Condamnation d'un groupe de jeunes communistes par la section spéciale de Marseille, novembre 1941
Légende :
Le commissaire du gouvernement prés la Section spéciale de Marseille justifie les jugements rendus les 5 et 6 novembre 1941 contre un groupe de communistes.
Genre : Image
Type : Rapport officiel
Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 w 29 Droits réservés
Date document : 7 novembre 1941
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le commissaire du gouvernement près la Section spéciale explicite les faits qui ont amené aux jugements des 5 et 6 octobre 1941 contre sept personnes accusées d'activités communistes, interdites depuis la loi du 26 septembre 1939 (voir contexte historique). Quatre accusés sont mineurs ou à peine majeure comme Mireille Lauze. Ils sont lycéens comme Roger Abignoly, élève du lycée Thiers, André Serin et Gabriel Palomba, élèves du lycée Saint Charles ou déjà entrées dans la vie active comme Mireille Lauze et Renée Silhol. Certains sont de famille communiste comme Mireille Lauze, Gabriel Palomba, André Serin. Renée Silhol qui a été élève au lycée Montgrand adhère aux Jeunesses communistes en 1939 et est responsable de la propagande dans cet établissement. En 1940, elle prend sa carte au PCF alors interdit. Leurs liens avec le Parti communiste français sont plus ou moins étroits. Mireille Lauze et Renée Silhol ont déjà derrière elles une activité dans la Résistance. Elles ont été agents de liaison pour Pierre Georges (futur colonel Fabien) responsable des Jeunesses communistes pour le Sud-Est. Roger Abignoly qui est juif ne se reconnaît pas comme communiste mais entend protester contre la législation antisémite. Les adultes sont des militants communistes connus des services de police. Au terme du procès, quatre condamnations et trois acquittements sont prononcés (voire tableau en album). André Serin et Mireille Lauze sont lourdement condamnés : 15 ans de travaux forcés (le maximum prévu par la loi étant de vingt ans), dégradation civique, vingt ans d'interdiction de séjour. Robert Abignoly dont on n'a pu établir de lien avec le Parti communiste est condamné à un an de prison. Le proviseur de Thiers propose de le déchoir de sa bourse. Gabriel Palomba est acquitté, ce qui peut paraître étonnant car il est le fils d'Edouard Palomba, cheminot communiste, convaincu d'avoir participé à la reconstitution du parti communiste et incarcéré dans diverses prisons et camps. Gabriel Palomba a écrit pour demander la libération de son père. Le non lieu obtenu par Edouard Palomba le 27 mars 1941 explique peut-être cet acquittement, au bénéfice de l'amour filial. L'acquittement de Renée Silhol ne vaut pas libération. Elle est incarcérée à la prison marseillaise des Présentines. Renée Silhol et Mireille Lauze sont déportées à Ravensbrück en mai 1944. Mireille Lauze y meurt le 8 mars 1945. Renée Silhol est libérée le 3 mai 1945. La mère de Roger Abignoly est arrêtée à Marseille lors des grandes rafles contre les Juifs de janvier 1943. Le 23 mars 1943 , elle est déportée de Drancy à Sobibor où elle est assassinée. Roger rejoint différents maquis de l'Allier puis de la Loire.Arrêté le 17 mars 1944, il est transféré à Lyon, condamné à mort par la cour martiale de la Milice (voir contexte historique) et fusillé le 27.
L'année 1941 marque une activité accrue de la résistance communiste. Le rapport du commissaire au gouvernement montre comment les jeunes s'organisent par delà les cloisonnements de sexe ou de statut.
Auteure : Sylvie Orsoni
Contexte historique
Le pacte germano-soviétique (23 août 1939) amène le gouvernement Daladier à légiférer contre le parti communiste, considéré comme un parti de l'étranger.
Depuis le 26 septembre 1939, le Parti communiste français est dissous et toute propagande interdite. La surveillance des militants communistes se renforce. Perquisitions, saisies de publications même antérieures à la dissolution, se multiplient. L'année 1941 voit la résistance se développer et se structurer à Marseille comme dans tout le pays. Réseaux et mouvements sont tous présents à Marseille. L'attaque de l'URSS par l'Allemagne le 21 juin 1941 pousse le Parti communiste à s'engager activement dans la Résistance. Les mouvements de jeunesse, Union des Jeunes Filles de France, Jeunesses Communistes, recrutent dans les lycées et parmi les jeunes travailleurs. Le gouvernement de Vichy accentue encore la répression à la suite de l'attentat du jeune communiste Pierre Georges (colonel Fabien) contre l'aspirant Moser le 21 août 1941. Il crée par la loi du 22 août 1941 (antidatée du 14 août pour sauver les apparences) des sections spéciales près des tribunaux militaires en zone libre et près des cours d'appel en zone occupée. Le commissaire du gouvernement près la section d'appel joue le rôle de procureur. Les jugements ne sont pas susceptibles d'appel. La répression est encore accrue par la création le 20 janvier 1944 de cours martiales dépendant du secrétariat général au maintien de l'ordre. Joseph Darnand, chef de la Milice a reçu le contrôle de la police en devenant secrétaire général au maintien de l'ordre. Il impose des cours martiales composées de trois juges qui ont le choix entre se déclarer incompétents et la condamnation à mort. Il n'y a pas d'instruction. Les accusés n'ont pas droit à un avocat. Les sanctions, sans appel, sont immédiatement exécutoires par fusillade. C'est cette cour milicienne qui fait exécuter Roger Abignoly. L'occupation de la zone le 11 novembre 1942 jette entre les mains de la Gestapo les résistants incarcérés ou identifiés qui peuvent être ainsi déportés comme Mireille Lauze et Renée Silhol.
Auteure : Sylvie Orsoni
Sources
Echinard Pierre, Orsoni Sylvie, Dragoni Marc, Le lycée Thiers, 200 ans d'histoire, Aix-en-Provence, Edisud, 2004.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.