-devoir de la jeunesse de contribuer à la construction d'un nouveau régime qui ne peut que les enthousiasmer et ne laisse pas place à la discussion en faisant descendre du sommet de l'Etat par le biais de ses représentants, préfet, inspecteur d'académie, proviseurs, enseignants, « les consignes de l'ordre nouveau ».
-annonce de changements dans les programmes avec l'accent mis sur la formation physique ce qui donne lieu à la seule petite réserve : la ville de Marseille ne dispose pas des équipements sportifs nécessaires.
L'article met l'accent sur l'unanimité que suscite le nouveau régime et passe sous silence les dissonances qui pourraient survenir.
Le Petit Provençal, une semaine plus tard, rend compte en des termes très voisins de cette rentrée des classes( album) en insistant cependant sur l'augmentation des effectifs, en particulier dans les classes préparatoires aux grandes écoles du fait de l'afflux de réfugiés de la zone occupée.
Auteure : Sylvie Orsoni
Contexte historique
La rentrée des classes s'effectue en septembre 1940 dans un pays bouleversé. Les Français ont assisté à la défaite de leur armée, l'effondrement de l'Etat et l'avènement d'un régime qui s'annonce d'emblée en réaction contre la Troisième République. Marseille , éloignée des théâtres d'opération a cependant subi deux bombardements les 1er et 21 juin 1940. Surtout, la ville a vu affluer des centaines de réfugiés, français ou étrangers, qui ont fui l'avancée des troupes allemandes. Le Petit Marseillais est avec Le Petit Provençal un des deux quotidiens les plus lus de la région. Les deux journaux se conforment très vite à la nouvelle orientation politique et deviennent un instrument de la propagande du régime.
L'école est un enjeu majeur pour le régime de Vichy. La jeunesse doit être façonnée de façon à garantir l'avenir du régime. Dés le premier jour de classe les nouveaux principes sont enseignés dans le style doloriste et culpabilisant de la Révolution nationale et du maréchal Pétain.
On peut remarquer que les deux lycées cités sont des lycées de garçons : le lycée Thiers, créé en 1802 et son annexe Saint Charles devenue autonome en 1929. Aucun établissement féminin n'a bénéficié de la présence des autorités. La mobilisation a touché trente enseignants du lycée Thiers. Pour combler les vides, les lycées de jeunes filles Mongrand et Longchamp ont été dépouillés de leurs enseignantes nommées à titre provisoire au lycée Thiers. La Révolution nationale entend accentuer la différenciation entre les enseignements que filles et garçons sont en droit d'espérer.
Auteure : Sylvie Orsoni
Sources
Echinard Pierre, Orsoni Sylvie, Dragoni Marc, Le lycée Thiers, 200 ans d'histoire, Aix-en-Provence, Edisud, 2004
Mencherini Robert, Midi rouge, ombres et lumières 1. Les années de crise, 1930-1940, Paris, éditions Syllepse, 2004.