Jean Cassou
Genre : Image
Type : Photographie
Source : © Musée de l’Ordre de la Libération Droits réservés
Détails techniques :
Photographie noir et blanc.
Lieu : France
Contexte historique
Jean Cassou est né le 9 juillet 1897 à Deusto, près de Bilbao, d'un père ingénieur centralien, originaire du Béarn, qui a longtemps travaillé en Espagne, et d'une mère andalouse. Son père meurt en 1913, alors que son fils n'a que 16 ans et le jeune homme doit occuper divers petits métiers (secrétariat, cours du soir...) pour faire vivre les siens. Il décroche néanmoins son baccalauréat en 1917 et commence des études d'espagnol à la Sorbonne. Passionné très tôt par la création artistique en général, par la littérature et l'art moderne en particulier, il participe à plusieurs petites revues littéraires auxquelles il donne des articles dès 1919. A 26 ans, en 1923, il réussit le concours de rédacteur au ministère de l'Instruction publique qui le libère de ses soucis matériels. Deux ans plus tard (1925), il fait paraître son premier roman, Eloge de la folie. Très lié aux artistes de Montparnasse, il fait preuve d'une grande activité intellectuelle, traduisant des auteurs espagnols, publiant des essais sur l'art et des romans, collaborant enfin à des revues renommées comme la NRF et la Revue Européenne.
A partir de 1932, il devient inspecteur des Monuments historiques. Viscéralement allergique à l'idéologie fasciste, il s'engage, au lendemain du 6 février 1934, au CVIA et dirige, à partir de 1936, la revue Europe, véritable fer de lance de l'antifascisme culturel, fondée par Romain Rolland et dirigée un temps par Louis Aragon. Il collabore dans le même temps à de nombreuses publications antifascistes et c'est l'hebdomadaire Vendredi, dirigé par son ami Jean Guéhenno, qui fait paraître sous forme de feuilleton son roman traitant de la Commune Les Massacres de Paris.
Au moment de la victoire électorale du Front populaire (mai 1936), il rejoint le cabinet de Jean Zay, jeune ministre radical de l'Education nationale. Chargé des questions artistiques, il y retrouve son vieil ami l'universitaire Marcel Abraham qui occupe le poste de chef de cabinet. Partisan enthousiaste du Frente popular espagnol, il se rend à plusieurs reprises de l'autre côté des Pyrénées en 1936 et milite activement en faveur d'une intervention militaire française dès le début de la guerre civile. Il se rapproche alors du Parti communiste dont il partage les analyses sur la nécessité d'une intervention en Espagne pour contrer l'extension du fascisme. A la chute du Front populaire en 1938, il est nommé conservateur adjoint du musée du Luxembourg devenu musée d'Art Moderne.
En août 1939, au moment de la signature du pacte germano-soviétique, il rompt avec le PC. Mobilisé comme "affecté spécial", il s'occupe de l'évacuation des oeuvres d'art et de la constitution de dépôts à Chambord et dans d'autres châteaux ; c'est à Valençay, ancienne résidence de Talleyrand, qu'il apprend l'armistice.
Rentré à Paris, il est nommé en septembre 1940 directeur du musée national d'Art Moderne mais le régime de Vichy le révoque immédiatement en raison de son profil politique. Dans une capitale accablée par la débâcle, il retrouve bientôt certains de ses amis d'avant-guerre comme l'écrivain Claude Aveline, Marcel Abraham ou encore Agnès Humbert qui travaille au musée des Arts et Traditions populaires. Tous refusent la défaite et sont désireux d'agir. Très vite se forme un petit cercle d'une dizaine de membres qui se retrouvent régulièrement chez les frères Emile-Paul, éditeurs au quartier latin, ou chez Simone Martin-Chauffier pour discuter et échanger des nouvelles. Ces "Français libres de France" comme ils se sont eux-même baptisés en viennent rapidement à fabriquer papillons et petits tracts qu'ils distribuent, placardent et "oublient" un peu partout dans Paris.
Par l'intermédiaire d'Agnès Humbert et de Paul Rivet, directeur du Musée de l'Homme, Cassou entre en contact, à l'automne 1940, avec le linguiste Boris Vildé. Cette rencontre est décisive car le groupe qui s'est constitué au Musée de l'Homme a déjà pris une longueur d'avance en matière d'organisation et déploie ses activités dans les domaines variés du renseignement, de la propagande et de l'évasion. Vildé, qui souhaite structurer la Résistance naissante, confie aux "Français libres de France" la tâche de fabriquer un véritable journal clandestin. Désormais entièrement libre de son temps, Cassou s'investit totalement dans ce projet ; véritable maître d'oeuvre, il coordonne le travail d'une petite équipe dans laquelle on retrouve Agnès Humbert, Marcel Abraham, Simone Martin-Chauffier et Claude Aveline. Le premier numéro de Résistance paraît le 15 décembre 1940 sur quatre pages, tiré sur la vieille ronéo du Musée. Cassou en est le rédacteur principal même si l'éditorial est de la plume de Vildé et de son adjoint, Anatole Lewitsky. Le journal, qui aura au total cinq numéros (le dernier daté de mars 1941 étant entièrement l'oeuvre de Pierre Brossolette), est un des premiers organes clandestins à paraître régulièrement en zone occupée.
Mais la répression ne tarde pas à s'abattre et les arrestations se succèdent au sein de la nébuleuse du Musée de l'Homme à partir de janvier 1941, toutes dues à l'action d'agents doubles infiltrés. Sentant la nasse se refermer inexorablement sur eux, Aveline, Abraham et Cassou quittent Paris pour la zone libre. Il était temps ; Agnès Humbert, demeurée fidèle au poste pour assurer la continuité de la parution du journal, tombe le 15 avril 1941. C'en est alors terminé de la première expérience résistante parisienne de Jean Cassou. Replié à Toulouse, il poursuit ses activités en intégrant le réseau constitué autour de l'universitaire Pierre Bertaux et du libraire italien Sylvio Trentin. Rapidement repéré par le Bureau des menées antinationales (BMA) de Toulouse, victime d'une trahison, le groupe est durement touché par un coup de filet de la police française en décembre 1941. Cassou, cette fois, est pris. Incarcéré d'abord à la prison militaire de Furgole, condamné à un an de détention en juillet 1942, il passe par la prison de Lodève et les camps de Mauzac (Dordogne) et de Saint-Sulpice-la-Pointe (Tarn).
Libéré en juin 1943 il renoue immédiatement avec la Résistance active et est nommé par le Comité directeur des MUR au poste d'inspecteur pour la zone Sud et plus particulièrement la région toulousaine. Au printemps 1944, alors que la libération de la France se précise, le GPRF d'Alger désigne ce résistant de la première heure, expérimenté et unanimement respecté, pour occuper la fonction clef de Commissaire de la République à Toulouse. A ce titre, il participe activement à la préparation de l'insurrection de la ville rose. Mais dans la nuit du 19 au 20 août 1944, au sortir d'une réunion décisive, sa voiture tombe sur un détachement allemand qui quitte la ville. Cassou est grièvement blessé et laissé pour mort sur le pavé ; il ne peut assumer ses fonctions et c'est Pierre Bertaux qui le remplace.
Après sa convalescence, il refuse de faire carrière dans l'appareil d'Etat et retourne à sa passion première en prenant la direction du musée national d'Art Moderne de Paris. Compagnon de route du PC, il redevient rédacteur en chef de la revue Europe et accepte de prendre la présidence du Comité national des écrivains (de février 1946 à mai 1947). Mais, dès 1947, il prend ses distances vis à vis du stalinisme et rompt définitivement en 1949 au retour d'un voyage en Yougoslavie. Intellectuel engagé, il participe à tous les combats politiques de l'après-guerre : ardent défenseur de la cause titiste, il préside l'association France-Yougoslavie ; opposant à la guerre d'Algérie et partisan de l'indépendance, il dénonce sans relâche l'emploi de la torture par l'armée française ; en 1958, il se montre hostile au retour au pouvoir du général de Gaulle ; en 1968, il est enthousiasmé par "l'esprit de mai" qui souffle sur le pays... Compagnon de la Libération depuis septembre 1944, Jean Cassou meurt le 16 janvier 1986 à Paris à l'âge de 89 ans.
Jean Cassou was born on July 9 1897 in Deusto, near Bilbao, to an engineer father originally from Bearn in central France who had worked in Spain for many years, and an Andalusian mother. His father died in 1913; at just 16 years old, he was forced to hold various jobs (such as a secretary) and take night classes in order to support his family. Neverthless, he received his high school diploma in 1917 and began studying Spanish at the Sorbonne. Discovering early on a passion for the artistic process in general, and for literatue and modern art in particular, he began writing articles for several small literary reviews in 1919. At 26 years old, in 1923, he was selected as a copywriter for the Minister of Public Education, which freed him from worrying about monetary problems. Two years later (1925), he published his first novel, Eloge de la folie (Praise of Folly). Very connected to the artists in Montparnasse, he proved himself to be extremely intellectually active, translating Spanish authors, publishing essays on art and novels, working with renown publications such as NRF (the New French Review) and the Revue Europeenne.
Beginning in 1932, he became an inspector of historical monuments. Violently opposed to fascist ideology, he joined the CVIA (the Watch Committee of Anti-Fascist Intellectuals) after February 6 1934 and, beginning in 1936, took the helm of the literary review and spearhead of anti-fascist culture Europe, which was founded by Romain Rolland and had been led by Louis Aragon. At the same time he worked with numerous other anti-fascist publications including the weekly magazine Vendredi run by his friend Jean Guehenno. It was Vendredi that published, in serialized form, his novel Les Massacres de Paris about the Paris commune of 1871.
After the Popular Front's victory in the elections of May 1936, he joined the cabinet of Jean Zay, a radical young national education minister. In charge of artistic questions, he rediscovered his old univeristy friend Marcel Abraham who was the chief of staff. An enthousiastic supporter of Spain's version of the Popular Front, he crossed the Pyrénées several times in 1936 and actively campaigned in favor of a French military intervention at the beginning of the Spanish Civil War. His belief in the need for an intervention in Spain to stop the spread of facism caused him to become more in line with the Communist Party.
After the fall of the Popular Front in 1938, he was named assistant curator for the Luxembourg Museum which later became the Modern Art Museum.
In August 1939, with the signature of the German-Soviet non-aggression treaty, he split from the Communist Party. Mobilized as a « special agent », he was tasked with the evacuation of works of art and the creation of storage places in Chambord and in other castles; it was at Valencay, Talleyrand's former residence, where he learned of the armistice.
Returning to Paris, he was named director of the Modern Art Museum in September 1940 but the Vichy government immediately revoked the offer because of his political beliefs. In a capital overwhelmed by the surrender and occupation, he continued to see several of his friends from before the war like the writer Claude Aveline, Marcel Abraham and also Agnes Humbert who worked at the Museum of the People's Arts and Traditions. All refused to accept defeat and were eager for action. Very quickly, they formed a small circle of ten members who met reguliarly, either at the home of the Emile-Paul brothers and editors in the Latin Quarter or at the home of Simone Martin-Chauffier, to discuss and share news. These « free Frenchmen in France », as they chose to call themselves, quickly began to produce leaflets and small tracts which they distributed, posted and « forgot » throughout all of Paris.
Through Agnes Humbert and Paul Rivet, director of the Museum of Man, Cassou came into contact with the linguist Boris Vilde in the fall of 1940. This meeting was a decisive moment, because the Museum de l'Homme group already had an advanced organization and was involved in the various fields of intelligence, propoganda and evasion. Vilde, who wanted to organize the fledgling Resistance movement, gave the « Free Frenchmen in France » the task of of creating an entire underground magazine. Having nothing else to take up his time, Cassou totally invested himself in the project; basically editor-in-chief, he coordinated the work of the small team which included Agnes Humbert, Marcel Abraham, Simone Martin-Chauffier and Claude Aveline. The version edition of Resistance appeared on December 15 1940 on four pages, printed on an old mimeograph from the museum. Cassou was the main editor even though the editorial was written by Vilde and his assistant Anatole Lewitsky. The magazine, which would have a total of five editions (the last in March 1941 entirely the work of Pierre Brossolette) was one of the first underground pieces of work published reguliarly in the occupied zone.
But repression was not far behind and arrests began to occur in the heart of the Museum de l'Homme group beginning in January 1941, due to infiltration by double agents. Realizing that the noose was tightening around them, Aveline, Abraham and Cassou left Paris for the free zone. They left just in time; Agnes Humbert, who faithfully remained at her post to insure the continued publication of the magazine, was arrested on April 15 1941. This was the end of Cassou's first brush with the Resistance in Paris. Relocating to Toulouse, he continued to pursue these activities among the group surrounding the academic Pierre Bertaux and the Italien book seller Sylvio Trentin. Quickly put under survaillance by the Office of Anti-Nationalist Activities in Toulouse, victim of treason, the group was targeted by a French police crackdown in December 1941. This time, Cassou was taken. First imcarcerated at the Furgole military prison, sentenced to one year in July 1942, he proceeded to move to the Lodeve prison, Mauzac camp (Dordogne) and Saint-Sulplice-la-Pointe camp (Tarn).
Freed in June 1943, he immediately re-entered the active Resistance and was chosen by the Committee Director of the United Resistance Movements for the post of inspector for the Southern zone and specifically the region of Toulouse. In the spring 1944, as the liberation of France was developping, the Provisional Government of the French Republic in Algiers chose this Resistant from the very beginning, tested and unanimously respected, to take on the key rôle of Commissioner of the Republic in Toulouse. Under this title, he actively participated in the preparation of the inserrection of the « Pink City ». But the night of August 19-20 1944, while leaving a decisive meeting, his car came across a German troop that was leaving the city. Cassou was seriously injured and left for dead on the pavement; he could not, therefore, assume his responsibilities and it was Pierre Bertaux who replaced him.
After his convalescence, he refused a career with the State and returned to his first passion, entering the management of the National Modern Art Museum in Paris. A Communist Party sympathist, he became editor-in-chief of the literary review Europe once again and accepted the position of president of the National Committee of Writers (from February 1946 to May 1947). But, after 1947, he began to distance himself from the Party's Stalinism and definitively left the Party in 1949 after traveling in Yugoslavia. Intellectually active, he participated in many of the political debates in the years following the war: an adament defender of Tito, he presided over the France-Yugoslavia Association; opposed to the war in Algeria and a supporter of Algerian independence, he relentlessly denounced the French army's use of torture; in 1958 he was against General de Gaulle's return to power; in 1968 he was encouraged by the « May spirit » which traversed the country...member of the Ordre de la Liberation (the second-highest honor in France) since September 1944, Jean Cassou died on January 16 1986 in Paris at the age of 89.
Traduction : Carolyn Burkett
Julien Blanc, "Jean Cassou (1897-1986) in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004-2005