Les propriétaires des hôtels Bompard et Atlantic détournent ils une partie des sommes allouées aux femmes internées dans leurs hôtels ?
Légende :
: lettre adressée par le président de la commission d'enquête sur les centres de séjour surveillés au préfet des Bouches-du-Rhône ; 26 septembre 1940, 5 W 360
Type : correspondance administrative
Producteur : MUREL PACA
Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 5 W 360 Droits réservés
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le président de la commission d'enquête sur la situation dans les différents lieux d'internement des étrangers ressortissants des pays ennemis interpelle le préfet des Bouches-du-Rhône sur plusieurs situations. Le premier et le dernier paragraphe concernent des Italiens internés au fort Saint-Nicolas, connu pour l'inconfort de ses cellules.
Les paragraphes deux et trois soulèvent le problème des centres d'internement hâtivement mis en place dès janvier 1939. A Marseille, les hôtels Atlantic et surtout Bompard sont réquisitionnés à partir de juin 1940 pour recevoir des femmes ressortissantes de pays ennemis. La commission relève « l'entassement invraisemblable » des internées qualifiées clairement de « prisonnières », et l'insuffisance de la nourriture qualifiée de « dérisoire ». Les propriétaires des hôtels ne maîtrisent pas le nombre de personnes internées et ne peuvent être tenus pour responsable de la surpopulation de leurs hôtels. En revanche ils reçoivent de l'État une allocation journalière pour nourrir leurs pensionnaires. La commission estime que la somme allouée (17 francs par jour et par personne) permet une alimentation correcte. Le préfet est donc prié de faire la lumière sur les agissements des propriétaires des hôtels soupçonnés de détourner une partie des sommes destinées aux internées.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
En juin 1940, l'hôtel Bompard, situé rue des Flots Bleus dans le 7e arrondissement de Marseille est réquisitionné pour recevoir des femmes ressortissantes de pays ennemis ou étrangères. 150 Autrichiennes, bientôt rejointes par des Italiennes et des étrangères. A partir de novembre 1940, l'hôtel Bompard devient un centre de transit pour les femmes et les enfants en instance d'émigration. Il est administrativement rattaché au camp des Milles où sont internés les hommes et les garçons de plus de treize ans. C’est un centre fermé et le président de la commission d'enquête ne cherche pas à euphémiser le statut des internées : il les qualifie de « prisonnières ».
Comme dans tous les lieux d'internement, l'insalubrité, la promiscuité et le manque de nourriture sont criants. Et comme dans tous les lieux d'internement, on retrouve les accusations de détournement des sommes allouées au ravitaillement des internés. Les commissions d'enquête n'amènent pas de véritables améliorations et les femmes internées à Bompard continueront jusqu'à sa fermeture à se plaindre de la saleté, de la promiscuité et des rations alimentaires insuffisantes.
Sylvie Orsoni
Sources
Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche, Paris, 1999.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, De la galaxie des Milles aux rafles de juifs en Provence, in Provence-Auschwitz. De l'internement des étrangers à la déportation des Juifs, 1939-1944 (dir. Robert Mencherini),collection Le temps de l'Histoire, P.U.P., Aix-en Provence, 2007.
Orsoni Sylvie, Etrangères indésirables : les centres d'internement féminin à Marseille (1940-1942), in Provence-Auschwitz. De l'internement des étrangers à la déportation des Juifs, 1939-1944 (dir. Robert Mencherini),collection Le temps de l'Histoire, P.U.P., Aix-en Provence, 2007.