Situation déplorable du 167e GTE (groupement de travailleurs étrangers) à La Ciotat, 4 février 1941.
Type : correspondance administrative
Producteur : MUREL PACA
Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 7- W 188 Droits réservés
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
Analyse média
Le colonel Kuhnmunch, commandant militaire des Bouches-du-Rhône alerte de manière très pressante le préfet sur la situation des membres du 167e GTE basé à La Ciotat. Il relève « une insuffisance dans l'habillement et de couchage » et souligne que cette situation s'étend aux GTE espagnols de tout le département. La responsabilité du préfet est directement engagée : « en vous demandant d'agir auprès du représentant départemental qui vous est subordonné et sur qui vous exercez un contrôle...pour qu'il y remédie de toute urgence ».
Le colonel Kuhnmunch tient cependant à ce que sa démarche ne soit pas mise sur le compte d'un humanisme déplacé : « Cette situation peut, si elle se prolonge, constituer une menace pour l'ordre public et c'est à ce titre qu'elle m'intéresse. » Expression du sentiment profond du colonel ou souci d'efficacité dans le contexte politique de l'époque ? La lettre garde quoiqu'il en soit son caractère pressant.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
Les GTE (groupements de travailleurs étrangers) sont créés par la loi du 27 septembre 1940. Ils prennent la suite des CTE (compagnies de travailleurs étrangers) créées en 1939 pour faire participer les travailleurs étrangers à l'effort de guerre. Pour Denis Peschanski, l'objectif est d'exclure de la communauté nationale des éléments dangereux pour la cohésion et la sécurité nationales et protéger les nombreux soldats français démobilisés qui vont se retrouver sur le marché du travail d'une concurrence jugée illégitime. Mais le manque de main d'œuvre lié à l'absence de centaines de milliers de prisonniers de guerre amène à utiliser la force de travail constituée par les réfugiés étrangers, en particulier espagnols, très nombreux après l'effondrement de la République et le grand exode de janvier-février 1939. Les GTE dépendent donc du ministère de la production industrielle et le GTE de La Ciotat est employé à des travaux forestiers pour le compte de l'administration des eaux et forêts mais le ministère de la Production industrielle met aussi les GTE à la disposition d'entreprises industrielles privées dans des domaines aussi variés que la construction navale ou l'extraction du sel.
Les conditions de travail sont très difficiles dans tous les GTE et les accidents très nombreux pour des hommes qui n’avaient pas toujours été des travailleurs manuels dans leur pays. Les conditions de vie s'apparentent à celles des camps d'internement : manque d'hygiène, nourriture insuffisante et/ou de qualité médiocre. La situation du 167e GTE de La Ciotat est suffisamment préoccupante pour que le colonel, commandant le département des Bouches-du-Rhône adopte ce ton comminatoire à l'égard du préfet.
Sylvie Orsoni
Sources
Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche, Paris, 1999.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.
Mencherini Robert, De la galaxie des Milles aux rafles de juifs en Provence, in Provence-Auschwitz. De l'internement des étrangers à la déportation des Juifs, 1939-1944 (dir. Robert Mencherini),collection Le temps de l'Histoire, P.U.P., Aix-en Provence, 2007.
Peschanski Denis, La France des camps, L'internement 1938-1946, Gallimard, Paris, 2002.