Rapport de l'inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône, septembre 1941
Légende :
Rapport mensuel adressé par l'inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône au préfet régional, septembre 1941
Type : correspondance officielle
Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 48 Droits réservés
Date document : 27 septembre 1941
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
L'inspecteur d'académie rend compte avec déférence au préfet du comportement politique des enseignants des Bouches-du-Rhône. L'enseignement primaire public est particulièrement scruté. C'était le niveau qui comprenait le plus d'enseignants syndiqués, membres des partis socialiste ou communiste et pouvait donc faire craindre le plus d'opposition. Rien de tel, bien au contraire : les rapports des inspecteurs et inspectrices primaires sont unanimes : loyauté et déférence à l'égard du gouvernement, vénération du maréchal, application dévouée des consignes caractérisent les instituteurs et institutrices des Bouches-du-Rhône. L'exemple cité pour montrer cet enthousiasme est cependant ambigu : les collectes effectuées par la Croix-Rouge peuvent-elles être interprétées comme un signe d'adhésion au régime ou comme la volonté de secourir les prisonniers de guerre ? Les enseignants du secondaire sont tout aussi exemplaires que leurs collègues du primaire.
L'inspecteur d'académie semble en terrain moins sûr lorsqu'il aborde l'enseignement libre « Jusqu'ici, à ma connaissance, aucun indice ne permet de supposer qu'il pourrait y avoir parmi le personnel de l'enseignement libre des maîtres professant des idées en contradiction avec les directives données par M. le Maréchal Pétain. » Le seul incident est considéré comme un problème interne à un établissement.
La dernière partie du rapport contredit le tableau idyllique dressé par l'inspecteur d'académie : entre le 21 avril, date de son arrivée dans l'académie et le 27 septembre, ce n'est pas moins de quinze sanctions qui ont été prises à l'encontre d'enseignants ou d'agents : une mise à la retraite d'office, onze déplacements d'office, une révocation, un renvoi, un blâme. La majorité des sanctions touche le premier degré. Le motif des sanctions n'est pas indiqué (le préfet recevait un dossier pour chaque cas) mais on peut supposer que les déplacements d'office surtout quand ils concernent un couple d'enseignants sont pour motif politique (voir notice instructions pour déplacements d'office).
Auteure : Sylvie Orsoni
Contexte historique
En septembre 1941, enseignants et élèves des Bouches-du-Rhône effectuent leur seconde rentrée dans un univers scolaire profondément modifié par les réformes scolaires entreprises dès les premiers mois du gouvernement de Vichy. L'école est un enjeu majeur pour le régime. Il importe que les jeunes générations soient façonnées selon les principes de la Révolution nationale et aucune voix discordante ne doit provenir du corps enseignant. L'inspecteur d'académie est « invité » par le préfet à lui rendre compte du comportement politique de ses troupes. Son rapport montre qu'il a parfaitement intégré le vocabulaire de la Révolution nationale. Dévouement, loyauté, déférence, vénération sont répétés à chaque paragraphe ou presque. L'auteur du rapport ne voit aucune contradiction entre le tableau d'un corps enseignant appliquant avec dévouement les consignes du régime et la nécessité de prendre toute une série de sanctions. Il montre ainsi qu'il n'hésite pas à pratiquer les épurations nécessaires mais qu'elles ne peuvent être qu'à la marge, l'institution étant globalement saine.
Emile Bottigelli, professeur d'allemand au lycée Thiers, syndicaliste et militant du Parti communiste, lorsqu'il reprend son poste au lycée Thiers en mars 1941 est frappé par l’atmosphère de suspicion qui règne en salle des professeurs et parmi les élèves. On est loin de l'unanimité et de la ferveur avancée par l'Inspecteur d'académie.
Auteure : Sylvie Orsoni
Sources
Echinard Pierre, Orsoni Sylvie, Dragoni Marc, Le lycée Thiers, 200 ans d'histoire, Aix-en-Provence, Edisud, 2004.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, 2, Paris, Syllepse, 2009.