Une école pour le camp de nomades de Saliers( Bouches-du-Rhône), 10 décembre 1942, 142 W 177
Type : correspondance administrative
Producteur : MUREL PACA
Source : © archives départementales des Bouches-du-Rhône, 142 W 77 Droits réservés
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône
Analyse média
Le 10 décembre 1942, le commandant du camp de Saliers, Albert de Pelet, informe l'inspecteur général des camps d'internement des obstacles qu'il rencontre à l'organisation d'une école dans le camp de nomades de Saliers. Le destinataire de cette courte note montre que le camp de Saliers n'est pas un centre ouvert (voire contexte historique).
Le projet initial comprenait la construction d'une école pour scolariser les enfants des nomades internés. L'architecte des Monuments historiques avait pris grand soin de donner au camp l'apparence d'un village comme le montre le plan en album et sa présentation du projet (voire la notice « le camp de nomades de Saliers, outil de propagande pour le gouvernement de Vichy »). Le local destiné à recevoir les élèves ne satisfait pas l'inspecteur primaire. Celui-ci est-il particulièrement difficile ou l'école prévue n'a-t-elle jamais été construite ? La seconde hypothèse semble la bonne car un rapport de l'inspecteur général des camps daté du 5 février 1944 indique « Aucun local n'a été prévu pour l'enseignement des enfants ».
Le local visité par l'inspecteur primaire ne peut contenir plus de quarante personnes alors que 121 enfants sont scolarisables. Le commandant pense tourner la difficulté en ne donnant aux enfants que des demi-journées de cours.
La population du camp semble avoir été constituée de façon hasardeuse puisque des familles « venant de Rivesaltes, quelques-unes Alsaciennes et non nomades » sont internées. Elles ne semblent pas destinées à demeurer dans le camp mais la décision n'appartient visiblement pas au commandant.
Le commandant de Pelet semble soucieux d'offrir aux enfants internés une scolarité minimale mais le rapport de février 1944 montre que ses efforts sont restés vains.
Sylvie Orsoni
Contexte historique
Le 25 mars 1942, une conférence interministérielle décide de créer dans le hameau de Saliers sur la commune d'Arles un camp pour nomades. En juillet 1942, une cinquantaine d'hommes internés à Rivesaltes sont transférés à Saliers pour construire le camp (voire notice photo du camp de Saliers en construction). Leurs familles et d'autres internés de Rivesaltes les rejoignent en novembre alors que seules 24 cabanes sur les trente prévues sont édifiées. Les installations prévues par l'architecte des Monuments historiques ne seront jamais totalement réalisées et le camp restera à l'état d'ébauche. Le camp devait permettre la sédentarisation des nomades et l'école devait contribuer à détacher les enfants du mode de vie traditionnel de leurs parents. L'instituteur espéré par le commandant du camp restera lui aussi un vœu pieux.
Le commandant montre indirectement le caractère racial des critères d'internement. Les familles alsaciennes internées à Rivesaltes ont été expulsées par les Allemands selon des critères raciaux même si elles étaient sédentarisées.
Le commandant du camp, Albert de Pelet dépend du Service Social des étrangers qui reçoit la gestion de Saliers. Il demande à être envoyé à Saliers car il fait partie du réseau de résistance Vengeance et il est chargé d'organiser la réception des parachutages britanniques. Le lieu lui paraît très propice. Il est muté en avril 1943 et remplacé par Albert Robini également membre de la Résistance.
Saliers qui devait être un camp-vitrine restera, malgré les efforts des responsables administratifs, un échec et un exemple de l'inhumanité des camps d'internement.
Sylvie Orsoni
Sources
Bertrand Francis, Jacques Grandjonc, « Un ancien camp de bohémiens » : Saliers, in Les camps en Provence. Exil, internement, déportation. 1933-1942, (dir. Grandjonc Jacques, GrundtnerTheresia, Aix-en-Provence, Alinea, 1984.
Debilly isabelle, Un camp pour les Tsiganes, Saliers, Bouches-du-Rhône, 1942-1944, dossier pédagogique n°6, Archives départementales, Conseil général des Bouches-du-Rhône, 2001.
Grynberg Anne, Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français, 1939-1944, La Découverte/Poche,Pari, 1999.
Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi Rouge, ombres et lumières, tome 2. Paris, Syllepse, 2009.