Destruction des fichiers de l’UGIF à Marseille
Légende :
Bulletin hebdomadaire de renseignements du service régional des Renseignements généraux des Bouches-du-Rhône au préfet régional de Marseille de la semaine du 27 décembre 1943 au 2 janvier 1944
Type : Document administratif
Producteur : MUREL PACA
Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône Droits réservés
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Chaque semaine les Renseignements généraux (RG) adressaient au préfet régional des Bouches-du-Rhône un bulletin de renseignements sur la situation dans la région qui comprenait le département du Gard, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Var, des Alpes-Maritimes et des Basses-Alpes (aujourd’hui dénommé Alpes-de-Haute-Provence). Les pages de ce rapport ne sont numérotées qu’au début et la page présentée ici ne l’est pas. Le rapportest subdivisé en quatre parties. La première présente la réaction de l’opinion publique par rapport à la politique du gouvernement, la deuxième, l’activité des partis politiques, la troisième, la situation économique et la quatrième, les événements importants survenus au cours de la semaine. Dans cette dernière, se trouvent les informations diverses.
Le 31 décembre,le siège de l’Union générale des Israélites de France (UGIF)fut attaqué par plusieurs personnes armées. Les bureaux du 101 rue Sylvabelle à Marseille étaient ceux de la direction de l’UGIF mais cette organisation possédait d’autres locaux dans la cité phocéenne. Le fichier d’identification des Juifs fut brûlé soit environ 700 fiches et quatre machines à écrire furent volées. La présentation de cette attaque par les services des RG est assez brève. Cette opérationétait un acte de Résistance de la part de membres des groupes de combat de l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide). Leur chef, Nat Taich, et Joseph Fainzang participèrent à ce coup de main. Les fiches individuelles de l’UGIF furent détruites dans le poêle se trouvant dans les locaux mais aussi toutes les adresses des enfants juifs confiés à d’autres familles. La disparition de ces documents a certainement sauvé des vies parce que tous ces renseignements s’ils étaient transmis au gouvernement de Vichy ou aux autorités allemandes permettaient l’arrestation des Juifs, leur internement puis leur déportation et donc leur extermination puisque très peu de Juifs déportés depuis la France sont revenus vivants. Le vol des machines à écrire évitait que l’organisation reprît rapidement ses activités et ce matériel pouvait être utile pour la Résistance afin de taper des tracts ou des journaux clandestins car le matériel et l’encre faisaient défaut en période de pénurie.
Marilyne Andréo
© Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 134. Droits réservés
Contexte historique
L’UGIF créée par le gouvernement de Vichy par la loi du 29 novembre 1941. Cette organisation juive était la seule autorisée en France. Elle collabora avec le régime de Vichy et l’Allemagne nazie en fournissant les adresses des Juifs à qui elle portait assistance. Par exemple, le 18 octobre 1943, elle transmit aux Allemands la liste des Juifs hébergés au château de la Verdière à Marseille et deux jours plus tard, 44 personnes dont 30 enfants et 9 mères y furent arrêtées, transférées à Drancy et toutes déportées à Auschwitz par différents convois. Il n’y eut qu’un seul survivant, Claude Lehmann.
Marilyne Andréo
Sources
76 W 134, AD Bouches-du-Rhône, Bulletins hebdomadaires de renseignements du service régional des renseignements généraux (décembre 1943-mars 1944).
La presse antiraciste sous l’occupation hitlérienne, 1940-1944, Paris, Union des Juifs pour la Résistance et l’Entr’aide (UJRE), 1950.
Grégoire Georges-Picot, L’innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, Editions Tirésias, 2011.
Suzette Hazan, « La maison de la Verdière à la Rose : d’une halte précaire à la déportation des enfants et des mères » in Robert Mencherini (dir.), Provence-Auschwitz. De l’internement des étrangers à la déportation des Juifs 1939-1944, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, p.181-202.
Robert Mencherini, Résistance et Occupation (1940-1944), Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Christian Oppetit (dir.), Marseille, Vichy et les nazis, le temps des rafles la déportation des Juifs, Marseille, Amicale des déportés d’Auschwitz et de Haute-Silésie, 1993, p.41-43.
Sylvie Orsoni, « Destruction des fichiers de l’UGIF par des groupes de combat juifs à Marseille », https://museedelaresistanceenligne.org/media10996-Destruction-des-fichiers-de-lUGIF-par-des-groupes-de-combat-juifs-Marseille