Télégramme d’« Hexagone » au général Koenig
Genre : Image
Type : Télégramme
Source : © Archives privées Serge Ravanel, don à l’AERI Droits réservés
Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées)
Analyse média
Dans ce télégramme, Serge Ravanel (« Hexagone ») demande une mission militaire avec un radio car il y a des problèmes de communication avec Londres et des problèmes avec « Chainette », pseudo d’André Pommiès dans ses relations avec Londres :
« N°3 du 20 juillet 1944
Hexagone à Général Koenig. Top. Insiste une fois plus carence DMR* et impossibilité totale je dis totale Région FFI communiquer directement avec vous. Top. Situation présente ne peut continuer. Top. Demande urgence mission militaire avec radio auprès de moi. Fin.
*DMR : délégués militaires régionaux
N°4 du 20 juillet
Hexagone à Général Koenig. Top. Demande une fois plus donniez ordre impératif toutes formations dissidentes entrer dans FFI et entièrement à nos ordres en particulier Chainette et supprimez leur liaison directe avec vous. Fin. »
Telegram from « Hexagone » to General Koenig
In this telegram, Serge Ravanel « Hexagone » asks for a military mission with a radio because there had been problems communicating with London and problems with « Chaînette », an alias of André Pommiès, and his personal connection to London:
« Number 3 on July 20 1944
Hexagone to General Koenig. Stop. Must insist again on DMR [or regional military leaders] deficiency and absolute total impossibility of regional FFI to communicate directly with you. Stop. Present situation cannot continue. Stop. Request urgent military mission with radio for myself. End.
Number 4 on July 20
Hexagone to General Koenig. Stop. Must request once again that you order all dissident units to join with FFI and follow our orders completely specifically Chaînette and end their direct communication with you. End. »
Traduction : Carolyn Burkett
Auteur : Laure Bougon
Contexte historique
Le corps-franc Pommiès
André Pommiès est un militaire de carrière. Chef de bataillon quand l'invasion de la zone libre a lieu, son patriotisme le fait aussitôt réagir pour "bouter l'Allemand hors de France". Il veut créer " des unités soustraites à toute influence politique et dont la mission sera purement militaire". Elles constitueront un corps-franc P. (pyrénéen), qui sera appelé à la Libération corps-franc Pommiès (CFP). Il en est le chef, remarquable organisateur et entraîneur d'hommes, il forme dans le Sud-Ouest des groupements clandestins de volontaires bien encadrés, bien équipés. Ils sont regroupés d'abord dans le cadre départemental, ensuite par grandes zones géographiques. Un service de contre-espionnage est créé. Une liaison radio directe avec Londres permet d'obtenir des parachutages d'armes et l'envoi d'un instructeur spécialiste en explosifs. Quelques sabotages sont effectués avec succès.
Pour des raisons de sécurité, le chef Pommiès adopte plusieurs pseudonymes : à l'intérieur du CFP, il est " Le Bordelais ", " Palaminy ", " Saves ", " Salvetat ", " Murat " ou " Paganini " ; pour les autres organisations de Résistance, il est "Garrigue(s) " ou " Lambert " ; dans ses relations avec Londres il est " Chaînette ", dans celles avec Alger il est " Davout ". Toutes ces précautions lui permettront d'échapper aux arrestations.
Mais son caractère entier et peu accommodant suscite des tensions avec d'autres groupes résistants. Il est hostile aux orientations progressistes d'une bonne partie de la Résistance intérieure. Il cherche à préserver son autonomie, quitte à freiner le mouvement d'unification. En 1943, un projet d'accord avec l'AS échoue. Et si, en février 1943, il a accepté d'être chef régional OMA (la future ORA), il en démissionne le 3 août 1944 parce qu'il refuse une " collaboration étroite à tous les échelons avec les CFL " et les FFI. Les discussions reprennent au printemps 1944 avec les CFL puis avec les FFI. L'interlocuteur du chef Pommiès est désormais Serge Ravanel, chef régional CFL puis FFI. Il s'agit de mettre en application des accords d'intégration signés au niveau national avec l'ORA. Mais les difficultés viennent du fait que Pommiès refuse d'entériner les options politiques inscrites dans le programme du CNR. Il veut préserver ses relations personnelles avec Londres et garder ainsi une marge d'autonomie. Il n'accepte pas de devenir le subordonné, ni même " le premier adjoint " de Ravanel. Les documents dénotent alors des relations souvent orageuses entre les deux hommes. Pommiès conteste la nomination de Ravanel le 4 juin 1944 comme chef régional FFI, il prétend qu'on veut lui forcer la main, il réclame une confirmation officielle du général Koenig, qu'il n'aura que... le 6 août 1944 ! Jusqu'au bout il montre des réticences à appliquer les ordres du commandement régional FFI. S'appuyant sur le fait qu'il a reçu du général Koenig des instructions " prioritaires " qui lui demandent de " verrouiller la frontière espagnole entre Hendaye et Luchon ", il hésite à obéir aux ordres de Ravanel, qui lui intiment d'envoyer la brigade Chiron-détachement de Clerck en renfort sur Toulouse à l'approche de la Libération. Dans la note qu'il envoie à Pommiès le 20 août 1944, Ravanel précise que cette unité doit " s'y trouver (à Toulouse) demain 21 août. Je maintiens formellement cet ordre. L'ordre reçu directement par vous du Général Koenig ne tient aucun compte de la situation. (...) Je prends l'entière responsabilité de cet ordre. Je vous demande de penser la vôtre, si vous refusez d'y obéir ". A l'approche de la Libération, il diverge aussi sur la stratégie à suivre, tout en préservant une coopération minimum avec les autres unités. Son corps-franc joue alors un rôle actif dans les accrochages et les affrontements qui ont lieu. Le réalisme finit par l'emporter. Pommiès obéit, mais à sa façon. Il préfère détacher le groupement NE du CFP installé dans le Lot et le Tarn-et-Garonne, et il envoie à Toulouse " ce détachement Cramaussel, qui doit traverser la ville pour rejoindre les Pyrénées, et se mettre temporairement à la disposition du Chef régional FFI " ! Il poursuit ensuite l'armée allemande en retraite, et il livre des combats victorieux à Autun, dans le Morvan, et jusqu'en Allemagne.
Pommiès' Corps-Franc
André Pommiès was a career military man. A battalion leader when the free zone was invaded, his patriotism led him to quickly redirect his efforts in order to « kick the Germans out of France ». He wanted to create « units removed from all political influence and whose mission would be purely military ». They made up a corps-franc unit called P. (for the Pyrénées), which would later be called Libération Corps-franc Pommiès or CFP. A remarkable organizer and leader for his men, he was the head of the CFP and formed secret groups of volunteers in the south-west that were well-entrenched and well-equipped. First they were grouped according to departments, then according to large geographical zones. A counter-espionage network was created. A direct radio connection with London allowed them to obtain arms parachute drops and led to the arrival of a specialist in explosives. Several acts of sabotage were successful.
For security reasons, Pommiès adopted many aliases: inside the CFP organization, he was « Le Bordelais », « Palaminy », « Saves », « Salvetat », « Murat » or « Paganini »; among the other Resistance organizations he was « Garrigue(s) » or « Lambert »; in his communications with London he was « Chaînette » and in communications with Algiers he was « Davout ». All these precautions allowed him to avoid being arrested.
But his strong temperament, with little patience for others' opinions, created tensions with the other Resistance groups. He was against the progressive ideas held by a large part of the interieur Resistance groups. He looked to preserve his autonomy and was even willing to leave discussions with other groups in order to slow down the unification movement. In 1943, an agreement with the Armée secrète (AS) failed. And even though he had accepted the leadership position of the regional Organisation métropolitaine de l'Armée (the future Organisation de la Résistance de l'Armée [ORA]) in February 1943, he stepped down on August 3 1944 because he refused a « close collaboration with all the levels of the Comité français de la Libération [CFL] » and the French Interieur Forces (FFI). During the spring 1944 discussions picked up again between the CFP and the CFL and later with the FFI. The intermediary, however, was Serge Ravanel, the regional head of the CFL and later the FFI. He acted to enforce the unification agreements signed on the national level with ORA. But arguments stemmed from the fact that Pommiès refused to endorse the political opinions held by the Comité national de la Résistance (CNR). He wanted to preserve his personal relationships with London and also retain a level of autonomy. He would not accept a subordinate position or the post of «first aide» to Ravanel. Documents prove the relations between the two men were often stormy. Pommiès contested the nomination of Ravanel on June 4 1944 as the regional head of the FFI; he pretended that the others were forcing him to accept the decision without any form of recourse and he called for an official confirmation from General Koenig which he would not receive until...August 6 1944! From the beginning he showed a great deal of reluctance to enact the orders from the regional leaders of the FFI. Claiming that he had received instructions from General Koenig that « were top priority » and required him to « secure the Spanish frontier between Hendaye and Luchon », he hesitated to obey Ravanel's orders which instructed him to send a detachment from the Chiron brigade of Clerk to reinforce Toulouse as the liberation approached. In a note he sent to Pommiès on August 20 1944, Ravanel specified that this unit must « be there (in Toulouse) tomorrow August 21. I formally stand by this order. The order you received directly from General Koenig has no bearing on this situation...I take entire responsibility for this order. I caution you to think twice about the consequences if you refuse to obey these orders ». He also followed different strategies, all while maintaining the minimum amount of cooperation with the other units as the liberation came closer and closer. His corps-franc unit also played an active role in the clashes and confrontations that took place. Realism eventually prevailed. Pommiès obeyed the orders, but in his own manner. He preferred to send the NE group from the CFP that was in Lot and Tarn-et-Garonne, and he sent to Toulouse « this Cramaussel group, which will have to traverse the city in order to join the Pyrénées group and temporarily place themselves at the will of the regional head of the FFI »! He then pursued the retreating German army and he led victorious battles at Autun, in Morvan and into Germany.
Traduction : Carolyn Burkett
Source : Michel Goubet, in cédérom la Résistance en Haute-Garonne, AERI, 2009.