Libération d’Avon
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Collection Claude Cherrier Droits réservés
Détails techniques :
Photographie analogique en noir et blanc.
Date document : 24-25 août 1944
Lieu : France - Ile-de-France - Seine-et-Marne - Avon
Analyse média
Photographe non identifié.
Contexte historique
Petite commune jouxtant Fontainebleau ; activités de sauvetage de réfractaires et d’enfants juifs (couvent des Carmes du Père Jacques) ; complicités résistantes dans les services municipaux ; commune éprouvée par la répression.
S'il est difficile de séparer géographiquement Avon de Fontainebleau, cette petite bourgade de 4 480 habitants ne ressemble en rien à sa voisine, résidentielle et de garnison. Avon présente un aspect plutôt rural, celui d'un village de jardiniers et de maraîchers (la "Vallée" maraîchère).
La commune connaît, comme ailleurs, son cortège de souffrances. On recense l'exécution de cinq Avonais et d'un habitant de Thomery en mai 1942, pour faits de braconnage. Cette répression brutale fait 23 orphelins de père. On peut citer également le cas de Gaston Laidin, dénoncé pour détention d'armes et déporté en mai 1944. En ce qui concerne la persécution antisémite, signalons que la communauté juive réside principalement à Fontainebleau. Elle n'épargne cependant pas Maurice Level.
A Avon, le Front national recrute très tôt pour le groupe d'Emile Junguenet, concessionnaire automobile à Fontainebleau. Parmi les Avonais qui rejoignent cette organisation, on peut citer Henri Mireux (déporté, il mourra à Buchenwald), Gaston Sinet (arrêté par la police française en mars 1943, il meurt à Bergen-Belsen à 24 ans) ou encore Gabriel Georges (décédé également en Allemagne en juillet 1944). Guy Borel entre pour sa part à Ceux de la Résistance (CDLR) et rend de grands services comme fonctionnaire des postes (mort à Dachau en juillet 1944). René Teinturier, instructeur au centre inter-armes, procure des armes aux résistants et se charge de leur en enseigner le maniement (arrêté en juin 1943, il meurt à Mauthausen).
Mais Avon s'illustre surtout par des activités de sauvetage. C'est notamment celle de Camille Nolleau qui n'adhère à aucun groupe, héberge des réfractaires et se fait finalement arrêter avant de disparaître à Buchenwald en janvier 1944. C'est également celle du Père Jacques de Jésus (Lucien-Louis Bunel), supérieur du petit collège annexe au couvent des Carmes. Membre du réseau Vélite, il est surtout le protecteur et le professeur d'élèves juifs avec l'active complicité des religieuses parisiennes de Sion et de celles de Bourron-Marlotte. Il est finalement arrêté avec trois de ces enfants (disparus à Auschwitz) le 15 janvier 1944. Il ne survivra pas à sa déportation.
Outre le couvent des Carmes, l'autre centre d'une Résistance de sauvetage est la mairie d'Avon. Le maire, Rémy Dumoncel (né en 1888), juriste, est un héros de la Première Guerre mondiale. En 1919, il a épousé la fille de Jules Taillandier. Maire depuis les élections de 1935, il est maintenu dans ses fonctions pendant la guerre. Occupant un poste important aux Editions Tallandier, il partage son temps entre Avon et Paris. Il soutient les auteurs qui ne peuvent plus publier, lutte pour éviter la mainmise allemande sur la maison à l'instar du cas Hachette. Au sein du personnel administratif de la ville se met en place un efficace système d'entraide. Ainsi Charles Ziegler, interprète et employé municipal d'origine hongroise se procure de faux Ausweis avec de faux cachets de la Kommandantur destinés aux prisonniers évadés. Il procure également de l'essence à Lucien Canus (49 ans) chargé du ravitaillement communal, soudoyant les Allemands. Face au STO, il faut cacher les réfractaires parmi lesquels ont trouve d'ailleurs les deux fils du maire. Il s'agit aussi de les munir de fausses pièces d'identité, travail qui incombe à Paul Mathéry (34 ans). Au centre de cette Résistance, se retrouvent également Léon Guéneau (50 ans), officier en retraite affecté à la gestion des cantines scolaires et à l'aide aux famille des prisonniers, et Lucien Canus. Enfin, il convient de fournir le Père Jacques en titres d'alimentation pour ses protégés.
Les services municipaux vont être éprouvés par la répression. En mai 1943, Léon Guéneau est arrêté puis déporté. Le 15 janvier 1944, le SD arrête Paul Mathéry en même temps que le Père Jacques. Le 29 février, c'est au tour de Lucien Canus. La situation des autres membres du conseil municipal est fixée le 4 mai : le maire, Rémy Dumoncel, Aristide Roux (66 ans), maire-adjoint, Etienne Chalut-Natal (53 ans), comptable de profession, et enfin Charles Ziegler sont arrêtés et déportés. Ils ne rentreront pas.
Enfin, il faut mentionner l'engagement de certains Avonais hors du département de Seine-et-Marne. Ainsi en est-il de René François qui gagne les forces aériennes gaullistes en 1942. Quant à André Levasseur, orphelin confié par le père Jacques à Albert Ouzoulias, on le retrouve dans un maquis près de Vesoul. On peut citer encore les cas de Claudius Azambourg, résistant dans la Somme, et de Gérard Massot, actif en Normandie. Tous mourront au combat ou en Allemagne.
Avon a compté 23 déportés. Cinq d'entre eux revinrent des camps (aucun du Conseil municipal). La commune a reçu une citation à l'ordre de la division, comportant l'attribution de la Croix de Guerre le 11 novembre 1948.
Pour de plus amples informations sur la mise en place de la Shoah en Seine-et-Marne et cela plus particulièrement à Avon, voir l'article de Frédéric Viey (mai 2013).
Auteur : Claude Cherrier in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Sources et bibliographie :
Archives nationales, 72 AJ 192 (notes sur la Résistance à Avon et listes).
Archives départementales de Seine-et-Marne, sc. 26489 (rapport des RG n° 356 sur les arrestations du 15 janvier 1944).
Maryvonne Braunschweig (sous la dir.), "Les déportés d'Avon, Projet d'action éducative autour du film de Louis Malle", Malesherbes, 1988.
Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la Jeunesse, Paris, Editions sociales, 1967.
"Rémy Dumoncel" in La République de Seine-et-Marne du 9 septembre 1946.
Divers articles de La Marseillaise de Seine-et-Marne parus le 25 mai 1945 et 12 juin (Le Père Jacques), le 5 juin 1945 (Rémy Dumoncel mort en Allemagne), le 9 novembre 1945 (Henri Mireux et Etienne Chalut-Natal), le 4 décembre 1945 (Aristide Roux).