Les écoles normales seraient supprimées

Légende :

Le Petit Provençal annonce la suppression des écoles normales d'instituteurs.

Genre : Image

Type : Presse

Source : © archives privées Robert Mencherini Droits réservés

Date document : 20 septembre 1940

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Le Petit Provençal reprend un article paru dans le quotidien national, Le Figaro,qui annonce la réforme des écoles normales d'instituteurs.
Le titre et le premier sous-titre de l'article annonce un des grands chantiers du gouvernement de Vichy : démanteler l'école de la République en s'attaquant aux écoles normales d'instituteurs. C'est la première mesure de la réforme de l'enseignement voulue par le ministre de l'Instruction publique et de la Jeunesse, Georges Ripert. La raison invoquée est le manque d'ambition intellectuelle qui marquerait la formation des enseignants du primaire. La réforme est présentée comme un moyen de faire accéder les futurs instituteurs et institutrices au niveau de la première partie du baccalauréat et donc de suivre l'enseignement secondaire le plus prestigieux, celui dispensé dans les lycées. Chacun futur enseignant choisirait, d'après l'article, « selon les vocations particulières » de poursuivre ses études ou de s'orienter vers l'enseignement primaire.
Pour Le Figaro, les parents d'élèves comme les futurs maîtres ne peuvent que se féliciter de cette réforme. L'absence d'esprit critique marque cet article qui s'apparente à un communiqué du ministère de l'Instruction publique.


Auteure : Sylvie Orsoni

Contexte historique

La Troisième République avait fait de l'école primaire publique le vecteur de l'idéologie républicaine. Les instituteurs, ces « hussards noirs de la République » avaient pour mission d'enraciner dans les esprits de leurs élèves les valeurs républicaines et en particulier le patriotisme et la laïcité. Les écoles normales d'instituteurs sont donc attaquées dès leur création par la droite et l'extrême droite qui y voient « les séminaires malfaisants de la démocratie ». Leur suppression est une priorité pour le gouvernement de Vichy. Georges Ripert, ancien doyen de la faculté de droit de Paris et secrétaire d'Etat à l'Instruction publique y met fin par la loi du 18 septembre 1940. Les futurs instituteurs et institutrices, recrutés par concours à la fin de la troisième, suivront les cours du lycée jusqu'à la première partie du baccalauréat puis dans les Instituts de formation professionnelle pour les maîtres( décret du 15 août 1941) auront dix mois de stage divisé en trois parties : six mois de formation pédagogique, un mois consacré à l'éducation physique et sportive, trois mois dans une école technique, d'agriculture ou industrielle au choix pour les garçons, ménagère pour les jeunes filles. Les garçons apprendront à travailler le bois, l'acier, quelques rudiments de soudure et de mécanique ou de dessin industriel. Ils seront capables de produire des presse-papiers ou des vide-poches, changer les pneus. Les jeunes filles devront être capables de former de bonnes ménagères, ou -si leurs élèves doivent travailler-, des employées de maison, des cuisinières, voire des couturières. Les futures institutrices seront aptes à faire tous les travaux d'aiguille de base, du raccommodage aux plis creux, les principaux points de broderie, le lavage, le repassage et le pliage du linge (tout type de tissus et de linge). Les programmes de cuisine et de ménage sont tout aussi exhaustifs. Cette importance presque obsessionnelle accordée aux travaux manuels montre à quel avenir la majorité des élèves doit être préparée : artisan ou agriculteur pour les garçons, bonnes ménagères pour les filles. Le stage est sanctionné par une épreuve écrite de trois heures et une épreuve pratique. A l'issue de ce cursus les stagiaires reçoivent un certificat de stage.

La réforme des écoles normales d'instituteurs est jugée suffisamment importante pour que Le petit Provençal publie, sans plus de commentaire, le 16 octobre 1940 le communiqué du ministre secrétaire d'Etat à l'Instruction publique.

L'école de la Troisième République n'était pas exempte de stéréotypes de genre et ne considérait pas l'accès de tous les enfants à l'enseignement secondaire comme un priorité. L'école de Vichy pousse jusqu'à la caricature les déterminismes sociaux et de genre.


Auteure : Sylvie Orsoni

Sources
Barreau jean Michel, Vichy contre l'école de la République, Paris, Flammarion, 2000.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, 2, Paris, Syllepse, 2009.