Journal Défense de la France, n°12, 20 mars 1942

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°12, March 20, 1942.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Format 21 x 32 cm. 10 pages (5 feuillets imprimés au recto et au verso). Papier jaunâtre de médiocre qualité acheté au marché noir.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

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Ce journal, daté du 20 mars 1942, est le 12e numéro de Défense de la France. Il est imprimé, comme le sera désormais la plupart des numéros, en partie sur la Rotaprint acquise par le mouvement dès le printemps 1941 et en partie sur une machine professionnelle, mise à la disposition du mouvement. Le tirage s’élève à environ 10 000 exemplaires.

Malgré de « redoutables problèmes d’approvisionnement en encre et en papier notamment », le tirage se maintient et tend à augmenter au fil du temps. La machine à écrire Offset, jusqu’à présent utilisée, est définitivement abandonnée au profit de matériels typographiques spécialisés. Il est donc le dernier numéro à l’utiliser.

Cette 12e édition porte, de nouveau, la mention utilisée par Robert Salmon dès le premier numéro : « ni Allemands, ni Russes, ni Anglais » comme le comporteront tous les journaux jusqu’au 1er janvier 1943.

Il s’agit d’un « numéro spécial sur l’Allemagne ». Le sujet traité est développé en sept articles :

- Dans son premier article intitulé « Nazisme et Civilisation », Robert Salmon, « Robert Tenaille », aborde les points suivants : « le mépris des valeurs spirituelles », « le mépris des nations », « le mépris de l’homme », « nazisme et communisme ».

- Philippe Viannay, « Indomitus », signe le second article dans lequel il expose sa vision de « l’Allemand ».

- Le troisième article « Hitler vous parle » retranscrit, comme dans l’un des articles du 8ème journal de Défense de la France, des extraits tirés du livre d’Herman Rauschning, Hitler m’a dit.

- Sous la plume de « René Robert », Défense de la France informe les Français sur « L’Economie allemande ». Afin de comprendre « Pourquoi le système économique allemand conduit à la guerre », l’auteur analyse en trois étapes l’évolution de son histoire économique depuis la guerre de 1870 : de 1870 à 1918, de 1918 à 1933 et de l’arrivée d’Hitler jusqu’à « la guerre actuelle ».

- Le professeur Alphonse Dain, « Klein », consacre le cinquième article au « Catholicisme en Allemagne ». En démontrant l’hostilité d’Hitler au catholicisme, l’auteur apporte, en quelque sorte, son soutien au régime pro-catholique de Vichy et, par là, défend l’idée du double jeu du Maréchal.

- Le sixième article intitulé « Le catholicisme vu par Hitler » est un condensé d’extraits du Führer dans lesquels il se désigne comme le « grand libérateur de l’humanité ».

- Défense de la France signe le septième et dernier article dans lequel il s’exprime sur « L’avenir de l’Allemagne » tel qu’il l’envisage : « La chute du nazisme », ses « conséquences » et « Le dilemme ».

Dans ce numéro spécial, Défense de la France condamne donc le projet hitlerien dans son ensemble. La place accordée au nazisme dans les colonnes du journal constitue, en volume, le premier thème traité et répond à plusieurs objetcifs : « le journal souhaite tout d’abord informer des lecteurs qui méconnaissent l’hitlerisme », ce qui permet de nommer et identifier l’adversaire comme le mal absolu que la France doit prioritairement abattre. 

« Enfin, en définissant l’hitlérisme comme l’unique ennemi, Défense de la France exonère l’Etat français de ses responsabilités. » (6)

 

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L’impression du journal se poursuit de nuit dans les caves de la Sorbonne, rue Cujas (Paris). L’entreprise, qui se gérait jusqu’alors en totale autonomie selon les souhaits de son chef Philippe Viannay, sort très progressivement de sa phase artisanale En effet, l’augmentation des tirages depuis le début de l’année 1942, rend l’autogestion de plus en plus lourde et il devient alors urgent de pénétrer plus avant le monde de l’imprimerie.

Depuis le mois de février 1942, Défense de la France est secondé par Jacques Grou-Radenez. Rencontré par l’intermédiaire de Paul Ranchon, cet imprimeur offre immédiatement son concours à Défense de la France et lui permet de « passer de l’offset au stade professionnel. » (1)

« Outre la fourniture du matériel, Grou-Radenez promet de dépanner DF pour l’impression de certains documents » (2), de mettre en relation le mouvement avec des photograveurs et des techniciens et, surtout, de former les jeunes militants inexpérimentés au métier d’imprimeur et notamment à l’ensemble des règles de la typographie. Parmi eux Charlotte Nadel, pionnière du mouvement, bénéficie d’un apprentissage rapide et utile, lui permettant de coiffer, à terme, toute la branche technique du mouvement. Dès lors, le mouvement installe un atelier de composition au n°41, rue du Montparnasse (Paris). Ces stages chez l’imprimeur complètent l’apprentissage de ces pionniers de l’imprimerie qui, dans l’ensemble, se forment sur le tas.

« Ainsi était mise en route une logique qui nous portait, nous emportait plutôt, et nous obligeait à répondre aux multiples interrogations que suscitait son propre développement. Le journal n’était plus une fin en soi mais un support. […] Notre expansion nous contraignait à sortir de notre petit ghetto. » (3)

Cette préprofessionalisation du mouvement s’accompagne d’une volonté d’expansion. « De parisien, il se mue en une organisation nationale et élargit par ailleurs le champ de son action. » (4)

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal. » (5)

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich


Sources :
(1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949,éditions du Seuil, 1995. (2) Ibid. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit. (5) Ibid. (6) Ibid.


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This twelfth issue of Défense de la France is dated March 20, 1942. The printing was done, as it would be henceforth, using two different machines: the Rotaprint acquired by the movement in the Spring of 1941, and a professional printing machine made available to the movement. Approximately 10,000 copies of this issue were printed.

Despite the « formidable problems of ink and paper supplies », the printing was maintained, and, over time, even augmented. The Offset typewriter, which had been used up to the present, was definitively abandoned in favor of more specialized typographic materials. Therefore, this is the last issue to use the Offset.

This issue again bears Robert Salmon's inscription from the first issue: « Neither Germans, nor Russians, nor English », as all issues would bear until January 1, 1943.

This is a « Special Issue on Germany ». The subject is developed over seven articles:

- The first article, titled « Nazism and Civilization », Robert Salmon, « Robert Tenaille », discusses the following points: « the contempt of spiritual values », « the contempt of nations », « the contempt of man », and « Nazism and Communism ».

- Philippe Viannay, « Indomitus », signs the second article in which he describes his vision of « The German ».

- The third article, titled « Hitler Speaks to You » was retranscribed as one of the articles from the eighth issue of Défense de la France, containing excerpts from Herman Rauschning's book, Hitler Told Me.

- Under the pen of « René Robert », Défense de la France informs the French about « the German economy ». To understand, « why the German economic system leads to war », the author analyses the evolution of Germany's economic history since the War of 1870 in three steps: from 1870 to 1918, from 1918 to 1933, and from the arrival of Hitler until the « current war ».

- Professor Alphonse Dain, or « Klein », consecrated this fifth article to « Catholicism in Germany ». In demonstrating Hitler's hostility toward Catholicism, the author, in a way, offers his support for a pro-Catholic Vichy regime and, with that, defends the idea of the Marshall playing both sides.

- The sixth article, titled « Catholicism as seen by Hitler », is a condensed collection of excerpts of the Führer in which he depicts himself as the « great liberator of humanity ».

- Défense de la France designates the seventh and last article to explain « The Future of Germany » such as it envisions it: « the fall of Nazism », its « consequences », and « The Dilemma ».

In this special issue, Défense de la France condemns Hitler's projects altogether. The primary theme of this issue was Nazism which held an important place in its columns with hopes of responding to several objectives: « the paper hoped to inform the public that misunderstood Hitlerism », which allowed the newspaper to name and identify their adversary as an evil absolute that France must destroy.

« In the end, by defining Hitlerism as the sole enemy, Défense de la France exonerated the French state from its responsibilities. » (6)

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At this time, the printing of the newspaper was done at night in the basement of the Sorbonne on Rue Cujas in Paris. The still artisanal operation had managed, up to the present, to maintain full autonomy, according to the wishes of its leader, Philippe Viannay. But, with the increase in printing since the beginning of 1942, the determination to remain self-managed grew more difficult and it became necessary to enter into the world of professional printers. Since February 1942, Défense de la France was seconded by Jacques Grou-Radenez. Met through the intermediary, Paul Ranchon, this printer immediately offered his support to Défense de la France, and allowed it to « format the paper on a professional stage [...]. » (2)

« In addition to the supply of materials, Grou-Radenez promised to help Défense de la France with the printing of certain documents » (2). This created a relationship between the movement and photo-engravers and technicians and, above all, to teach the young, inexperienced members the rules of typography. Among them, Charlotte Nadel, one of the pioneers of the movement, benefited from a rapid and useful apprenticeship, permitting her to control the technical branch of the movement.

From then on, the movement operated out of a workshop at 41, Rue du Montparnasse in Paris. These apprenticeships at the printers help the young pioneers, on the whole, to learn on the job. « Thus a logic was set in place that carried us, swept us rather, and obligated us to respond to the multiple interrogations that sparked its own development. The newspaper is no longer a goal in and of itself, but a base [...]. Our expansion compells us to leave our little ghetto. » (3)

This pre-professionalism of the movement was accompanied by a desire to expand. « From Parisian, it transformed into a national organization and extended the reach of their action. » (4)

« The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (5)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.

Source: (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (2) Ibid. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (4) Olivier Wieviorka, Op.cit. (5) Ibid. (6) Ibid.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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En ce début d’année 1942, l’évolution du conflit continue de jouer en faveur des Allemands et des forces de l’Axe. Malgré l’entrée en guerre des Etats-Unis depuis l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, l’ennemi gagne du terrain.
Les succès de Rommel en Afrique comme l’offensive allemande déclenchée en Russie au printemps 1941 n’incitent guère à l’optimisme. De leur côté, les Japonais poursuivent leurs offensives dans le Pacifique.

« Les années 1941-1942 sont des années très longues, très lourdes. L’espoir d’une victoire rapide en 1940 est déjà loin et, au fur et à mesure que les mois passent, la guerre tisse sa toile. Elle s’étend et s’enracine partout. »

En France, la répression allemande, à l’encontre des résistants, des Juifs et des civils est de plus en plus violente, notamment depuis le décret Nacht und Nebel promulgué les 7 et 12 décembre 1941.

Pourtant peu à peu, le maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. La rigueur d’un hiver qui s’éternise ne fait qu’accentuer cette morosité.

Dans ce contexte de plus en plus difficile, la Résistance intérieure et extérieure s’organise progressivement. Depuis son parachutage en France le 1er janvier, Jean Moulin, représentenant personnel du général de Gaulle et délégué du Comité national français (CNF), se charge de fédérer tous les éléments de la Résistance autour de la France Libre.


Sources : Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de Résistance de l’Occupation à l'école des Glénans, éditions Pascal, 2004.



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The evolution of the conflict continued to play in favor of the Germans and the forces of the Axis. Despite the United States having entered the war following the Japanese attack on Pearl Harbor on December 7, 1941, the enemy was gaining ground.
The success of Rommel in Africa as the German offensive into Russia began in the Spring of 1941 hardly inspired optimism.

For their part, the Japanese also continued to pursue their offensives in the Pacific.
« The years of 1941 to 1942 were very long, very difficult. The hope of a rapid victory in 1940 had already long dissipated. As the months dragged on, the war wove a web of ever greater complexity, ensnaring more and more of the continent in its fatal trap. »

In France, the German repression of resistants, of Jews, and of civilians became more and more violent, notably since the Nacht und Nebel decree promulgated the 7th and 12th of December, 1941.

Little by little, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing, the daily restrictions that were inflicted by a German occupation growing heavier and heavier, as the rigor of a winter that dragged on for months only accentuated this gloom.

However, in this context that was becoming more and more difficult, the Resistance, both inside France and overseas, continued to organize. Parachuting onto French soil the first of January, Jean Moulin, the personal representative of General de Gaulle and the delegate to the Comité national français (CNF), was charged with the federation of all of the Resistance relating to the Free French Forces.

Source: Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi