Album de photos de l'insurrection du ghetto de Varsovie, avril-mai 1943.
Légende :
Photographies prises à la demande du général SS Stroop pour illustrer ses rapports lors de l'insurrection du ghetto de Varsovie. Avril-mai 1943, classées dans l'ordre chronologique.
Type : Photographie
Producteur : MUREL
Source :
Lieu : Pologne
Analyse média
Ces photographies sont prises à la demande du général SS Jürgen Stroop (photo 1) commandant l'opération de liquidation du ghetto pour illustrer le rapport final qu'il adressa au général SS Krüger, chef de la sécurité pour le Gouvernement général de Pologne. Le général Stroop constitua un album contenant ses télémessages quotidiens ou biquotidiens envoyés à ses supérieurs et 53 photographies dont 38 sont légendées de sa main. Trois exemplaires furent tirés. Les destinataires étaient Himmler, chef suprême de la SS pour tout le Reich,le général SS Krüger, commandant de la SS et de la police SS du gouvernement général de Pologne, enfin Stroop lui-même. L'exemplaire personnel de Stroop fut découvert par la police militaire américaine lors d'une perquisition. Stroop est arrêté le 8 mai 1945. Jugé à Dachau et condamné à mort pour avoir fait exécuté sommairement des pilotes alliés tombés derrière les lignes allemandes, il est extradé en Pologne et condamné à mort pour crimes contre l'humanité. Il est pendu le 6 mars 1952 à Varsovie. Les albums Stroop sont conservés respectivement aux National Archives à Washington DC, aux archives fédérales de Coblence et à l'Institut national de Varsovie.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
(voire notice plan avec légende du ghetto lors de l'insurrection)
Instruit par l'échec de son prédécesseur, le général von Sammern en janvier 1943, le général SS Stroop emploie des moyens considérables lorsqu'est décidée la liquidation définitive du ghetto de Varsovie. Le 19 avril 1943, à 3 heures du matin, les bataillons allemands de Waffen SS, de la Gestapo, de la police allemande et polonaise, de soldats de la Wehrmacht, des gendarmes et soldats ukrainiens et lettons, venus du camp de Trawniki, en tout 7 000 hommes, encerclent le ghetto. Les Allemands disposent d'un équipement de campagne, artillerie , voitures blindées, lance-flammes et lorsque la résistance du ghetto les met en échec,avions larguant des bombes incendiaires. En face, l'OJC(Organisation Juive de Combat) a formé vingt deux groupes de combat et dispose d'environ 700 combattants et combattantes, 350 revolvers, 10 fusils,90 grenades et quelques centaines de cocktails Molotov. Des mines ont été placées à l'entrée des usines Toebbens et Schultz . L' AMJ( Alliance Militaire Juive) d'environ 400 hommes est armée de 80 revolvers, quelques fusils et une cinquantaine de grenades . On peut ajouter un nombre indéfini de personnes sans appartenance à une organisation mais qui disposant d'armes se battront. Un des mots d'ordre donné aux combattants est de récupérer les armes des soldats tués. L'OJC et l'AMJ ont établi des contacts avec la résistance polonaise non juive qui a fourni armes légères , matières premières pour fabriquer les cocktails Molotov et des grenades. Ces contacts seront également très utiles lorsqu'il faudra faire sortir par les égouts les combattants et les faire passer du côté aryen. Les groupes de combat ont constitué des bunkers, dont celui du 18 rue Mila qui abrite l'état-major de l'OJC. Leur connaissance du ghetto leur permet d'être très mobiles , de surprendre l'ennemi et de se désengager. Du 19 au 23 avril, les insurgés ont l'avantage. Ils attaquent depuis les toits les soldats allemands qui pénètrent dans le ghetto. L'AK et la Garde populaire tentent à plusieurs reprises de briser le mur de l'extérieur et permettre ainsi la sortie des combattants, sans succès.
Devant cette résistance imprévue, le général Stroop change de tactique et décide alors d'incendier le ghetto , d'utiliser des bougies asphyxiantes et d'inonder les égouts pour empêcher toute fuite. Le ghetto devient un immense brasier et des centaines de personnes périssent dans les flammes , sont asphyxiées ou ensevelies dans les immeubles que les SS font sauter. Le 8 mai, le bunker de la rue Mila abritant l'état-major de l'OJC est cerné par les Allemands et les Ukrainiens. Une bombe asphyxiante est lancée à l'intérieur du bunker. Ceux qui ne sont pas tués dans l'explosion se suicident. Le commandant Mordechaï Anielewicz est parmi les victimes. Marek Edelman , membre de l'état-major de l'OJC qui combattait dans un autre secteur prend le commandement. Il arrive à fuir le ghetto par les égouts et est récupéré par la résistance polonaise de l'autre côté du mur. Les combats se poursuivent sporadiquement jusqu'en juillet mais le 16 mai, le général SS peut envoyer à ses supérieurs son communiqué final.
Le 10 mai, Arthur Zygelbaum, représentant du Bund à Londres, se suicide pour protester contre l'indifférence des puissances alliées qui ne sont pas intervenues pour secourir les combattants du ghetto.
Les quelques groupes de survivants qui ont réussi à fuir par les égouts rejoignent les partisans qui se battent dans la forêt de Pruszkow ou se cachent dans Varsovie. Certains sont tués par des Polonais antisémites. D'autres périssent dans le soulèvement de Varsovie en août 1944. Une poignée seulement , dont Marek Edelman,est encore en vie à la Libération.
Le soulèvement du ghetto de Varsovie est immédiatement salué par la presse alliée et la presse clandestine de la Résistance en Europe. L'anniversaire du soulèvement du ghetto est encore commémoré aujourd'hui en France. Deux kibboutz en Israël sont dédiés à la mémoire des combattants et combattantes du ghetto.
Sylvie Orsoni
Sources
Blady Szwajger Adina, Je ne me souviens de rien d'autre,éditions Calmann-Lévy, Paris, 1990.
Borwicz Michel (présenté par), L'insurrection du ghetto de Varsovie, éditions Julliard, coll. Archives, Paris, 1996.
Centre de documentation juive contemporaine, Le soulèvement du ghetto de Varsovie et son impact en Pologne et en France, table ronde organisée par le CDJC le 17 avril 1983, éditions CDJC, Paris,1984.
Edelman Marek, Krall Hanna, Mémoires du ghetto de Varsovie, un dirigeant de l'insurrection raconte, éditions du scribe, Paris, version française 1983.
Ringelblum Emmanuel, Chronique du ghetto de Varsovie, éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1959
Le quarantième anniversaire de l'insurrection du ghetto de Varsovie, éditions OMNIPRESS, Département de la Presse, de la Coopération Culturelle et Scientifique du Ministère des Affaires étrangères polonais. Varsovie 1983.
Artillerie mise en place le 20 avril( 2e jour de l'insurrection) devant le mur du ghetto
Message de Stroop : « Je me suis décidé à faire évacuer le bloc par la force ou à le faire sauter. La DCA qui a participé à cette opération-3 pièces de 2 cm- a perdu deux hommes. Le canon de 10 cm a délogé les bandits de leurs positions puissamment fortifiées et leur a infligé des pertes pour autant qu'il nous a été possible de le constater. »
Photos 3, 4 , 5,6 : le ghetto en feu
Stroop : « Varsovie, le 21 avril 1943. Malgré nos efforts nous n'avons pas pu mettre la main sur les 7 à 8000 Juifs qui se trouvaient dans les blocs d'immeubles. Ceux-ci passaient de cachette en cachette par des passages souterrains, en tirant en même temps des coups de feu et ils nous ont échappé. J'ai décidé de faire sauter les passages souterrains et de mettre le feu au bloc...
Varsovie, le 22 avril 1943 : Leurs maisons ayant pris feu, des masses de Juifs, des familles entières, se jetaient par les fenêtres ou essayaient de descendre en se servant de draps de lit... Des mesures ont été prises pour que ces Juifs, aussi bien que les autres soient immédiatement liquidés...Des coups de feu ayant été tirés d'un bloc sur les hommes de la Waffen-SS, celui-ci a été incendié ; il en résulte qu'à présent un plus grand nombre de bandits a du quitter les cachettes et prendre la fuite. Ils ont été exterminés.
Varsovie, le 25 avril 1943 : les opérations de la journée se sont terminées par des incendies gigantesques, allumés par presque tous les groupes de choc pour forcer les Juifs à sortir de leurs cachettes... Hier une lueur rouge recouvrait l'ancien ghetto. Aujourd'hui c'est un océan de flammes. »
Photo n°4
Photo n°5
Photo n°6
Photo n°7
Arrestation d'un combattant d'une casemate( bunker)
Message de Stroop : « Varsovie, le 3 mai 1943. La plupart du temps, les Juifs résistent à main armée avant de quitter les casemates. Nous avons eu deux blessés...
Varsovie le 4 mai 1943. les juifs ne répondent presque jamais à la sommation de quitter volontairement les casemates. Il n'y a que les grenades fumigènes-que nous employons continuellement- qui puissent les forcer à sortir.
Varsovie 8 mai : La racaille, les bandits et les terroristes se cachent encore dans les abris dont la température est devenue intolérable à la suite des incendies. »
Photos 8,9,10
Combattantes du ghetto au moment de leur arrestation.
Ludwig Landau, économiste polonais non juif, abattu le 28 février 1944 : « Le 20 avril 1943. Voici qu'un Juif percé d'une balle s'écroule ; au même moment une femme saisit son fusil mitrailleur, le braque sur les Allemands et continue de tirer avec acharnement. Quelque part , à proximité des murs[ du ghetto] , une multitude de SS entourés de badauds. Alors sur le mur,apparaît une femme qui agitant un fanion rouge, recommande à la population de s'enfuir. »
rapport récapitulatif du général Stroop : « Au cours des combats défensifs, les femmes faisant partie des groupes de combat étaient armées de la même manière que les hommes et appartenaient au mouvement Haloutz[ sioniste]. Il n'était pas rare de voir ces femmes tirer des coups de revolver des deux mains à la fois... Il leur arrivait souvent de cacher dans leur slip des revolvers et des grenades pour les utiliser ensuite contre les hommes de la Waffen-SS, de la police ou de la Wehrmacht. »
Photo n°9
Photo n°10
Photos 11 et 12:
Arrestations de familles dans le ghetto
Message de Stroop : « Varsovie 6 mai 1943, Aujourd'hui, nous avons procédé à un nettoyage spécial des blocs de maisons qui avaient été détruits par le feu le 4 mai. On ne pouvait vraiment pas s'attendre à y trouver des êtres vivants. Malgré cela, nous avons découvert toute une série de casemates encore habitées, dans lesquelles régnait une chaleur de brasier. 1553 Juifs ont été capturés...La police polonaise, alléchée par les primes que nous lui avons promises, fait de son mieux pour nous livrer tout Juif se montrant en ville. Je reçois des lettres anonymes me signalant des Juifs dans le quartier aryen. »
Les Juifs arrêtés sont fusillés sur place ou déportés vers les camps d'extermination et de travail du district de Lublin.
Photo n°12