Suppression de l'enseignement moderne dans les lycées
Légende :
Le Petit Marseillais annonce la suppression de la section moderne dans les lycées.
Genre : Image
Source : © archives privées Robert Mencherini Droits réservés
Date document : 22 septembre 1940
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le Petit Marseillais est avec Le Petit Provençal un des deux quotidiens régionaux les plus lus avec 150 000 exemplaires vendus chaque jour. Il rend compte régulièrement et sans aucun esprit critique des mesures prises par le gouvernement du maréchal Pétain. La suppression des sections modernes dans les lycées de la sixième à la troisième lui paraît suffisamment importante pour qu'il lui consacre un article qui reprend simplement le communiqué de Georges Ripert, secrétaire d'Etat à l'instruction publique. Le troisième paragraphe donne le sens de la réforme : les enfants qui veulent suivre un enseignement sans latin ni grec sont versés dans les Ecoles primaires supérieures( EPS) qui relèvent de l'enseignement primaire. Il s'agit de maintenir, voire de renforcer la hiérarchie sociale. Aux masses populaires, un enseignement primaire éventuellement prolongé dans les EPS, à une élite un enseignement classique qui les conduira aux postes de commandement de la société. L'annonce qu'à partir de la seconde, les lycées offriront à nouveau le choix entre section moderne et section classique ne rétablit pas un accès démocratique à l'enseignement secondaire. La loi du 15 août 1941 supprime la gratuité de l'enseignement à partir de la classe de troisième. Le ministre de l'instruction publique, Jérôme Carcopino estime qu'ainsi les classes du secondaire seront préservées des « éléments parasitaires inaptes aux études classiques ».
Auteure : Sylvie Orsoni
Contexte historique
La loi du 15 août 1941 résume le projet de société voulue par le régime de Vichy : la préservation d'une hiérarchie sociale fondée sur la naissance. Elle prend le contre-pied des réformes engagées après la Première Guerre mondiale pour démocratiser l'enseignement secondaire : séparation plus étanche entre enseignement classique et enseignement moderne dispensés de la sixième à la troisième dans des établissements différents, fin de la gratuité dans le second cycle des lycées. Croyant verrouiller définitivement l'accès du lycée, la loi du 15 août 1941 instaure le diplôme d'études primaires préparatoires (DEPP) indispensable pour entrer en sixième. Un examen permettra aux boursiers de se faufiler dans l'enseignement secondaire mais avec une moyenne minimale de 12/20. Le 6 septembre 1941, le ministre de l'Instruction publique Jérôme Carcopino déclare : « La culture supérieure ne constitue un droit que pour ceux qui se montrent capables d'en profiter mais en ce cas, c'est un droit sacré. » L'Oeuvre exprime plus crûment l'objectif de la loi : « Il n'est plus question d'ouvrir à tous les portes du lycée pour accéder au premier cycle des études secondaires. Il faudra avoir franchi le barrage du diplôme d'études primaires préparatoires qui devra permettre une première sélection ; et le second cycle ne sera pas gratuit... A cette idée de sélection, nous n'avons pas de principe à opposer. A l'heure actuelle, un trop grand nombre d'élèves totalement inaptes à l'enseignement secondaire encombre nos lycées et nos collèges. S'ils sont d'origine modeste, ils ne feront que des ratés ; et c'est un danger social. S'ils sont de famille aisée, ils arriveront quand même aux postes de commandement ; et c'est une injustice et un autre danger. » L'école doit donc produire une élite fondée sur les hiérarchies naturelles et n'offre qu'une voie très étroite pour les enfants de milieux populaires. La création du DEPP produit cependant un effet inverse à celui recherché par le législateur. Auparavant, chaque établissement secondaire organisait un examen qui tenait compte du nombre de places disponibles en sixième et s'apparentait en fait à un concours. Le DEPP crée un droit. Marseille-Matin souligne en septembre 1942 le résultat paradoxal de la réforme qui a eu pour effet de « décupler le nombre des enfants de classes populaires à qui sera offerte la possibilité de faire des études classiques. » La fin de la gratuité du cycle secondaire permet de maintenir un barrage social à l'accès au second cycle et donc au baccalauréat.
Auteure : Sylvie Orsoni
Sources
Barreau Jean Michel, Vichy contre l'école de la République, Paris, Flammarion, 2000.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, 2, Paris, Syllepse,2009.