Journal Défense de la France, n°11, 15 février 1942

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°11, February 15, 1942.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro composé de 6 pages. Format 23 x 29cm (3 feuillets recto-verso). Papier jaunâtre de médiocre qualité, acheté au marché noir.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Ce 11e journal de Défense de la France est daté du 15 février 1942. Il est tiré à 10 000 exemplaires et est imprimé sur deux machines différentes : la Rotaprint habituelle acquise au printemps 1941 et, pour la première fois, sur une véritable machine à imprimer.

Ce numéro 11 se compose de 7 articles. Fidèle aux principes énoncés dès 1941, le journal centre son discours sur une protestation morale. Il cherche à faire réagir les Français en les sensibilisant aux thèmes suivants : la collaboration, l’état de la flotte française, la Lorraine, le soutien américain, le défaitisme ambiant, la future victoire russe sur l’armée allemande, aux accords économiques passés entre l’Italie et l’Allemagne.

- Le premier article, signé « Indomitus », est intitulé Vérités rudes. Il dénonce, une fois encore, avec force et hargne, la collaboration en s’appuyant notamment sur un discours du Général Weygant destiné à Pierre Laval dans lequel il cite, ostensiblement, des noms de collaborateurs connus tels que Brinon, Déat, Luchaire, Doriot… et les menace « d’une mort ignomineuse comme l’on extermine les punaises ou autres animaux plats… ». Il exhorte les Français à les écraser de leur mépris et les encourage à lutter au nom d’une France indomptée.

- Le deuxième article, non signé, dresse un bilan de la situation de la flotte française en 39, en 42 et telle que l’auteur l’envisage dans l’avenir : il se veut optimiste et rassurant auprès de la population. Malgré des difficultés à surmonter, la marine française peut compter sur « la qualité de ses fabrications » et sur « son génie maritime ». En travaillant « dur », la France peut retrouver une flotte « puissante » à la hauteur des ses homologues américains et anglais.

- Dans le troisième article, Défense de la France publie une lettre d’un de leurs « amis lorrains » afin de sensibiliser, une fois encore, les Français au triste sort de leurs « frères d’Alsace-Lorraine » qui subissent une « germanisation forcée».

- Le mouvement réagit, dans son quatrième article, sur l’envoi de tracts américains sur le territoire français, destinés à renforcer la volonté de résistance de la population. C’est pour Défense de la France l’occasion de mentionner et considérer le soutien américain mais, plus encore, de glorifier « l’admirable Résistance française » qui lutte « une fois de plus » pour la liberté comme le mentionnent les messages américains.

- Dans son article intitulé « La tour d’ivoire », le professeur Alphonse Dain, « A. Francin », réagit, là encore, au défaitisme ambiant et cherche à sortir les Français de cette apathie générale en glorifiant la France et son patrimoine naturel, historique, moral et militaire.

- Dans son article « La situation », Phillippe Viannay , « DF », dresse un très rapide « bilan » des dernières opérations militaires qui ne sont guères encourageantes. Il prèfère centrer son discours sur la situation en Russie où, selon lui, « se joue le sort du monde ». Il pointe les revers rencontrés par la Wehrmacht et les difficultés endurées par les civils allemands.

- Les deux derniers articles dénoncent le pillage écomomique par les Allemands.

De 1941 à 1944, Défense de la France lance régulièrement des consignes, notamment de diffusion, de reproduction et donc d’adhésion, qui irriguent, dès le premier numéro, le discours tenu par Défense de la France. Dans ce numéro, Défense de la France sollicite, une nouvelle fois, une participation financière à son effort en écrivant ceci : « NOTRE TIRAGE EST FONCTION DE VOTRE COURAGE… ET DE VOTRE GENEROSITE ».

 

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L’impression du journal se poursuit de nuit dans les caves de la Sorbonne, rue Cujas (Paris). L’entreprise qui se gérait jusqu’alors en totale autonomie selon les souhaits de son chef Philippe Viannay sort très progressivement de sa phase artisanale. En effet, l’augmentation des tirages depuis le début de l’année 1942, rend l’autogestion de plus en plus lourde et il devient alors urgent de pénétrer plus avant le monde de l’imprimerie.

Le mois de février 1942 marque en ce sens une étape importante pour le mouvement : par l’intermédiare de Paul Ranchon, Philippe Viannay rencontre un imprimeur professionnel, Jacques Grou-Radenez dont le bureau est installé au 11, rue de Sèvres (Paris) : cet « homme eut alors un rôle central et nous ouvrit littéralement les portes du sérail » confie Philippe Viannay. (1) Il offre immédiatement son concours à DF et lui permet de « passer de l’offset au stade professionnel […]. » (2)

Outre la fourniture du matériel, Grou-Radenez promet de dépanner Défense de la France pour l’impression de certains documents (comme en témoigne ce 11ème numéro imprimé en partie sur les machines de ce spécialiste), de mettre en relation le mouvement avec des photograveurs et des techniciens et, surtout, de former les jeunes militants inexpérimentés au métier d’imprimeur et notamment à l’ensemble des règles de la typographie. Parmi eux Charlotte Nadel, pionnière du mouvement, bénéficie d’un apprentissage rapide et utile, lui permettant de coiffer, à terme, toute la branche technique du mouvement. 

Dès lors, le mouvement installe un atelier de composition au n°41, rue du Montparnasse (Paris). Ces stages chez l’imprimeur complètent l’apprentissage de ces pionniers de l’imprimerie qui, dans l’ensemble, se forment sur le tas.

« Ainsi était mise en route une logique qui nous portait, nous emportait plutôt, et nous obligeait à répondre aux multiples interrogations que suscitait son propre développement. Le journal n’était plus une fin en soi mais un support. […] Notre expansion nous contraignait à sortir de notre petit ghetto. » (3)

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal ». (4)

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich


Sources :
(1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (2) Olivier Wieviorka Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (3) Philippe Viannay, Op.cit. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit.


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This eleventh issue of Défense de la France is dated February 15, 1942. Approximately 10,000 copies were printed using two different machines: the Rotaprint acquired by the movement in the Spring of 1941, and, for the first time, on a real, professional printing machine. This issue is comprised of seven articles: Loyal to the principles pronounced in 1941, the newspaper focused its discourse on the moral protestation. It looked to provoke a response from the French people by alerting them to the following themes: the collaboration, the state of the French navy, Lorraine, American support, the ambient defeatism, the impending Russian victory against the German forces, and the economic agreements passed by Italy and Germany.

- The first article, signed « Indomitus », is entitled « The Harsh Truths ». It once again, forcefully and aggressively denounces the collaboration, notably calling on the speech by General Weygat addressing Pierre Laval in which he ostensibly cites the names of well-known collaborators such as Brinon, Déat, Luchaire, Doriot... and threatens them « with an ignominious death like one exterminates bugs or other lowly animals... ». The author urges the French to eliminate them from their contempt and encourages them to fight in the name of a France unsubdued.

- The second article, unsigned, presents a rundown of the state of the French naval fleet in 1939, 1942, and how the author envisions it in the future – he wants to be optimistic and reassure the population. Despite the many obstacles to overcome, the French Navy can count on the « quality of her manufacturing » and on « her military genius ». By working hard, could rebuild a « powerful » naval force on par with those of the English and the Americans.

- In the third article, Défense de la France published a letter from one of their « friends in Lorraine » so as to once again raise awareness of the sad fate their « brothers from Alsace-Lorraine » who were being submitted to a « forced germanization ». - In their fourth article, the movement reacted to the dispersion of American pamphlets in France, designed to reinforce the spirit of resistance within the population. The Défense de la France used this occasion to not only mention the American support, but also to glorify « the admirable French Resistance » who fight « one more time » for liberty, just as the American pamphlets had said.

- Professor Alphonse Dain, or « A. Francin », in his article titled « The Ivory Tower », reacts once again to the ambient defeatism throughout the country, looking to raise the French up out of their general apathy by glorifying France and her national, historical, moral, and military heritage.

- In his article, « The Situation », Philippe Viannay, « DF », presents a rapid account of the latest military operations that are hardly encouraging. He prefers to center his discourse around the situation in Russia, where, according to him, « the future of the world is at stake ». He points to the setbacks encountered by the Wehrmacht and the difficulties being endured by German civilians.

- The last two articles denounce the economic pillaging at the hand of the Germans. From 1941 to 1944, Défense de la France issued orders, notably through diffusion, reproduction, and therefore membership, which, since the first issue, supplied the discourse taken by Défense de la France.

In this issue, Défense de la France solicited, once again, financial support for their effort, writing: « OUR CONTINUED PRINTING IS A FUNCTION OF YOUR COURAGE... AND YOUR GENEROSITY ».

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This time, the printing of the newspaper was done at night in the basement of the Sorbonne on Rue Cujas in Paris. The still artisanal operation had managed, up to the present, to maintain full autonomy, according to the wishes of its leader, Philippe Viannay. But, with the increase in printing since the beginning of 1942, the determination to remain self-managed grew more difficult and it became necessary to enter into the world of professional printers.

In February 1942, Défense de la France took an important step in its history. Using Paul Ranchon as an intermediary, Philippe Viannay met a professional printer by the name of Jacques Grou-Radenez, whose office was situated at 11 Rue de Sèvres in Paris. This man « had thus a central role and literally opened the doors to his inner circle » (1) confided Philippe Viannay. He immediately offered his support to Défense de la France, and allowed it to « format the paper on a professional stage [...]. » (2)

In addition to the supply of materials, Grou-Radenez promised to help Défense de la France with the printing of certain documents (as testified by the fact that a portion of the copies of the eleventh issue were printed on his machine). This created a relationship between the movement and photo-engravers and technicians and, above all, to teach the young, inexperienced members the rules of typography. Among them, Charlotte Nadel, one of the pioneers of the movement, benefited from a rapid and useful apprenticeship, permitting her to control the technical branch of the movement.

From then on, the movement operated out of a workshop at 41, Rue du Montparnasse in Paris. These apprenticeships at the printers help the young pioneers, on the whole, to learn on the job. At the same time, Défense de la France launched an independent operation to create false documents under the charge of Monique Rollin and Michel Bernstein.

« Thus a logic was set in place that carried us, swept us rather, and obligated us to respond to the multiple interrogations that sparked its own development. The newspaper is no longer a goal in and of itself, but a base [...]. Our expansion compells us to leave our little ghetto. » (3)

« The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (4)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.

Source: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Philippe Viannay, Op.cit. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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L’évolution du conflit continue de jouer en faveur des Allemands et des forces de l’Axe.
Malgré l’entrée en guerre des Etats-Unis depuis l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, l’ennemi gagne du terrain.
Les succès de Rommel en Afrique comme l’offensive allemande déclenchée en Russie au printemps 1941 n’incitent guère à l’optimisme. De leur côté, les Japonais poursuivent leurs offensives dans le Pacifique.

« Les années 1941-1942 sont des années très longues, très lourdes ». L’espoir d’une victoire rapide en 1940 est déjà loin et au fur et à mesure que les mois passent la guerre tisse sa toile. Elle s’étend et s’enracine partout.

En France, la répression allemande à l’encontre des résistants, des Juifs et des civils est de plus en plus violente, notamment depuis le décret Nacht und Nebel promulgué les 7 et 12 décembre 1941. 

Pourtant, peu à peu, le maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. La rigueur d’un hiver qui s’éternise ne fait qu’accentuer cette morosité.

Dans ce contexte de plus en plus difficile, la Résistance intérieure et extérieure s’organise progressivement. Depuis son parachutage en France le 1er janvier, Jean Moulin, représentenant personnel du général de Gaulle et délégué du Comité national français (CNF), se charge de fédérer tous les éléments de la Résistance autour de la France Libre.


Sources : Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de Résistance de l’Occupation à l'école des Glénans, éditions Pascal, 2004. 

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The evolution of the conflict continued to play in favor of the Germans and the forces of the Axis. Despite the United States having entered the war following the Japanese attack on Pearl Harbor on December 7, 1941, the enemy was gaining ground. The success of Rommel in Africa as the German offensive into Russia began in the Spring of 1941 hardly inspired optimism. For their part, the Japanese also continued to pursue their offensives in the Pacific.

« The years of 1941 to 1942 were very long, very difficult ». "The hope of a rapid victory in 1940 had already long dissipated. As the months dragged on, the war wove a web of ever greater complexity, ensnaring more and more of the continent in its fatal trap".

In France, the German repression of resistants, of Jews, and of civilians became more and more violent, notably since the Nacht und Nebel decree promulgated the 7th and 12th of December, 1941.

Little by little, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing, the daily restrictions that were inflicted by a German occupation growing heavier and heavier, as the rigor of a winter that dragged on for months only accentuated this gloom.

However, in this context that was becoming more and more difficult, the Resistance, both inside France and overseas, continued to organize. Parachuting onto French soil the first of January, Jean Moulin, the personal representative of General de Gaulle, was charged with the federation of all of the Resistance relating to the Free French Forces.

Source: Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi