Analyse média

Dès son arrivée à Marseille, Varian Fry est averti par Frank Bohn, le représentant du syndicat américain, l'AFL qui avait été envoyé en France pour aider les hommes politiques antinazis, qu'une partie de son travail devra se faire illégalement. Pour quitter la France, il ne suffisait pas en effet d'avoir un visa du pays d'accueil, il fallait aussi un visa de sortie du territoire français. Or du 12 août 1940 à janvier 1941, le gouvernement de Vichy suspend les visas de sortie alors que les réfugiés antinazis sont susceptibles d'être livrés « sur demande » en vertu de l'article 19.2 de la convention d'armistice. Varian Fry fonde le Comité américain de secours (CAS) le 13 août 1940 et commence son travail dans sa chambre de l'hôtel Splendide, boulevard d'Athènes à Marseille.

L'équipe du Comité américain de secours à ce moment se compose de trois personnes qui ont choisi Varian Fry plus que l'inverse :

Albert Hirschman, Beamish, jeune réfugié allemand de 25 ans, socialiste de gauche, ancien des Brigades internationales et volontaire dans l'armée française qui, à sa démobilisation, prend le nom d'Albert Hermant et se replie à Marseille dans l'intention de rencontrer Varian Fry. Albert Hirscham est chargé des filières clandestines de départ. Il gagne les Etats-Unis en 1941 et revient combattre en Europe au sein de l'armée américaine.

Franz von Hildebrand, Franzi, monarchiste catholique autrichien, ce qui dénote parmi les membres du CAS nettement orienté à gauche. Franz von Hildebrand parle aussi bien allemand qu'anglais et dispose d'un passeport suisse. Il est à la fois une caution de respectabilité pour le CAS et un bon connaisseur du milieu des réfugiés autrichiens.

Lena Fishman, d'origine polonaise, polyglotte, devient la secrétaire de Varian Fry jusqu'à son départ pour les Etats-Unis par Lisbonne en 1941.

 

Dans cet extrait de son récit autobiographique, Varian Fry décrit les procédés pour communiquer avec les Etats-Unis et faire passer la frontière entre la France et l'Espagne à ses protégés. Tous ne pouvaient bénéficier de cette action clandestine : ceux qui n'étaient pas physiquement capables d'emprunter les chemins de montagne, ceux qui étaient trop connus pour que des faux papiers fassent illusion. Aussi chaque soir, l'équipe de Varian Fry étudiait les fiches des réfugiés qui s'étaient présenté et devaient choisir ceux qui avaient le plus de chance de réussir. Les autres recevaient une aide matérielle qui n'était pas négligeable.

 

Début octobre 1940, le CAS s'installe 60 rue Grignan. L'afflux de réfugiés était tel qu'une chambre d'hôtel ne suffisait plus et que le responsable du Splendide souhaitait le départ de ce client encombrant et compromettant.

Contexte historique

Varian Fry (15 octobre 1907-13 septembre 1967) arrive à Marseille le 13 août 1940. Il a derrière lui une carrière de journaliste spécialisé dans les relations internationales. Ses articles et prises de positions témoignent de son hostilité au fascisme et au nazisme. La défaite de la France provoque un élan de solidarité aux Etats-Unis mais aussi une très grande angoisse parmi les réfugiés déjà présents aux Etats-Unis à cause de l'article 19.2 de la convention d'armistice selon lequel les autorités françaises acceptent de livrer « sur demande » les réfugiés que les autorités allemandes réclameront (voire album).  Le 25 juin 1940, au moment où la convention d'armistice entre en vigueur, un grand banquet réunit à New-York des personnalités américaines ou représentatives de l'émigration antinazie. A la suite de ce banquet qui permet de lever des fonds est créé l'Emergency Rescue Committee (Association de Secours d'Urgence, ERC). L'ERC obtient des « visas d'urgence » pour les intellectuels les plus menacés.  Les visas d'urgence sont attribués hors quota qui régissent l'entrée aux Etats-Unis par nationalité depuis les années 1920.La mission de Varian Fry en France doit être au départ très brève et ponctuelle : localiser les bénéficiaires de ces « visas d'urgence » et les inviter à gagner les Etats-Unis. Varian Fry gagne Marseille car c'est le lieu où il a le plus de chance de trouver ses protégés : Marseille est le seul grand port ouvert sur la Méditerranée. De nombreux consulats y ont leurs représentations et en particulier le consulat général américain.

Très rapidement, Varian Fry prend conscience du danger qui menace tous les réfugiés qu'ils soient célèbres ou non. Il recrute une équipe dont les membres se classent, pour la plupart, nettement à gauche.  Le CAS remplit des fonctions caritatives parfaitement légales en secourant des réfugiés. Il envoie plus d'une centaine de colis par mois aux réfugiés les plus pauvres, participe aux actions en faveur des enfants internés dans les camps. Le CAS fait des enquêtes sur les conditions de vie dans les camps d'internement français et envoie des rapports très sévères à Vichy, ce qui indispose le gouvernement.  Varian Fry ne peut se satisfaire de ne sauver que les réfugiés les plus connus, les plus talentueux et les plus intéressants pour les Etats-Unis. Il n'accepte pas de se soumettre à la législation de Vichy et très vite se lance dans le sauvetage de tous ceux qui ne peuvent quitter légalement la France parce que tombant sur le coup de l'article 19.2. Le bruit qu'un américain peut aider les réfugiés se répand comme une traînée de poudre dans la région et le CAS est submergé par les candidats au départ.