Analyse média

Le Petit Marseillais qui se targue dans son bandeau d'être le plus important journal de province a un tirage quotidien d'environ 280 000 exemplaires ce qui le situe en tête des journaux marseillais . Il a accru en 1938 son influence régionale en prenant le contrôle du Petit Var et de La République du Var.

Le 8 octobre 1940, Le Petit Marseillais consacre le quart de sa Une à l'annonce de l'abrogation du décret Crémieux  (voire contexte historique). La loi abrogeant le décret Crémieux est adoptée en conseil des Ministres le 7 octobre et promulguée au Journal officiel le lendemain. Le Petit Marseillais en rend immédiatement compte.La casse attire l'attention du lecteur sur la conséquence essentielle de cette abrogation : les Juifs d'Algérie ne sont plus citoyens français. L'article est purement descriptif, sans commentaire ni analyse. La source ,Havas, joue sur une ambiguïté. En octobre 1940,  Havas, qui fut la plus ancienne agence de presse au monde, n'existe plus en tant qu'agence de presse indépendante. Elle est démembrée par les autorités allemandes et le gouvernement de Vichy. Dés juin 1940, les autorités allemandes s'emparent des locaux parisiens  et constituent un groupe d'agences de presse sous la direction de la Propaganda-Staffel. De son côté,  le gouvernement de Vichy,  par la loi du 25 juillet 1940 crée l'Office français d'information (OFI).  Conserver l'ancienne appellation permet de masquer le fait que cet article est en réalité un communiqué gouvernemental. La rédaction du Petit Marseillais  ne peut l'ignorer.

D'autres  articles annoncent  dans les jours suivants la préparation puis la promulgation d'un statut des Juifs.  Le statut des Juifs est adopté par le gouvernement le 3 octobre mais pas encore promulgué lorsque paraît cet article. Le Petit Marseillais participe donc à une campagne de presse visant à préparer l'opinion à des mesures discriminatoires. Dans les jours suivants, lorsque le statut des Juifs est  promulgué, le journal en commente très favorablement les mesures antisémites (voire notice Le Petit Marseillais approuve le statut des juifs).

 

Contexte historique

De tendance conservatrice avant guerre, Le Petit Marseillais  se montre d’emblée un partisan enthousiaste du maréchal Pétain et soutient la Révolution nationale.  Le quotidien sous la direction de Jean Gaillard Bourrageas  se rapproche  à partir de 1941 du PPF et de son leader local Simon Sabiani(voire notice premier grand procès de .presse : procès Laval, Lejeune, Gaillard-Bourrageas in épuration)

Le décret Crémieux adopté le 24 octobre 1870 accordait aux Juifs nés en Algérie ou de parents nés en Algérie avant la conquête française (d'où le terme d'indigènes) la qualité de citoyen français. Le lieu de naissance était le critère déterminant.  Les Juifs d'Algérie disposaient des mêmes droits civils et politiques que les citoyens de métropole. L'abrogation du décret Crémieux concerne uniquement les droits politiques . Les Juifs d'Algérie restent soumis au droit civil français, ils sont séparés des autres populations indigènes d'Algérie qui gardent un statut personnel fondé sur la coutume.  Ils ont donc un statut spécial qui les différencie aussi bien des citoyens français que des indigènes.

L'annonce de l'abrogation du décret Crémieux constitue la première manifestation publique des mesures antisémites qui vont suivre et qui reposent sur une définition raciale de qui est juif (voire notice premier statut des Juifs, 3 octobre 1940) . Le statut des Juifs adopté le 3 octobre n'est publié au Journal officiel que le 18.